MAXIMILIEN Louis, Jean

Par Marc Giovaninetti

Né le 13 avril 1925 à Palaiseau (Seine-et-Oise, Essonne), mort le 18 décembre 2004 à Rambouillet (Yvelines) ; ouvrier fraiseur ; militant communiste de Seine-et-Oise puis des Yvelines ; résistant FUJP et FFI ; membre du bureau national de l’UJRF ; membre du secrétariat de la fédération de Seine-et-Oise du PCF, puis de Seine-et-Oise-Sud, puis des Yvelines.

Les parents de Louis Maximilien étaient des ouvriers parisiens, et sa mère, brodeuse de formation, elle-même fille d’ouvriers du 13e arrondissement. Le père de Louis, originaire de Saintes du côté de son père, était un métallurgiste de haute qualification. Il travailla d’abord dans une fabrique de matériel chirurgical, puis au Palais de la Découverte jusqu’à se retraite, où il construisait des machines de précision, en relation notamment avec Jean Perrin* et Paul Langevin*. Pendant la guerre, résistant communiste, il participa avec Frédéric Joliot-Curie* au déménagement de « l’eau lourde » afin que les stocks n’en tombent pas entre les mains des Allemands qui auraient pu s’en servir pour fabriquer la bombe atomique.

Le couple Maximilien, comme beaucoup d’ouvriers parisiens, avait fait l’acquisition d’un lot de terrain en banlieue, à Palaiseau sur la ligne de Sceaux, où ils avaient dressé une baraque et cultivaient fruits et légumes le dimanche. Petit à petit, là comme ailleurs en banlieue, les Maximilien, avec l’aide partagée de leurs voisins, construisirent eux-mêmes un petit pavillon. C’est là que naquit Louis Maximilien, deuxième de trois enfants, un frère et une sœur, qui ne suivirent pas l’engagement militant de leur père et de leur frère. Leur quartier de jardins ouvriers du Pileu fut progressivement viabilisé et équipé, notamment après la guerre par le vote de la loi Ballanger en faveur des « mal lotis ». La famille vécut avec enthousiasme la période du Front populaire.

Après le certificat d’études, à quatorze ans, Louis Maximilien entra en apprentissage aux usines Hispano-Suiza, boulevard Brune. Là il apprit le métier de fraiseur. Il y travaillait pendant les premières années de la guerre, jusqu’à ce que le Service du Travail obligatoire, qu’il refusait, le contraigne à quitter sa place, le 16 juin 1942 précisément. Comme beaucoup d’autres jeunes réfractaires, ses copains d’enfance, il travailla dans une ferme comme ouvrier agricole, et rejoignit les Francs-Tireurs et partisans locaux, encouragé par l’exemple de son père. Dans les fermes, il connut quelques prisonniers russes qui y travaillaient, évadés des baraquements du camp militaire de Villacoublay. Certains participèrent avec eux à des opérations de harcèlement contre l’occupant. Il faillit être pris suite à une dénonciation qui valut à un de ses camarades d’être déporté. À l’approche de la Libération, il participa à des accrochages avec les troupes allemandes. Il fut un des principaux responsables du Comité de libération de Palaiseau, comme chef du groupe local des Forces unies de la Jeunesse patriotiques, un front constitué autour des jeunes communistes. Il s’engagea ensuite dans l’armée régulière, suivant le mot d’ordre mis en avant par le Parti communiste, et il participa aux rudes combats de la poche de La Rochelle où l’armée allemande résista plusieurs semaines alors que les soldats français « crevaient de faim ». Avec le grade de caporal-chef, le métier des armes ne le tentant pas davantage, il ne prolongea pas son engagement après la fin de la guerre.

Malgré ses combats et les risques encourus, Louis Maximilien n’a jamais estimé opportun de faire-valoir ses droits au titre de la Résistance. Il n’est même pas titulaire de la carte de Combattant volontaire.

Rentré à Palaiseau, il rejoignit le groupe local de l’UJRF (Union de la Jeunesse républicaine de France) qui venait de se constituer en fusionnant toutes les organisations de jeunesse résistante influencées par les communistes. Il en devint vite le principal animateur et il fut promu au secrétariat départemental.

C’est là, dans l’Union, comme disaient les jeunes, de Seine-et-Oise, qu’il fit la connaissance d’une jeune fille de Rambouillet, Raymonde Herse. Son père, Henri, militant de la Ligue des Droits de l’Homme, était ébéniste d’art, et avait pendant la guerre installé la structure locale du « Front national pour la libération de la France », fondé à l’initiative du PCF, et dont le responsable de région était Denis Bideaux*, un résistant originaire du Doubs. Raymonde avait été agent de liaison FTP, et sa famille hébergea des parachutistes tombés dans la région. Elle était fille unique, et la mort de son père, six jours avant le 8 mai 1945, leur gâcha la Libération, à elle et à sa mère. Boursière, destinée à l’École normale, elle dut renoncer à son projet pour travailler comme employée municipale. Louis et Raymonde se marièrent en septembre 1948, mais la crise du logement de l’après guerre contraignit le jeune couple à cohabiter pendant sept ans avec les parents Maximilien à Palaiseau, dans leur petite maison où la place manquait. Leur première fille y naquit en 1951. Ils attendirent d’obtenir un logement HLM à Villeneuve-Saint-Georges, dans une grande tour essentiellement peuplée de cheminots, pour la naissance de la deuxième en 1956. Un fils, enfin, naquit en 1965. Dans cette ville de cheminots ils enrichirent leur expérience militante au contact de cette corporation ouvrière combative et organisée. La famille agrandie s’installa ensuite à Saint-Cyr-l’Ecole, où Raymonde Maximilien était déjà une des principales animatrices (et permanente) de la Confédération nationale du Logement (CNL) départementale qui y avait son siège.

Pour Louis Maximilien, la carrière de permanent politique commença en novembre 1947. Jusque-là, il avait travaillé depuis février 1946 aux usines Citroën, dans le 15e arrondissement. Avec André Merlot* et Jacques Médard, il fut alors secrétaire permanent de la Fédération UJRF de Seine-et-Oise, dont le siège se trouvait avec celle de la Seine rue Humblot dans le 15e arrondissement. À ce titre, il fut élu parmi les dix-sept membres du bureau national de l’UJRF lors de son 2e congrès, à Lyon en mai 1948. Léo Figuères* reprenait alors le poste de secrétaire général occupé depuis deux ans par André Leroy*. Pendant ces années, Louis Maximilien fut poursuivi et condamné à des amendes et à dix jours d’emprisonnement avec sursis par le tribunal de Versailles pour « provocation à participer à une entreprise de démoralisation de l’armée et de la nation », suite à la distribution aux soldats français d’une brochure et de tracts de l’UJRF les incitant à refuser d’aller combattre en Indochine et à fraterniser avec les grévistes. Au congrès suivant, en décembre 1950, Louis Maximilien abandonnait les Jeunesses, bien qu’au bureau élu cette année-là furent maintenus des garçons sensiblement plus âgés que lui.

C’est qu’une nouvelle responsabilité allait l’accaparer pendant des années : celle de secrétaire départemental du PCF. 1948, c’est aussi l’année où Michel Vandel* était hissé au rang de premier secrétaire fédéral de cette importante fédération où se faisait très fortement sentir l’influence d’André Marty, le secrétaire du Parti, rival de Thorez, qui avait aussi exercé sa tutelle sur l’UJRF et fut exclu en 1952. Des dissensions que Louis Maximilien n’eut pas à connaître ; ayant une fois tenu tête à Marty au sujet du matériel de propagande destiné aux soldats, il n’eut pas de difficultés avec lui. Il resta pendant des années, comme responsable chargé de la propagande, un fidèle second de Vandel qui siégeait également au Comité central. Il était certainement un des cadres le plus proche de la base du Parti, dans ce vaste département composite, qui cernait alors celui de la Seine (Paris et sa proche banlieue), mêlant des espaces urbanisés à forte population ouvrière (ou bourgeoise selon les localités), et d’autres complètement ruraux encore, écartelée entre son nord et son sud. Le siège de la fédération était situé à Argenteuil, très éloigné des domiciles successifs de Louis Maximilien. Celui-ci, de par sa fonction, dirigeait les deux hebdomadaires communistes du département, La Renaissance au nord et La Marseillaise au sud. Il était souvent sur la route, en déplacement sur une vieille moto, été comme hiver.

Au XIVe congrès, au Havre en juillet 1956, cette année où le PCF fut secoué par les réactions consécutives au rapport de Khrouchtchev au 20e Congrès du PCUS, Louis Maximilien s’exprima au nom de sa fédération en appuyant avec force la direction du Parti, dénonçant nommément un militant de Saint-Germain-en-Laye qui avait souhaité qu’on aille plus loin dans la dénonciation du stalinisme, et soutenant la paupérisation chère à Thorez avec des exemples choisis dans son département.

La Seine-et-Oise ne fut pas la seule responsabilité de ce cadre qui inspirait une confiance à toute épreuve. Après qu’il eut suivi lui-même l’école nationale du Parti, celle qui durait quatre mois, à la fin des années 1940, il en fut nommé directeur, lorsqu’elle fut successivement implantée à Viroflay puis à Choisy-le-Roi dans les années 1960 (l’une et l’autre ville dans son département). Il y accomplit sa tâche à la satisfaction générale, apparemment, et eut alors l’occasion de fréquenter les plus hautes figures du Parti qui venaient y donner des conférences sur les sujets les plus divers. Son rôle consistait essentiellement à organiser les enseignements, mais il lui arrivait aussi de donner lui-même des cours, notamment celui réputé particulièrement ardu sur la plus-value capitaliste.

