PAPAZIAN Paul, dit Achille

Par Antoine Olivesi

Né le 15 novembre 1893 à Constantinople (Turquie) ; dessinateur industriel ; militant communiste et syndicaliste CGT ; vice-président du comité départemental de libération des Bouches-du-Rhône.

D’origine arménienne, Paul Papazian, fils de Joseph et de Sophie Papazian aurait servi dans l’armée turque comme officier pendant la Première Guerre mondiale. Pourtant, il avait fait ses études en France, y avait obtenu le baccalauréat et un diplôme d’ingénieur à l’école des Arts et Métiers de Châlons-sur-Marne où il avait été inscrit de 1911 à 1914. Sa présence est attestée à Marseille le 20 juillet 1923, sans qu’on puisse vérifier si ce fut à la suite des persécutions turques à l’égard des Arméniens. Il obtint la nationalité française par décret du 31 mai 1930. Il s’était marié avec Angèle Canziane, italienne d’origine, dont il eut trois enfants. Il résida jusqu’en 1936 chemin de la Madrague-Vieille.
Il entra le 30 juillet 1923 à la Société provençale de constructions navales (SPCN) et fut nommé dessinateur principal en janvier 1925. Son activité professionnelle fut irréprochable jusqu’en 1935 selon les rapports de police. De 1926 à 1936, il enseigna dans les cours du soir de la chambre d’apprentissage de la métallurgie et aurait été félicité pour les résultats obtenus par ses élèves. Dans lettre qu’il écrivit lorsqu’il se trouvait interné, il écrivit n’avoir adhéré à un syndicat qu’en 1936. Il rejoignit d’abor le syndicat des ingénieurs dessinateurs affilié à la Fédération des travailleurs intellectuels, puis le syndicat de maistrance de la SPCN. S’il s’engagea en juin 1936, ce fut par la direction de l’entreprise, poussée par la direction générale parisienne, refusa toute discussion sur les salaires, ce qui conduisit tout le personnel à se mettre en grève. Il aurait fait tout son possible, dira-t-il pour éviter le conflit et, dans le lettre qu’il écrivit le 24 mai 1941, il affirma avoir toujours eu une « action pacificatrice ». En tout cas, son engagement syndical fut total. Devenu en septembre 1936 secrétaire général du syndicat CGT des techniciens de la Métallurgie, il participa activement aux grèves de l’époque, luttant, en particulier, avec Henri Enjalbert, en mai 1937, contre le lock-out patronal dans la métallurgie. Il était l’objet d’une surveillance particulière pour ses activités syndicales et politiques. Un rapport du 10 mai 1937 le dépeint comme un homme « intelligent qui agirait non dans un intérêt corporatif, mais dans un but nettement révolutionnaire ». Il avait été élu au conseil national de la Fédération des techniciens dès 1936 et il y resta jusqu’en 1938. Plusieurs rapports dénoncèrent ses appels « à la violence et aux actes », son indifférence pour son travail, ses absences répétées et prolongées qui lui valurent deux rappels à l’ordre pour « insuffisance de rendement », puis servirent de prétexte à son licenciement le 17 juin 1938. Ce licenciement entraîna une puissante grève de solidarité à Marseille, qui dura du 21 juin au 5 août 1938. Elle débuta chez les techniciens de la SPCN qui, au Canet et à La Madrague, quartiers portuaires du nord de Marseille, occupèrent, au nombre de deux cent cinquante environ, les locaux puis les évacuèrent sur la promesse d’ouverture de négociations. La grève s’étendit rapidement aux Aciéries du Nord, aux Forges et Chantiers de la Méditerranée, aux chantiers de Provence, à Coder et à d’autres établissements, ce qui affecta six mille ouvriers environ. Les syndicats professionnels français et la CFTC se tenant sur la réserve, ce fut donc la CGT qui, sous l’impulsion de Charles Nédelec et d’Henri Enjalbert, mena l’action en faveur de Papazian, exigeant sa réintégration comme condition de reprise du travail. Après de longues négociations, une sentence arbitrale qui ne fut d’ailleurs pas acceptée par tous les grévistes, car d’autres militants avaient été également sanctionnés au cours de ces grèves, décida que Papazian devait cesser son emploi à la SPCN pendant une période de deux ans à compter de l’expiration de son délai-congé ; au terme de ces deux années, il pourrait formuler une demande de réintégration au titre de dessinateur principal. Lui-même continua à négocier en tant que délégué syndical, en faveur de ses camarades licenciés. Dans lettre en défense de mai 1941, il précisait que, s’il n’avait pas quitté ses fonctions, c’était pour défendre six agents de maîtrise de l’entreprise Coder licenciés à cause de la grève faite par une partie du personnel et qui obtinrent gain de cause auprès de la justice arbitrale. Il ajoutait que le syndicat n’avait pas conseillé de faire grève le 30 novembre 1938. Il fut élu archiviste de l’UL de Marseille au congrès du 5 mars 1939. Surveillé par la police en octobre 1938, il aurait milité pendant quelque temps au Parti communiste puis s’en serait retiré.
