MARESQUELLE Henri-Jean

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 30 novembre 1898 à Nancy (Meurthe-et-Moselle), mort le 29 octobre 1977 à Vendenheim (Bas-Rhin) ; professeur de botanique à l’Université de Strasbourg, président du CVIA du Bas-Rhin de 1934 à 1937 ; fondateur d’un mouvement de défense de la nature en Alsace.

Henri-Jean Maresquelle naquit le 30 novembre 1898 à Nancy (Meurthe et Moselle) dans une famille protestante originaire de l’ouest de la France. Son père était professeur d’allemand. Henri-Jean fut attiré, durant ses études secondaires, aussi bien par les lettres que par les sciences. Il passa d’abord un baccalauréat littéraire, en 1915, et, l’année suivante, le baccalauréat de mathématiques, qu’il réussit en même temps que la licence de lettres à l’université. Il fut mobilisé du 4 mai 1917 au 4 décembre 1919 et passa 5 mois au front. Après la guerre, il entra à l’École normale supérieure. Il choisit de s’orienter vers les sciences, et passa l’agrégation de sciences naturelles en 1923. Entre temps, il avait obtenu un Diplôme d’études supérieures de botanique à la Sorbonne. Il fut ensuite, pendant 4 ans, de 1924 à 1928, préparateur agrégé à l’ENS. Durant les huit années qu’il passa au total à l’École, il milita à la Maison fraternelle de la rue Mouffetard, œuvre d’évangélisation protestante. Il y pratiquait l’aide scolaire, dans des « classes de garde ». Il y rencontra Jean Cavaillès*, philosophe et mathématicien. A partir de 1924, il participa activement au Groupe chrétien, qui organisait des conférences où se rencontraient des catholiques et des protestants. Henri-Jean fréquenta aussi assidûment le Centre de documentation sociale animé par Célestin Bouglé.

Professeur au lycée de Poitiers de 1928 à 1930, il acheva une thèse de botanique, qu’il soutint à la faculté des sciences de Paris le 29 juin 1929, sur le parasitisme des Urédinées. L’année suivante, il obtint une bourse Rockefeller pour se rendre en Allemagne dans un laboratoire de l’université de Giessen. En septembre 1931 il fut nommé à l’institut de botanique de l’université de Strasbourg, où il fit toute sa carrière : maître de conférences, professeur sans chaire en 1938 et professeur titulaire en 1943.

Il eut à Strasbourg, jusqu’à la guerre, une activité scientifique et une activité sociale. Il travailla à la recomposition de sa discipline. Il fonda en 1932 l’Association philomathique d’Alsace et de Lorraine. En 1934, il participa à la création du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes du Bas-Rhin et en devint le président jusqu’en juin 1937, où il fut remplacé par René Capitant. Le comité organisa, le 8 juin 1937, un grand meeting de soutien « Durango-Guernica », à la mémoire des républicains espagnols victimes du fascisme, qui rassembla 3000 personnes dans la salle du Palais des Fêtes de Strasbourg. Maresquelle prit à nouveau la parole le 5 novembre 1937, au meeting du Rassemblement populaire en faveur de la Paix et de la République espagnole au nom du CVIA. Il souhaitait « que les démocraties se serrent les coudes et dressent un barrage infranchissable aux exigences des États totalitaires ». En décembre 1937, il fut rapporteur, au bureau du CVIA, du projet sur l’organisation de l’École supérieure d’administration publique proposé par Jean Zay. Dans les mois qui précédèrent la guerre, il signa la pétition, lancée par des chrétiens catholiques et protestants strasbourgeois s’indignant des exactions commises par les hitlériens à l’encontre des juifs de Kehl, ville frontière de Strasbourg. Il signa aussi l’adresse des universitaires strasbourgeois au président de la République Albert Lebrun, cri d’alarme devant les menaces de guerre et de nouvelle annexion de l’Alsace et de la Moselle.

Affecté spécial du fait de son âge, il ne fut pas envoyé au front en 1939. Il suivit l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand. On ignore s’il appartint à un réseau organisé de résistance, mais un de ses étudiants juifs témoigna par la suite qu’Henri-Jean Maresquelle l’avait aidé à survivre et à travailler dans un laboratoire clandestin.

Lorsque l’université rejoignit Strasbourg, après la guerre, Henri-Jean Maresquelle fut directeur de l’institut de botanique de 1946 à 1953, doyen de la faculté des sciences de 1953 à 1959 et directeur du jardin botanique de Saverne de 1964 à sa retraite, en 1969. Son militantisme social, imprégné de pacifisme rousseauiste, l’engagea désormais vers des formes d’action plus directement liées à son activité scientifique. Il admirait beaucoup René Dumont et se tourna vers la protection de la nature. Il chercha à sensibiliser les enfants en éveillant chez eux, par le contact avec des poneys, le sens des responsabilités. Pour lui, le respect de la nature conduisait au respect de la vie. Henri-Jean Maresquelle fut à l’origine du centre d’initiation à la nature de Muttersholtz (Bas-Rhin).

Il s’employa aussi à faire édicter les premières mesures de protection de sites naturels en Alsace. Il créa ensuite, en 1958, le premier Comité pour la protection de la nature, qui se transforma en 1964 en Association fédérative régionale pour la protection de la nature, qu’il présida jusqu’en 1970. Le mouvement se radicalisa ensuite pour devenir le Groupement d’étude et de concertation Environnement et Nature en Alsace.
Il prit sa retraite de l’université en 1969 mais continua à lancer des réflexions et ouvrir des champs nouveaux dans sa discipline. Il fonda en 1975 un club de biologie théorique, qui se réunissait deux fois par an à la rue d’Ulm pour aborder des thèmes d’avant-garde, comme Thermodynamie et Biologie, dans une perspective pluridisciplinaire. Ce club continua à se réunir bien au-delà de la mort de son fondateur, jusqu’en 1984, sous le nom de Club Maresquelle.
Henri-Jean Maresquelle avait un caractère résolument anticonformiste. Il avait horreur des cravates et arborait la rosette de la Légion d’honneur de préférence sur un pull-over. Il avait décidé aussi que le recours à un cheval pour les travaux du jardin botanique attenant à l’institut serait beaucoup moins polluant qu’une tondeuse et un tracteur.

Henri-Jean Maresquelle mourut dans un accident de voiture, une grosse cylindrée ayant percuté de plein fouet sa modeste 2CV.
Un amphithéâtre de l’institut de botanique de l’université de Strasbourg porte son nom.

Il avait épousé Marguerite Goudard, professeur de sciences naturelles. Le couple eut une fille.

Chevalier de la Légion d’honneur (1955), Officier d’académie (1934), Officier de l’Instruction publique (1946) ; Commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, Chevalier du Mérite agricole (1936).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140937, notice MARESQUELLE Henri-Jean par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 3 mars 2013, dernière modification le 18 novembre 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : Arch. Dép. Bas–Rhin, 1007 W 1153 ; 98 AL 689, Préfet du Bas-Rhin, 9 novembre 1937. — Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, p. 2525. — Jean Meyer : « Hommage à Henri-Jean Maresquelle », Bulletin de la Société philomathique d’Alsace et de Lorraine, n° 16, 1977, p. 125-135.

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