Louis Maximilien, « Maxim » pour ses camarades, était très apprécié des militants. Sa gouaille de « prolo » parisien maniant l’argot sans affectation, son esprit de bonne camaraderie mâtiné de bougonnerie, son absence d’ambition et sa grande probité, sa générosité et son enthousiasme rehaussés par sa belle stature et sa forte voix, lui attiraient une estime générale. En revanche, il eut maille à partir avec certains des élus communistes du département. Alors que le PCF gagnait de plus en plus de municipalités et de mandats électifs, il considérait que certains se cramponnaient trop longuement à leur fauteuil d’élu. Progressivement, il sentait que l’influence, parmi les communistes, glissait des responsables fédéraux vers les élus : « les maires ont pris le pouvoir » maugréait-il.

Lui-même ne s’intéressait guère à décrocher un poste d’élu. Arrivé à Saint-Cyr, il mêla pourtant son nom à la liste communiste municipale, et exerça ainsi plusieurs mandats d’adjoint au maire de la ville, un de ces édiles qui méritait, d’après lui, ces incriminations qu’il ne manquait pas de lui adresser. Il fut aussi présenté en 1964 aux élections cantonales à Villeneuve-le-Roi, dans une circonscription acquise à la droite, et il y fut battu sans surprise.

Le PCF adapta ses structures à la géographie trop incommode du département, tandis que l’administration de l’État faisait de même avec le redécoupage de 1962. En 1964, la Fédération de Seine-et-Oise était coupée en deux, et Louis Maximilien continua à exercer ses responsabilités sur la partie Sud. En 1966, suivant les nouveaux départements, il se retrouva au bureau fédéral des Yvelines ; avec toutefois le regret, à chaque fois, de perdre le contact avec les militants et les cadres désormais rattachés aux fédérations voisines. Pour ce nouveau département, le siège de la fédération était fixé dans la cité ferroviaire de Trappes.

Sa femme Raymonde, avant de travailler pour la CNL, avait travaillé dans l’orbite de la CGT, d’abord avec Régine Lacazette* pour la revue Servir la France, puis dans l’équipe de La Vie ouvrière avec Fernand Leriche*, Jean Capievic*, Gaston Monmousseau*, enfin comme secrétaire à l’UD de la Région parisienne avec Lucien Monjauvis* et Eugène Hénaff*. Pendant l’affaire des pigeons, Benoît Frachon* fut « planqué » dans la maison familiale de Rambouillet. Léo Figuères* l’y avait précédé, quand il fut poursuivi après son retour de son voyage clandestin au Vietnam en guerre. Après la CNL, et avant d’y revenir – elle continuait encore à l’animer en 2012 –, elle avait travaillé quelques années comme secrétaire française à l’ambassade de Bulgarie. Louis Maximilien, pour sa part, s’était vu propulser au début des années 1970 à la présidence des amitiés France-Pologne. Mais suite à un séjour calamiteux dans ce pays en 1972, révulsé par l’antisémitisme ambiant au plus niveau de l’État, il rentra en disant « non, c’est plus possible » au responsable de la section internationale du PCF, Jean Kanapa*, qui l’entendit et n’insista pas.

Au milieu des années 1980, Louis et Raymonde Maximilien prirent leur retraite. Louis, sans cesser de militer et de prendre part aux discussions dans son parti, se dégagea de toutes ses responsabilités et se livra davantage à sa passion pour l’histoire. Le couple s’établit dans la maison de Rambouillet qu’ils entreprirent de restaurer et agrandir. Le vaste terrain qui l’entourait, que Raymonde avait reçu par héritage, permettait à « Maxim » de continuer à travailler dehors comme dedans selon ses goûts, et d’accueillir avec son épouse leurs nombreux amis et petits-enfants.

Atteint d’un douloureux cancer de la plèvre, Louis Maximilien décéda à l’approche de ses quatre-vingts ans. Il avait fait don de son corps à la science, et ses nombreux camarades, amis et voisins, se rassemblèrent avec la famille dans la maison de Rambouillet pour écouter ses musiques préférées. L’Humanité publia le message d’estime que la secrétaire générale du PCF adressait à la veuve de ce « militant valeureux », qui fut en effet exemplaire de ceux qui firent la force du PCF jusqu’au seuil des années 1980.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140128, notice MAXIMILIEN Louis, Jean par Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 2 avril 2012, dernière modification le 19 août 2012.

Par Marc Giovaninetti

Louis Maximilien à deux âges de sa vie militante, la seconde en 2001
Louis Maximilien à deux âges de sa vie militante, la seconde en 2001

SOURCES : L’Avant-Garde, n° 189, 12 mai 1948, et n° 323, 3 janvier 1951. — Cahiers du Communisme, n° spécial XIVe Congrès du PCF, juillet-août 1956. — Les Nouvelles de Rambouillet, n° spécial pour le soixantième anniversaire de la Libération, témoignage de Louis Maximilien. — L’Humanité, 30 décembre 2004. — Archives privées de Raymonde Maximilien. — Entretiens avec Alban et Yolande Liechti (2011), avec Raymonde Maximilien (2012).

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