CASTEL André, Mourad après conversion à l’Islam [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Arrivé en Algérie en 1953, instituteur dans les Aurès ; ayant repris des études à la Faculté d’Alger, membre en 1956 du commando des Combattants de la libération (PCA) ; arrêté, condamné à mort à mort en 1957 ; en prison passe au FLN sous le nom de Mourad.

Pour la rentrée scolaire d’octobre 1953, André Castel et sa femme Annick Pailler arrivent à Constantine pour être affectés comme instituteurs en Algérie ; ce couple de vingt ans avec un bébé vient de Bretagne ; Annick est née à Carantec (Finistère). Pour venir en Algérie à cette date, il faut bien croire le témoignage de cette jeune femme qui a fait le récit des tortures et de son viol par des parachutistes au Centre de tri de Birtraria près d’Alger en 1957 ; les jeunes gens sont « sans passé militant » ; c’est en Algérie qu’ils vont se lier à l’action communiste auprès de l’ALN.

L’inspection académique de Constantine les envoie en février 1954 ouvrir l’école au village de Babar à 1 200 mètres d’altitude dans le massif de l’Aurès à quarante kilomètres de Khenchela. Ils deviennent rapidement suspects aux yeux des quelques Français et Européens et bientôt des militaires qui, avec le début des opérations de guerre, s’installent près de l’école. Les Castel viennent en aide aux familles algériennes pour que les enfants puissent fréquenter l’école ; quand l’école est fermée pour congés ou par force, ils ne trouvent contacts et refuge qu’auprès du petit groupe de syndicalistes progressistes autour de l’instituteur Guy Drouillard qui tient l’Union locale CGT de Khenchela. Pour les services aussi bien civils que militaires, celui-ci est « Le communiste » ; au reste il est chassé du département de Constantine (tout l’Est à l’époque). Les soldats français enchaînent les prisonniers au portail de l’école ; la buanderie et le garage servent de lieux d’interrogatoire et de torture ; puis l’école et leur logement sont occupés. André Castel adresse un rapport à l’Inspection académique. Plus de doute, le couple est communiste.

En mars 1955, le couple est affecté à Aïn Yagout à quarante kilomètres de Batna ; la construction de l’école et du logement n’est pas achevée. André Castel est alors envoyé à Batna. Annick Pailler-Castel rentre en France. À la fin de l’année scolaire tombe l’interdiction du territoire du département de Constantine ; André Castel regagne aussi la France. Faute de trouver à s’employer, le couple revient à Alger en septembre 1955, avec cette fois un esprit politique. Annick Pailler-Castel travaille à l’Union départementale de l’UGSA-CGT aux côtés de Blanche Moine, épouse du dirigeant communiste André Moine. André Castel reprend des études à la Faculté d’Alger ; au contact des étudiants communistes, il est volontaire pour faire partie des Combattants de la libération. Il se joint au groupe d’Alger-Nord qui se met directement avec Yahia Briki et Abdelkader Guerroudj au service de l’ALN. Ce « commando des bombes » accomplit quelques mitraillages et sabotages ; il prépare un attentat contre le général Massu sans pouvoir le mettre à exécution au dernier moment. André Castel était de ce projet et de l’opération. La clandestinité dure une année.

Après d’autres membres du commando, André Castel est arrêté le 5 juillet 1957 ; emmené au centre de Birtraria, il est torturé, bourlingué entre plusieurs « villas », mis en présence de sa femme elle aussi arrêtée. Elle sera expulsée le 6 novembre 1957 et ne reviendra à Alger qu’en avril 1958 pour le procès pour viol qu’elle a osé faire devant le tribunal militaire. André Castel était emprisonné à Maison-Carrée ; les condamnés à mort du procès des Combattants de la libération et 181 militants du FLN ont vu leur peine commuée en travaux forcés à perpétuité par grâce du général de Gaulle, président de la Ve République française, en janvier 1959. André Castel ne sera libéré qu’à l’indépendance.

En prison, il est devenu Mourad Castel pour manifester son choix algérien et être dans le camp FLN marquant ses distances avec les « communistes » dits « européens ». Dans son témoignage par entretiens, l’ancien secrétaire général de la CGT puis UGSA, Lakhdar Kaïdi, détenu lui aussi à Maison-Carrée (El Harrach), dresse quelques griefs à son encontre. Sachant les conditions de chantage et de torture lors des interrogatoires, il se retient d’être à charge ; cependant pour avoir eu connaissance du dossier d’instruction, il relève qu’André Castel a glosé sur le montage de l’attentat contre Massu jusqu’à l’impliquer lui, Lakhdar Kaïdi ; si le responsable syndical principal qu’il était a œuvré en clandestinité dans les fermes de la Mitidja qui cachaient les armes et servaient de laboratoire de bombes, il ne pouvait être dans le coup de l’exécution de l’attentat. En prison, Mourad Castel fait du zèle, c’est la formule employée, au nom du FLN pour casser le Centre d’études que Lakhdar Kaïdi anime avec des conférenciers emprisonnés qui sont de fait souvent des intellectuels communistes ; Castel les accuse de fractionnisme « européen ». Il est vrai que le responsable FLN à la prison qu’est Mohammed Khémisti remet les choses en place. L. Kaïdi parle de « surenchère » de la part du tout neuf Mourad Castel.

Après l’indépendance, marquant ses distances avec les communistes, Mourad Castel se joint à l’équipe qui travaille avec Belaïd Abdesslam au FLN ; quand celui-ci devient sous Boumédienne, en 1971, ministre de l’industrie, Mourad Castel est secrétaire général du ministère.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article152716, notice CASTEL André, Mourad après conversion à l'Islam [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 24 janvier 2014, dernière modification le 19 mai 2021.

Par René Gallissot

SOURCES : Hocine Benhamza, L’Algérie assassinée. Éditions de Paris 2005. — Témoignage d’Annick Pailler-Castel dans A. Dore-Audibert, Des Françaises d’Algérie dans la guerre de libération. Karthala, Paris, 1995. – N. Djabi, Kaidi Lakhdar, Une histoire du syndicalisme algérien. Entretiens. Chihab Éditions, Alger 2005. – B.Abane, L’Algérie en guerre. ABANE Ramdane et les fusils de la rébellion. L’Harmattan, Paris, 2008.

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