OLSZANSKI Thomas

Par Janine Ponty

Né le 5 novembre 1886 à Morawska (province de Rzeszow, Pologne autrichienne) ; mort le 9 juillet 1959 à Varsovie. Naturalisé français en 1922 ; déchu de sa nationalité en 1932 ; membre du Parti communiste ; secrétaire à la Main-d’œuvre étrangère du syndicat CGTU des mineurs du Nord et de la Fédération unitaire du Sous-sol.

Thomas Olszanski
Thomas Olszanski

Thomas Olszanski était le fils de Wojciech Olszanski et de Josefa Kalasa, couple d’agriculteurs pauvres de Galicie orientale, alors sous dépendance autrichienne. Las de la misère qui régnait, il quitta très jeune son village et se rendit en Silésie puis à Lwow. En 1903, il n’avait que dix-sept ans, il adhéra au Parti social-démocrate polonais de Galicie. Mais toujours sans travail régulier dans un pays où sévissait un chômage chronique, il se résolut à émigrer en 1906. D’abord ouvrier mineur en Westphalie, il se rendit en France en 1909 et allait y séjourner pendant plus de vingt-cinq ans.

Dès son arrivée dans le Pas-de-Calais, il s’inscrivit au Parti socialiste mais combattit le "vieux syndicat" des mineurs dirigé par Basly qu’il trouvait trop modéré. Le 10 février 1912, il épousa à la mairie de Sallaumines Anna Mogos, fille d’un révolutionnaire slovaque employé comme lui à la fosse n° 3 de la Compagnie des mines de Courrières. Engagé volontaire en 1914, il refusa cependant d’être versé dans la Légion étrangère, fut ajourné et envoyé, comme de nombreux mineurs polonais du bassin du Nord, vers les mines de l’Aveyron, à Cransac. En 1917, il obtint son incorporation dans l’Armée polonaise en France et ne quitta l’uniforme qu’en 1920.

Naturalisé français sur sa demande par un décret en date du 2 juin 1922 valable pour lui-même, sa femme et ses enfants, domicilié désormais à Lallaing (Nord), Olszanski n’exerça plus longtemps sa profession. Membre du Parti communiste et de la Fédération unitaire du Sous-sol depuis leur création, il devint, en mai 1923, permanent syndical, spécialement chargé de la propagande auprès des ouvriers étrangers. Sa connaissance, sinon parfaite, du moins courante de la langue française lui permit, à une époque où les interprètes polonais étaient encore rares, de traduire instantanément les discours des dirigeants locaux lorsque des mineurs polonais se trouvaient dans l’assistance. Bientôt, il organisa ses propres tournées et, voyageur infatigable, prit la parole chaque jour, parfois deux fois dans le café polonais d’une cité minière différente. Par exemple, en août 1925, il visita douze corons du département du Nord en une semaine. En 1926, il parcourut au mois de mai la Meurthe-et-Moselle, en juin la Moselle et en décembre la région de Saint-Étienne. Il parlait de l’emploi de la main-d’œuvre étrangère en France et des abus qu’il entraînait, du chômage qui menaçait, des impôts trop lourds et prônait la révolution, préconisant l’adhésion à la CGTU ainsi qu’au Parti communiste. Son auditoire s’accrut d’année en année : ses talents d’orateur et le fait qu’il s’exprimait en polonais attiraient des curieux, sinon des adeptes. Lorsqu’une grève éclatait dans un centre minier où travaillaient ses anciens compatriotes, le syndicat unitaire le déléguait pour soutenir l’action : ainsi à Hussigny (Meurthe-et-Moselle) du 12 au 26 août 1926 et surtout lors de la grande grève du bassin de la Loire, du 26 décembre 1928 au 17 janvier 1929. La police le surveillait attentivement ainsi que ses auditeurs polonais, classés "sympathisants communistes" et menacés d’expulsion tandis que lui-même, grâce à sa carte d’identité française, jouissait d’une certaine impunité.

Chargé, à partir de 1927, du rapport d’activité de la MOE (Main-d’œuvre étrangère) aux congrès annuels de la Fédération unitaire du Sous-sol, il passa progressivement de la propagande verbale à la propagande écrite. Il signa des articles dans l’Enchaîné, bihebdomadaire communiste de la région du Nord, dans l’Humanité, et dans des journaux révolutionnaires polonais, où il invitait au renversement du régime capitaliste au profit d’un système semblable à celui de la Russie soviétique.

