LEBORGNE Suzanne, Estelle

Par Gilbert Loret

Née le 19 juin 1928 à Berck (Pas-de-Calais) ; sténodactylo ; jociste (1939-1955) ; syndicaliste CFTC puis CFDT ; déléguée du personnel chez Renault (1957-1962 et 1969-1985), membre du conseil syndical du SRTA-CFDT (1957-1962 et 1969-1985) ; responsable d’une antenne du Secours catholique au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine) en 1985.

Fille de Marcel Leborgne et de Mariette Daire, catholiques pratiquants, Suzanne Leborgne fut la seconde d’une fratrie de trois enfants. Sa mère ne put exercer sa profession (cuisinière) à cause du handicap mental de sa fille aînée. Son père, adhérent à la CFTC, fut facteur, employé des chemins de fer, pompier professionnel et comptable. Suzanne Leborgne fréquenta l’école publique de Berck (Pas-de-Calais) et obtint le certificat d’études primaires en 1942, mais ses parents n’ayant pas les ressources suffisantes pour financer un apprentissage, elle apprit la sténodactylographie chez un professeur particulier dont elle assurait, en échange, le ménage. Sensible à la vie collective qu’elle partageait en habitant dans une caserne de pompiers, elle s’inscrivit en 1939 à l’équipe pré-JOCF (Jeunesse ouvrière chrétienne féminine) de Berck, animée par une responsable handicapée qui acceptait la participation de sa sœur aînée. Pendant la guerre, Suzanne Leborgne prépara, avec des aînées de la JOCF, des colis pour les prisonniers. Son père, mobilisé à la caserne des pompiers, considérant qu’il était dangereux de résider dans le Pas-de-Calais, elle partit en février 1944 avec sa mère, sa sœur et son frère à Marzy (Nièvre). Elle put suivre des cours de sténodactylographie à l’école Pigier à Nevers (Nièvre) jusqu’à son retour à Berck, à la fin de la guerre.

En 1945, Suzanne Leborgne trouva un emploi chez un agent d’assurances, puis un autre, en 1946, chez un métreur. Elle avait renoué avec l’équipe JOCF de Berck et participait aux réunions, aux sessions de formation, à la réalisation d’enquêtes sur la santé, les salaires, aux visites en hôpital, aux cérémonies religieuses et à la vente de Sillage, le journal du mouvement. Par l’intermédiaire de son père, elle s’était syndiquée à la CFTC et se fit embaucher, en 1947, comme manœuvre lingère à l’hôpital Calot à Berck. Afin de trouver un emploi correspondant à sa formation de sténodactylographe, elle quitta Berck pour Paris, où elle logea chez une tante, rue Victor Letalle (XXe arr.). Elle travailla du 1er octobre 1947 au 15 décembre 1948 comme sténodactylo à la Fédération nationale de la fourrure à Paris, avenue de l’Opéra (IIe arr.) puis, du 15 janvier 1949 au 2 février 1949, à la centrale incendie des établissements Dubernard, après un court passage comme secrétaire à l’Union parisienne des syndicats de la Métallurgie (UPSM-CFTC), en cours de création par Roger Gillot, rue Montholon (IXe arr.). Dès son arrivée à Paris, elle avait pris contact avec la JOCF de la paroisse Notre-Dame de la Croix (XXe arr.). Sensibilisée aux conditions d’habitat du quartier, découvrant les taudis de la rue des Panoyaux et de l’impasse Ronce (XXe arr.) et les hôtels insalubres, sans chauffage, où vivaient des jeunes travailleuses, elle créa, avec Victor Oriot*, un centre d’accueil de sans logis, pouvant héberger cinquante personnes, dont la nourriture était procurée par les surplus de l’hôpital Tenon (XXe arr.)

Suzanne Leborgne fut embauchée le 3 février 1949 chez Citroën, à l’usine du quai de Javel (XVe arr.), où elle trouva enfin un emploi de sténodactylo avec un niveau de classification correspondant à sa formation. Elle créa une équipe d’action au travail comme le préconisait la JOC, et organisa, avec l’abbé Michel Grenet* et René Delécluse, du secrétariat national de la JOC, des réunions sur les quais de la Seine, avec des ouvrières de l’atelier de câblage, puis des ouvriers de l’atelier de montage. Une petite équipe d’adhérents CFTC prit forme ; sous l’influence de Guy Guingant, elle s’étoffa en recrues masculines et se constitua en section syndicale du syndicat CFTC des ouvriers de la métallurgie et parties similaires de la région parisienne, au sein de l’UPSM-CFTC. Le 3 novembre 1950, Suzanne Leborgne participa au congrès international de la JOC au stade Heysel à Bruxelles (Belgique), où elle fut marquée par le silence hostile qui accueillit la délégation allemande. Le cardinal Cardijn dut prendre la parole et applaudir lui-même les Allemands, face au public, pour provoquer un changement d’attitude des délégations nationales. Suzanne Leborgne fut licenciée en 1951 pour avoir dénoncé les conséquences néfastes du chronométrage sur les conditions de travail.

Elle se fit embaucher, le 15 mars 1951, à la Régie nationale des usines Renault à Boulogne-Billancourt (Seine, Hauts-de-Seine), en qualité de dactylo facturière, et reprit ses activités d’action au travail avec l’équipe de jocistes de l’usine et le père Jean-François Mudry*. En 1957, elle fut élue déléguée du personnel et déléguée au comité d’hygiène et sécurité (CHS), et devint membre du conseil du syndicat Renault des travailleurs de l’automobile (SRTA-CFTC). Mise à l’index par la hiérarchie de l’établissement pour son action syndicale, elle fut mutée en 1957 à la succursale de Renault Paris-Est, boulevard de Charonne (XIe arr.) où, aidée par des militants de Boulogne-Billancourt, elle créa une section syndicale CFTC et fut de nouveau élue déléguée du personnel et au comité d’établissement.

Afin de vivre une expérience ouvrière personnelle, Suzanne Leborgne quitta volontairement la Régie Renault en 1962 et se fit embaucher à l’usine Grandin à Montreuil (Seine, Seine-Saint-Denis), qui fabriquait des postes de radio et de télévision. Elle travailla au montage des appareils, sur chaîne, dans des conditions déplorables, exposée aux produits toxiques, sans protection. Elle contracta la tuberculose et fut soignée au sanatorium de Guebriant (Haute-Savoie), de juillet 1966 à juin 1967. Après un stage de réadaptation au travail au centre Suzanne Masson à Paris (XIIe arr.), elle se fit réembaucher à la régie Renault, à Boulogne-Billancourt, en novembre 1968, comme dactylo facturière, payée au mois, mais soumise au travail au rendement. Elle reprit son activité militante au sein de la section syndicale CFDT, fut élue déléguée du personnel et au CHS, redevint membre du conseil syndical du SRTA-CFDT où lui fut confiée la responsabilité de trésorière. Son évolution professionnelle fut bloquée jusqu’à son départ en pré-retraite en avril 1985. Fervente partisane de la déconfessionnalisation de la CFTC, elle avait fait partie de la délégation du SRTA au congrès confédéral de novembre 1964 à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine).

Durant sa retraite, résidant au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), Suzanne Leborgne participa aux activités de l’Union des retraités CFDT à Boulogne-Billancourt avec Roger Gillot puis, à partir de 1990, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) avec Fausto Da Roit, ancien militant CFDT de la Thomson-CSF. Elle fut responsable de l’antenne du Secours catholique au Plessis-Robinson en 1985 et à l’origine, en 1993, avec Jean Zablot*, administrateur à l’Office public départemental d’HLM (OPDHLM) des Hauts-de-Seine, de l’équipe locale de la Confédération générale du logement (CGL).

Restée célibataire, Suzanne Leborgne était membre de l’Action catholique ouvrière (ACO) depuis 1955.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136606, notice LEBORGNE Suzanne, Estelle par Gilbert Loret, version mise en ligne le 6 avril 2011, dernière modification le 21 juin 2011.

Par Gilbert Loret

SOURCES : Archives UPSM-CFDT, SRTA-CFDT déposées aux archives confédérales. — Témoignage écrit de Suzanne Leborgne. — Entretien avec Suzanne Leborgne, février 2011.

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