Paul Papazian faisait partie de diverses associations, anciens élèves des Arts et Métiers, groupe régional des ingénieurs de l’école, Amis de l’instruction laïque du quartier Oddo-Madrague, puis de celui de Bois-Luzy où il était venu habiter en 1936. Ayant accédé à un pavillon individuel grâce à la loi Loucheur, il avait fondé l ‘Amicale des emprunteurs hypothécaires de la maisonnette provençale, société coopérative HBM.
Inscrit au chômage au début de la guerre, il se serait porté volontaire pour un engagement à titre civil. Ne pouvant trouver du travail à Marseille, il fut embauché le 1er décembre 1939 comme dessinateur aux établissements Kulmann à Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), mais, sur intervention probable de la police ou de la gendarmerie, il fut licencié fin février 1940, la veille de son arrestation, le 1er mars 1940. Considéré comme un « individu très dangereux », un arrêté d’internement fut signé à son encontre le 20 février 1940. Le chef de la brigade gendarmerie de Port-de-Bouc avait estimé dans un rapport du 29 janvier 1940 que, bien qu’il s’agisse d’un très bon travailleur, c’était un chef communiste et qu’il méritait la déchéance de nationalité et l’expulsion, ce que reprit le commandant de la compagnie des Bouches-du-Rhône. Il fut interné au camp de Chabanet dans l’Ardèche puis transféré à Saint-Angeau (Cantal), avant de revenir dans la région, d’abord à Carpiagne (Marseille), puis à Chibron (commune de Signes, Var) à l’ouverture de ce camp, le 20 juin. Il bénéficia d’assez nombreuses interventions en sa faveur, notamment de la part de sa femme et de ses enfants. Un avis défavorable s’opposa à sa libération le 26 avril 1941, mais le secrétaire général de la police intervint en sa faveur le 16 mai suivant, indiquant qu’il aurait toujours été hostile à la tendance favorable à la lutte des classes au sein de sa Fédération et toujours favorable à la collaboration employeurs-salariés. Cette intervention résultait vraisemblablement des démarches de syndicalistes restés dans l’orbite du pouvoir. Il était hospitalisé à Marseille lors de la dissolution de Chibron, le 16 février 1941. Envoyé au camp de Saint-Paul d’Eyjaux (Haute-Vienne), il fut libéré à titre provisoire, pour trois mois, le 12 septembre 1941, et de façon définitive le 10 janvier 1942 (arrêté du 23 décembre 1941)
Libéré, il devint l’un des dirigeants du PC clandestin en Provence sous le pseudonyme d’Achille.
À la Libération, Papazian représenta la CGT au comité de Libération des Bouches-du-Rhône dont il fut le vice-président et où il défendit une ligne tout à fait orthodoxe. Il fit partie également du comité régional de Libération. Il était membre du comité directeur du Mouvement unifié de la Renaissance française (MURF) des Bouches-du-Rhône en décembre 1945.
Il devint directeur de la SPCN.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article124795, notice PAPAZIAN Paul, dit Achille par Antoine Olivesi, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 7 septembre 2021.

Par Antoine Olivesi

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, M6/10874, 10933, 11246, XIV M 25/141, 5 W 205 (dossier d’internement). — Arch. dép. Var 4 M 291. —Arch. Com. Marseille. — Le Petit Provençal. — Rouge-Midi, 1er février 1937, juin-août 1938, 7 mars 1939, 4 septembre 1944. — La Marseillaise, 2 et 3 décembre 1945. — H. Noguères, Histoire de la Résistance, op. cit.., t. II, p. 204. — Maurice Agulhon et Fernand Barrat, CRS à Marseille, op. cit.. — Léo Lorenzi, Pascal Posado et 150 témoins, 1938-1945, les communistes dans la tourmente dans les Bouches-du-Rhône, Marseille, fédération des Bouches-du-Rhône du P.C.F. et l’amicale des vétérans, 1995. — Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947), Paris, Syllepse, 2014. — M. Tournier, Les grèves dans les Bouches-du-Rhône…, op. cit.. — Renseignements communiqués par Pierre Emmanuelli et Henri Peyrot. —notes de Jean-Marie Guillon.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable