LE FAUCHEUR Jean, écrit parfois Lefaucheur Jean

Par Alain Prigent, François Prigent

Né le 23 juillet 1925 à Plémy (Côtes-du-Nord, Côtes-d’Armor), mort le 12 juin 2011 à Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ; ouvrier boulanger ; militant JOC et ACO, militant PSU puis PS ; président de l’UD-CFTC (1957-1960), secrétaire de l’UD-CFTC puis CFDT (1960-1975) ; adjoint au maire de Saint-Brieuc (1977-1989).

Ouvrier boulanger à douze ans, Jean Le Faucheur travaillait chez Le Vexier, président du syndicat patronal des boulangers. Il adhéra à la fin de la guerre au syndicat des boulangers CFTC, créé en 1930. Il côtoyait les réseaux et la génération de Victor Rault*, secrétaire de l’UD-CFTC en 1936, qui devint dans les années 50 maire et député de Saint-Brieuc.

Catholique pratiquant, membre de la JOC, Jean Le Faucheur commença à militer à Guingamp à la Libération, devenant secrétaire de l’Union locale CFTC, fondée en 1936. Il fréquenta à la JOC et au MLP Jean Prual*, ouvrier des usines Tanvez, qui devint un militant de la CGT et du PCF de premier plan, et adjoint au maire de Saint-Brieuc. Jean Le Faucheur fut très actif dans les luttes menées sur Guingamp contre la fabrication des grenades dans les usines Tanvez en 1950 et 1951. Dans le même temps, il resta secrétaire du syndicat CFTC des boulangers jusqu’en 1955.

Membre du conseil d’administration de l’Union départementale CFTC, élu à Saint-Brieuc le 21 novembre 1948, il représenta l’UD à la commission régionale CFTC en 1948. Il fut écarté des responsabilités pour être allé trop loin dans la démarche unitaire avec les communistes sur les problèmes de la paix en mai 1950 (l’affaire des 12). Cependant, il présenta un rapport au congrès de l’UD-CFTC en décembre 1951. Installé à Saint-Brieuc, il représentait en 1952 le courant favorable à la déconfessionnalisation de la CFTC. Il joua un rôle important dans les grèves de l’été 1953, s’interrogeant notamment sur les rapports à entretenir avec le MRP. Il intégra le bureau de l’UD-CFTC à l’issue du congrès des 12 et 13 décembre 1953. Administrateur de la coopérative HLM des Côtes-du-Nord en 1955, il fut administrateur de la caisse primaire de sécurité sociale des Côtes-du-Nord en 1955 puis en 1962.

Il fut élu au poste de président de l’UD à l’issu du congrès de l’UD-CFTC le 8 décembre 1957 puis réélu en 1958. Devenu permanent, il fut élu secrétaire général à l’issu du congrès de l’UD-CFTC par le conseil départemental le 18 décembre 1960. Le Faucheur fut réélu à tous les congrès jusqu’en décembre 1975. Il forma alors avec Michel Cadoret*, pendant près de deux décennies, un tandem redouté du patronat local, qui inquiétait fortement l’UD-CGT, concurrencée sur le terrain des luttes sociales quotidiennes dans les entreprises. Les deux dirigeants occupèrent pendant toute cette période les postes clés de l’UD. Jean Le Faucheur fut la figure emblématique de la CFDT pendant les grèves de 1968. Il intervint à plusieurs reprises en particulier lors des meetings intersyndicaux du 8 mai, du 13 mai 1968 et du 1er juin 1968 à Saint-Brieuc. Il participa aussi au meeting des métallos du 1er juin 1968 à Saint-Brieuc. Mais c’est surtout la grève du Joint Français qui lui conféra une audience nationale.

Membre du bureau de la Fédération nationale de l’Alimentation et du comité national paritaire de la caisse de retraite de la boulangerie en 1962, il était également au début des années 1960 vice-président de la coopérative HLM des Côtes-du-Nord et membre du conseil départemental mutualiste et du bureau de l’URSSAF. Il quitta définitivement les instances de l’UD après avoir présenté sa démission du conseil de l’UD le 23 avril 1977, et après son élection au conseil municipal de Saint-Brieuc.

Disciple de l’Abbé Cottin* de Notre-Dame de Guingamp, Jean Le Faucheur signa, avec un certain nombre de militants chrétiens, une adresse à l’évêque du diocèse de Saint-Brieuc, le 4 mars 1954, condamnant la prise de position de la hiérarchie catholique à l’égard des prêtres-ouvriers.

Dans cette démarche, il accompagna d’autres militants issus des milieux ACO, JOC et CFTC comme Michel Alain*, Louis Cabon*, Léo et Jo Cojean*, Françoise et Jacques Galaup*, Maurice Rousseau* qui militaient tous au PSU à la fin des années 1950.

Jean Le Faucheur écrivit un article sur l’apprentissage dans L’Action Travailliste, organe de la Jeune République en avril 1956. Émile Boutbien qui se présenta contre lui lors de l’élection du président de l’UD à l’issue du congrès de décembre 1959 fut battu par 20 voix contre 2. Jean Le Faucheur adressa avec un certain nombre de militants chrétiens engagés à l’Union de la gauche socialiste (UGS) une lettre à l’évêque de Saint-Brieuc, suite à son mandement, qui fut publiée dans l’hebdomadaire de la fédération du PSU, Le combat socialiste (n° 25, 21 mars 1959).

Militant du MLP puis de l’UGS, Jean Le Faucheur adhéra en 1960 au PSU d’Antoine Mazier*. Il en devint l’un des dirigeants fédéraux notamment à partir de 1973 à un moment où il songea à céder sa place à la tête de la CFDT. Partisan du socialisme démocratique depuis le début des années 60, dans une série de rapports de fond sur les relations entre syndicalisme et politique, il combattit les thèses ouvertement gauchistes qui se développaient au sein de l’UD. Jouant un rôle de premier plan au moment des Assises du socialisme en octobre 1974 comme Michel Cadoret, il passa quelques mois plus tard du terrain syndical au terrain politique.

Il adhéra alors au PS. En 1977, il fit campagne au sein de la liste du PS qui, dans un contexte de désunion de la gauche, dut affronter une liste communiste conduite par Édouard Quemper*. Il fut élu adjoint au maire de Saint-Brieuc dans municipalité Le Foll avec qui il avait noué des liens pendant la grève du Joint Français.

Marié, Jean Le Faucheur était père de cinq enfants. Sa fille, Madeleine Le Faucheur, infirmière, secrétaire du syndicat CFDT de la santé, militante du PSU puis du PS, joua également un rôle de premier plan au niveau départemental, intégrant la direction de l’UD dans les années 1990. Elle fut, à vingt-cinq ans, en 1977, candidate sur la liste PSU.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article136702, notice LE FAUCHEUR Jean, écrit parfois Lefaucheur Jean par Alain Prigent, François Prigent, version mise en ligne le 10 avril 2011, dernière modification le 26 novembre 2012.

Par Alain Prigent, François Prigent

SOURCES : Arch. Dép. Côtes-d’Armor, 46W36, Notes des RG, 21 février 1958 ; 46 W 58, rapport des renseignements généraux, mai 1968. — Arch. Dép. Côtes-d’Armor 158J (fonds CFTC-CFDT). — Archives diocésaines de l’évêché de Saint-Brieuc 1 K 90 MLP ; Fonds André Chevallier. — Dossiers ACO, Réflexions sur le conflits du Joint Français, mai 1972. — Le Combat Socialiste, hebdomadaire de la fédération du PSU des Côtes-du-Nord. — Christian Bougeard, « Mai 1968 dans les Côtes-du-Nord », in Michel Lagrée, Jacqueline Sanclivier, L’Ouest et la politique, PUR, 1996. — Pierre Duclos, « La grève du Joint Français, un exceptionnel mouvement de solidarité » , Ar Men, N° 38, 1991. — Michel Phliponneau, Au Joint Français, les ouvriers bretons, PUR, 1972. — Vincent Porhel, Les ouvriers bretons, Presses Universitaires de Rennes, 2008. — Alain Prigent, Mondes du travail et syndicalismes dans les Côtes-du-Nord (1944-1984). Espaces, pratiques, cultures et représentations, DEA sous la direction de Jacqueline Sainclivier, Rennes II, 2004. — Alain Prigent (dir.), Des salles de classe aux luttes sociales : Mai-juin 1968 dans les Côtes-du-Nord, Publication FSU-22, 2009. — François Prigent, « Les réseaux socialistes PSU en Bretagne (1959-1981) : milieux partisans, passerelles vers le PS, rôle des chrétiens de gauche », in Tudi Kernalegenn, François Prigent, Gilles Richard, Jacqueline Sainclivier (dir.), Le PSU vu d’en bas. Réseaux sociaux, mouvement politique, laboratoire d’idées (années 50 - années 80), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 41-54. — Roger Toinard, Industrie et main d’œuvre à Saint-Brieuc, mémoire de maîtrise de géographie, Rennes, 1972. — Rouge, de la colère à la victoire, n° 17, 1972. — Ariel Nathan, Documentaire sur la grève du Joint Français, FR3, 2002.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable