BAUERLÉ René, Marcel

Par Madeleine Singer

Né le 27 mai 1923 à Strasbourg (Bas-Rhin), mort le 5 octobre 1990 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; instituteur, puis PEGC ; membre du comité national du Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN) de 1955 à 1974.

René Bauerlé était le deuxième des quatre fils de René Bauerlé, ouvrier au Gaz de France, qui avait épousé Jeanne-Marie Bangard, laquelle tenait une épicerie. René Bauerlé fit ses études dans une EPS de Strasbourg et entra en 1940 à l’École normale d’Obernai (Bas-Rhin) qui se replia à Solignac (Haute-Vienne). Il revint à Strasbourg en 1946 et y occupa un poste d’instituteur dans plusieurs écoles : d’abord celle de Schiltighem-Exen, puis l’école du Polygone, enfin l’école Guynemer. Nommé en 1962 professeur de mathématiques au collège de la Musau à Strasbourg, il fit partie de la première promotion des PEGC en 1969 et fut muté en cette qualité au collège Solignac de la même ville. En 1979 il y prit sa retraite pour invalidité car il était atteint d’une bronchite chronique ; ayant été instituteur pendant plus de quinze ans, il pouvait d’ailleurs quitter l’enseignement un an plus tôt, à 56 ans. Il avait épousé en 1948 Hélène Huhardeaux dont il eut deux enfants. Devenu veuf en 1969, il se remaria en avril 1975 avec Marie, Cécile, Valentine, Madeleine Wanner.

Dès l’École normale, René Bauerlé avait adhéré au SGEN sur les conseils de son directeur qui était un catholique convaincu. Lors de son retour en Alsace, il devint vite l’un des piliers du Syndicat dans le Bas-Rhin, tout en se consacrant avec énergie et compétence à sa tâche professionnelle : comme tous les instituteurs de sa génération, il lui fallait apprendre le français à des enfants qui, dialectophone à 90 %, n’avaient guère à cette époque l’occasion de le parler en dehors de l’école. Entré en 1951 au bureau départemental Premier degré, il devint en 1954, peut-être même auparavant, l’adjoint du secrétaire départemental Alfred Stengel* et fut l’année suivante élu au comité national en qualité de suppléant de ce dernier. A diverses reprises il remplaça A. Stengel, évoquant par exemple au comité national du 3 décembre 1960 les problèmes qui se posaient aux instituteurs à une époque où se mettaient en place les Sixièmes et les Cinquièmes du cycle d’observation prévues par la réforme du ministre Jean Berthoin (1959) : René Bauerlé demandait que les instituteurs en cours de carrière pussent par des stages être préparés aux nouvelles tâches qui leur incombaient sans qu’on les obligeât à passer de nouveaux examens universitaires. En 1964 Henri Tournissou* qui, depuis bien des années, assurait la publication d’un bulletin pédagogique, Chantiers, destiné à aider les débutants, eut plus de difficultés à recruter des collaborateurs : c’est René Bauerlé qui, au comité national du 11 novembre 1964, accepta la responsabilité d’organiser, au cours de l’année scolaire, des réunions de la commission nationale qui s’occupait de Chantiers. Mais il se dépensait surtout sur le plan départemental : ainsi, lors de la session « jeunes » d’Obernai (Bas-Rhin) qui eut lieu du 28 au 30 décembre 1959, il fit un exposé sur le rôle du responsable syndical.

En 1963 René Bauerlé remplaça A. Stengel à la tête de la section du Premier degré, ce dernier devenant alors secrétaire départemental général du Bas-Rhin, chargé de l’ensemble des syndiqués du département. En 1968 R. Bauerlé céda à son tour la responsabilité du Premier degré à un triumvirat, Pia Barny, Michel Parasote et Marcel André ; lui-même devenait secrétaire départemental général car A. Stengel était trop absorbé par sa fonction de Principal adjoint.

René Bauerlé siégea dès lors au bureau académique en sa qualité de secrétaire départemental général. Il y demeura en 1969 pour y représenter les PEGC de toute l’académie lorsque la création de ce corps entraîna, au bureau académique du 27 novembre 1969, la création de la section académique correspondante. Il conserva cette fonction pendant dix ans, c’est-à-dire jusqu’à la retraite.

Toutes ces responsabilités l’amenèrent à assumer pendant de longues années la charge d’élu à la Commission administrative paritaire départementale (CAPD), à participer activement à la rédaction de la presse syndicale régionale, En Route. Section du Bas-Rhin. Il parcourut des dizaines de fois tout le département pour des réunions d’adhérents et de militants. Or ce ne fut pas une période facile : lors du changement de titre et de statuts de la CFTC, la discussion fut particulièrement vive, non seulement dans la région, mais aussi au sein du SGEN. En février 1962, il y eut à Obernai (Bas-Rhin), autour du secrétaire académique Gustave Hentz*, de Claude Pinoteau* et de Paul Vignaux*, trois jours de débats serrés au terme desquels le choix de la déconfessionnalisation fut fait par les cinquante militants présents. Mais R. Bauerlé dut ensuite travailler avec A. Stengel à faire accepter ce choix par les adhérents. Cela n’allait pas de soi dans un département où le SGEN, majoritaire à la CAPD, avait de nombreux membres issus d’une population alsacienne très attachée à l’étiquette chrétienne. Quant à R. Bauerlé, quel que fut son sentiment personnel, il ne reniait pas son choix initial d’un syndicat, partie prenante d’une Confédération car cet homme de dévouement était aussi un homme de fidélité.

