TÉNINE Juliette, épouse ALBERT Juliette

Par Nadia Ténine-Michel

Née le 10 mai 1910 à Paris (XIIe arr.), morte le 11 décembre 2003 à Nanterre (Hauts-de-Seine) ; chirurgien-dentiste ; militante communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; résistante FTP.

Ténine Juliette
Ténine Juliette

Fille de Aron Tenine, sculpteur, et de Broucha Borenstein, ménagère, les parents de Juliette Ténine étaient immigrés juifs de Russie, qui avaient quitté leur pays en 1906 et s’installèrent en 1909 en France faute d’avoir obtenu un visa pour les Etats-Unis. Soeur de Maurice Ténine, elle milita pendant ses études à l’Union fédérale des étudiants puis au Parti communiste. Mariée le 17 décembre 1931 à Paris (XVe arr.) avec Aimé Albert*, docteur en médecine et secrétaire de l’Union fédérale des étudiant (médecin à Ivry-sur-Seine il jouera un rôle important dans la résistance médicale), mère d’une fille née en 1932, elle s’installa dans le XIIIe arrondissement à Paris comme chirurgien-dentiste.

En avril 1937, séparée (le mariage fut dissous officiellement en mai 1941), elle s’engagea dans les Brigades internationales et fut affectée au service de santé de la XIVe Brigade. Atteinte de thypoïde en juillet 1937, elle fut soignée plusieurs semaines à Madrid puis reversée à la XIe Brigade. Aide-chirurgien à l’hôpital mobile qui pratiquait des opérations d’urgence, elle fut au plus près d’un front en constant recul. Ce service était composé à la fois de volontaires internationaux exerçant des professions médicales et d’Espagnols peu qualifiés compensant leur absence de formation par l’enthousiasme. Il y régnait une chaleureuse camaraderie qui amena Juliette Ténine à recueillir et élever la fille d’une de ses compagnes espagnoles qui devait mourir à Paris, en mai 1941.

Revenue d’Espagne en juin 1938, elle reprit son activité professionnelle. En 1940, Jeanne Oppmann, qu’elle avait connue en Espagne, lui fit rencontrer Jean Jérôme* qui se servit alors de son domicile, boulevard Blanqui, comme boîte aux lettres et lieu de rendez-vous. Il put, grâce à elle, nouer contact avec le docteur Raymond Leibovici* dont la belle-sœur avait été sa condisciple à l’école dentaire et qui allait participer au groupe des médecins du Front national.

Juliette Ténine fut arrêtée en février 1942 et internée aux prisons de La Roquette et des Tourelles. Avec la complicité d’une infirmière, elle réussit à s’évader en juillet 1942 de l’hôpital Rothschild où elle était en traitement. Contrainte à la clandestinité, elle se réfugia, un temps, chez son amie, Germaine Tillion, qui trouva également une cachette pour les parents Ténine.

Au début de 1943, Juliette Ténine fut mise en rapport avec Georges Beyer* qu’elle avait rencontré à l’UFE et qui la recruta pour son groupe. Elle devint alors agent de liaison mais ses responsabilités furent bien plus larges et elle se retrouva au cœur du réseau de renseignements des FTP, le « service B ». Elle recevait de Madeleine Dubois, belle-sœur de Gaston Plissonnier*, des messages codés qu’elle transcrivait et des cartes minuscules qu’elle devait agrandir, notamment du littoral français. Elle transmettait ces documents à une équipe installée au Raincy (Seine-et-Oise) qui les reproduisait en sept exemplaires puis les récupérait pour les réexpédier. Elle n’identifia par la suite que deux de ses destinataires : Laurent Casanova* car elle avait fait ses études avec Danielle Casanova* et le docteur Aimé Albert (Descartes), son ex-mari. Peut-être l’un de ces destinataires était-il l’ingénieur Marcel Bloch, ancien directeur du matériel à la SNCF, frère de Jean-Richard Bloch*, qui lui dit par la suite avoir eu connaissance des documents qu’elle transmettait. Bien que ces activités fussent très dangereuses, aucun membre de l’équipe — qui comprenait beaucoup d’anciens volontaires en Espagne — ne fut arrêté.

A la Libération, Juliette Ténine ne put récupérer son appartement qui avait été pillé. Ayant refusé la proposition de Jean Jérôme de devenir permanente du parti et souhaitant pouvoir enfin mener une vie normale, elle reprit son métier d’abord à la polyclinique du syndicat des Métaux CGT puis, jusqu’à sa retraite, au dispensaire de Nanterre (Seine).

En 1956, les révélations du XXe congrès du PCUS lui firent quitter le PC dont elle n’était plus qu’une modeste militante.

Juliette Ténine est titulaire de la médaille de la Résistance.

Décédée en décembre 2003 à Nanterre, elle fut enterrée dans cette ville après une cérémonie civile.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132156, notice TÉNINE Juliette, épouse ALBERT Juliette par Nadia Ténine-Michel, version mise en ligne le 25 avril 2016, dernière modification le 26 novembre 2020.

Par Nadia Ténine-Michel

Ténine Juliette
Ténine Juliette

SOURCES : Jean Jérôme, La Part des hommes, Acropole, 1983. — R. Faligot et R. Kauffer, Service B, Fayard, 1985. — Entretien avec Juliette Ténine, juin 1992. — Témoignages de sa fille et de sa nièce. — Le Monde, 16 décembre 2003. — État civil.

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