Une enquête fut ouverte par les autorités judiciaires du Nord : Olszanski tombait-il sous le coup de l’article 9 (§5) de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité et les naturalisations ? Avait-il, par ses écrits, accompli des actes "contraires à la sûreté intérieure et extérieure de l’État français » ? L’accusé chercha à se justifier : ses propos, expliqua-t-il, étaient fondés sur la lutte des classes et non pas sur des sentiments antifrançais. Pourtant, le 22 juillet 1932, le procureur de la République du tribunal de Douai rendit une sentence défavorable que confirma la Cour d’appel le 24 novembre suivant : Thomas Olszanski était déchu de la nationalité française en raison de "ses paroles, discours publics, gestes et écrits". Par contre sa femme et ses cinq enfants ne furent pas touchés par cette mesure.

Un comité pour la défense d’Olszanski constitué aussitôt autour de Jean Lurçat, André Lurçat et Georges Friedmann adressa au garde des Sceaux une véhémente protestation contre le jugement rendu à huis-clos "pour éviter sans doute le contrôle et les réactions de l’opinion publique. C’est une violation de la volonté expresse du législateur, qui a un précédent vieux de trente-cinq ans : l’affaire Dreyfus". André Malraux, Paul Signac, Jean Guéhenno, Élie Faure, René Crevel, Eugène Dabit, Bernard Lecache, Paul Nizan, Henri Barbusse, Victor Margueritte, André Breton, etc, appuyèrent la demande en réintégration dans sa qualité de français qu’introduisit aussitôt Olszanski, en adressant une lettre au ministère de la Justice : "Nous estimons qu’en donnant une suite favorable à cette demande, vous ferez acte de justice..." La section de Lille du Secours rouge international distribua, fin janvier 1933, un tract en langue polonaise : "Quand Olszanski était au front en 1918, c’était un bon patriote... Quand il monte à la tête des organisations révolutionnaires, il devient dangereux pour la bourgeoisie..."

Loin d’obtenir gain de cause, Olszanski fut désormais traqué comme militant étranger. Il était en réalité apatride car, ayant l’intention de devenir français, il n’avait pas effectué, en 1919, les démarches nécessaires pour recouvrer la nationalité polonaise. Suite logique au processus : l’arrêté d’expulsion que signa Albert Sarraut le 19 avril 1934. Olszanski disparut alors de son domicile et resta introuvable pendant cinq mois. Reconnu et arrêté le 15 septembre 1934 à Hénin-Liétard, il fut condamné le 17 à un mois de détention pour infraction à un arrêté d’expulsion et purgea sa peine à la prison de Béthune. Le 17 octobre il fut conduit à la frontière belge avec un sauf-conduit pour se rendre en Union soviétique comme il en avait exprimé le désir. Lors de de son voyage en 1936 en URSS, Kléber Legay le rencontra à Moscou. Olszanski lui demanda d’intervenir auprès de Léon Blum pour qu’il puisse revenir en France.

Après onze ans de séjour à Moscou, Olszanski rentra en Pologne en 1945, et fut permanent au PPR (Parti ouvrier polonais) de 1945 à 1947, puis au PZPR (Parti ouvrier polonais unifié). Âgé et fatigué, il n’exerça plus de rôle dirigeant. En 1957, il publia un livre de mémoires, Zycie Tulacze (Vie errante), où il décrivit en la dramatisant la vie des travailleurs polonais en France, menacés en permanence, selon lui, d’expulsion, et où il enjoliva l’histoire de son combat politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article124360, notice OLSZANSKI Thomas par Janine Ponty, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 20 février 2019.

Par Janine Ponty

Thomas Olszanski
Thomas Olszanski

SOURCES : Arch. F7/13027, 13469, 13789, 13792, 1379. — Arch Dép. Pas-de-Calais M 2387, M 5006, M 5304, 1 Z 50. — Arch. Dép. Nord, M 154/191, 154/195 D (photographie), M 154/202 B. — Arch. Com. Sallaumines. — Archives du PZPR (Varsovie). — Bulletin n° 733 de la Maison Charavay : lettres autographes et documents, juin 1969. — T. Olszanski, Zycie Tulacze, Varsovie, 1957 (traduction française, Presses universitaires de Lille, 1990). — G. Bénichou, "Olszanski n’est plus français", Masses n° 4, avril 1933 (portrait). — Kléber Legay, Un mineur français chez les Russes, Paris, Éditions P. Tisné, 1937. — Texte traduit et présenté par Mylène Mihout, Un militant syndicaliste franco-polonais. La "Vie errante" de Thomas Olszanski (1886-1959), Lille, 1992, Presses universitaires de Lille.

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