S’il n’y eut pas en Alsace de remous particulier en Mai 68, le renversement de majorité au sein du SGEN en 1972 provoqua de nouvelles tensions, vu que le Syndicat se prononça alors pour le socialisme autogestionnaire. R. Bauerlé n’était pas de ceux qui reconnaissaient spontanément l’utilité de ces « utopies mobilisatrices », mais comme en 1964, il resta fidèle à une Confédération qui réunissait tous les salariés luttant pour promouvoir une société plus juste, société que les enseignants préparaient par leur engagement au service de l’École du Peuple.

René Bauerlé faisait face en même temps aux problèmes propres à l’Alsace. Avec le SGEN tout entier, il défendait le statut scolaire local contre le laïcisme intransigeant de la FEN, mais en favorisant une évolution de ce statut : afin d’assurer la liberté de conscience des maîtres et des élèves-maîtres, il fallait cesser d’imposer aux premiers l’enseignement de la religion et permettre aux seconds de ne pas suivre les cours de religion sans être astreints pour autant à une déclaration de non-croyance. Sous son mandat également le SGEN s’engagea dans la défense de la langue et de la culture régionales : il soutint assez vite l’initiative de l’inspecteur général Georges Holderith qui avait obtenu de Georges Pompidou l’autorisation de faire donner à titre expérimental en Alsace et en Moselle un enseignement de l’allemand en CM1 et en cm2. René Bauerlé n’était pas de ceux qui bannirent le dialecte de leurs écoles car celui-ci pouvait rendre plus aisé l’apprentissage de l’allemand moderne. Pourtant les pressions sournoises ne manquaient pas... Aussi lorsque le Préfet et le Recteur publièrent dans les Dernières nouvelles d’Alsace, le 16 octobre 1971, une déclaration assurant qu’il n’avait jamais été question de « combattre le dialecte en Alsace », René Bauerlé répliqua sans ambages dans En Route, le 8 décembre : « Les affirmations du Recteur et du Préfet nous semblent une sinistre comédie ». Homme entier, il avait en horreur le double langage et entendait le faire savoir, fût-ce aux plus hautes autorités.

Depuis 1968 René Bauerlé siégeait au comité national comme titulaire dans la section des professeurs de CEG laquelle s’était en 1966 séparée de la section Premier degré. Lors des élections au Conseil de l’enseignement général et technique (CEGT) en 1971, il fut candidat dans le collège des PEGC, en deuxième position, juste derrière Simone Malaquin*, secrétaire nationale de la catégorie. Bien que nous n’ayons pu retrouver la liste du comité national élu en 1972, il semble que R. Bauerlé ne quitta cet organisme qu’en 1974, avec Simone Malaquin qui prenait sa retraite cette année-là : tous deux ne figurèrent plus parmi les PEGC élus au congrès de mars 1974. D’ailleurs il allait bientôt fonder un nouveau foyer ; il lui suffisait d’assumer ses responsabilités académiques sans y ajouter des déplacements à Paris. Après avoir quitté l’enseignement, il s’occupa quelque temps des retraités SGEN de son département. Il respirait la joie de vivre, déclara l’un de ses collaborateurs, qui ajoutait : « C’était un bon vivant, d’une très grande cordialité ». René Bauerlé fut l’un des responsables les plus notables du syndicalisme enseignant dans l’Alsace de l’après-guerre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15944, notice BAUERLÉ René, Marcel par Madeleine Singer, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 23 février 2009.

Par Madeleine Singer

SOURCES : M. Singer, Le SGEN 1937-1970, Th. Lille III, 1984, 3 vol. (Arch. Dép. Nord, J 1471, notamment le carton 25 pour l’académie de Strasbourg) ; Histoire du SGEN, Presses univers. de Lille, 1987, 669 p. — École et Éducation (27 avril 1955). — Syndicalisme universitaire (octobre 1955-1974). — Acte de naissance de R. Bauerlé et son acte de décès, mairie de Strasbourg. — Lettres de Madame Bauerlé-Wanner à M. Singer, 17 juin 1995, juillet 1998. — Lettres de Marcel André à M. Singer, 1er octobre 1998, 22 octobre 1998, accompagnées de deux articles nécrologiques annotés par lui, l’un d’origine syndicale, destiné à être « affiché » dans les établissements, l’autre paru dans le journal Élan, porte-parole du Mouvement chrétien des intellectuels sociaux, émanant du Foyer des étudiants catholiques de Strasbourg.

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