DELESCLUZE Henri, Louis [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis]

Par Michel Cordillot

Né en 1819, mort à Paris le 28 avril 1879 ; républicain quarante-huitard et proscrit.

Frère cadet de Charles Delescluze, Henri Delescluze commença ses études au collège de Dreux. En 1844, il travaillait dans les bureaux de l’Hôtel des Invalides. Son père écrivait alors le 29 juin à Charles, qui faisait à ses parents une rente de 800 francs par an et venait aussi en aide à son jeune frère : « Henri est toujours le même, il ne sait ni ménager ses effets ni faire bon usage de son argent ; il est au moins vingt-sept jours sur trente sans un sou. »

Henri Delescluze participa activement à la révolution de 1848 et fut l’un des agents en France de Ledru-Rollin, qui s’était réfugié en Angleterre après le 13 juin 1849. Mêlé au complot de la Nouvelle Montagne, il fut arrêté le 27 octobre 1850 et mis au secret à Mazas. À cette époque il était marié et père d’une petite fille. Il voyageait pour trouver des abonnements aux journaux démocratiques tels que la Semaine et la Voix du Proscrit. Transféré à Lyon, il tint durant sa détention un journal intime — conservé en partie dans le fonds Delescluze à la Bibliothèque municipale de Lille — dans lequel il déclarait ne s’être jamais occupé de politique et protestait de son innocence. Il fut condamné à dix ans de détention et en mai 1852, sa famille dut recueillir sa fille.

Durant son incarcération à Belle-Ile-en-Mer (Morbihan), l’attitude d’Henri Delescluze ne fit pas l’unanimité parmi les détenus politiques. Il ne cessait par ailleurs de vanter dans ses lettres les bons soins dont il était l’objet de la part du directeur de la prison, et il adressa finalement une demande de grâce au gouvernement impérial. À la fin de mars 1853, sa peine fut commuée en dix ans de bannissement. Dans ses lettres à leur frère Charles, sa sœur avait alors pour Henri des mots très durs.

Henri Delescluze chercha une situation en Belgique puis gagna l’Angleterre où Charles lui trouva une place à la fabrique de graisses de Bradford. En 1854, il se rendit aux États-Unis et s’installa à New-York, où il fonda en collaboration une maison d’éducation sous le nom de Fairmont Atheneum. En 1854, il publia dans Le Républicain un article intitulé « Les émigrants et les exilés », où il chantait les louanges de son pays d’accueil (« Terre de liberté, terre de l’avenir, sol puissant et vierge, les exilés de César et ceux de l’Europe te saluent ! ») ; l’année suivante, il fut l’un des membres les plus en vue du comité de la Société de la République universelle chargés d’organiser la célébration de l’anniversaire du 24 février au Shakespeare Hotel de New York. En février 1856, il fut encore le principal organisateur en février 1856 du banquet donné dans le même hôtel new-yorkais en présence de 250 à 300 personnes pour célébrer l’anniversaire de la Révolution de février 1848.

Retourna-t-il en France avec les volontaires de l’Union républicaine de langue fançaise au lendemain du 4 septembre (voir François Latour), participa-t-il à la Commune, comme l’ont écrit plusieurs auteurs en se basant sur une tradition orale ? Il n’existe dans ce domaine aucune preuve formelle.

Henri Delescluze réapparut toutefois aux États-Unis en faisant annoncer par le Bulletin de l’Union républicaine le 20 août 1871 la parution prochaine de son histoire de la Commune. Le début de ce texte n’allait en fait figurer que dans le premier numéro du Socialiste, le 7 octobre 1871. La première livraison (sur 12 prévues), fut mise en vente à la fin du mois. En fait, il semblerait que seules deux livraisons aient effectivement été composées par l’Imprimerie sociale de Spring Street (le libraire Lucien Scheler en a eu les épreuves), le récit ne dépassant pas la fin de février 1871.

Toujours d’après L. Scheler, Henri Delescluze aurait été membre à un certain moment de la section française n° 17 de l’AIT de Springfield (Illinois). Ce qui est certain, c’est qu’en novembre 1871, il était membre de la section 22 (New York), au sein de laquelle il occupait les fonctions de secrétaire correspondant. Il lança à ce titre un appel pour la création d’un journal de langue anglaise et fut également le délégué de cette section au conseil fédéral pour l’Amérique du Nord (séance du 17 mars 1872).

Henri Delescluze était simultanément membre de l’Union républicaine de langue française (URLF), et il fut réélu secrétaire correspondant de la section de New York lors du renouvellement du bureau qui intervint fin juin 1872. En 1872, il entretint une correspondance assidue avec Charles Caron (voir ce nom), le dirigeant de la section 15 de La Nouvelle-Orléans (Louisiane) ; il fut même désigné par ce dernier pour être le correspondant à New York de son projet de colonisation socialiste.

En février 1873, Henri Delescluze signa en qualité de secrétaire-correspondant de la section de New York de l’URLF une adresse « Aux membres du gouvernement de la République espagnole ». À la fin de l’année il eut une controverse publique avec l’ex-fouriériste Christophe D. Frichot (voir ce nom) à propos des doctrines devant inspirer les réformes sociales, laquelle déboucha sur une polémique avec Jules Leroux.

On perd ensuite sa trace, mais on sait qu’il revint à Paris pour y mourir le 28 avril 1879.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article159777, notice DELESCLUZE Henri, Louis [Dictionnaire biographique du mouvement social francophone aux États-Unis] par Michel Cordillot, version mise en ligne le 10 juin 2014, dernière modification le 10 juin 2014.

Par Michel Cordillot

SOURCES : Bib. Nat, Papiers Blanqui, Nafr 9584-1. — Le Républicain, 9 septembre 1854. — Le Progrès, 26 février 1855. — Bulletin de l’Union républicaine, 20 août 1871. — Le Socialiste, 7 octobre 1871, 28 octobre 1871, 18 novembre 1871, 23 mars 1872. — L’Étoile du Kansas, 1er mars 1873, 1er décembre 1873, 1er février 1874. — Georges Bourgin, La Guerre de 1870-1871 et la Commune, Paris, Éditions nationales, 1939. — Marcel Dessal, Un révolutionnaire jacobin, Charles Delescluze, 1809-1871, Paris, Rivière, 1952. — CDRom Maitron. — Charles Clerc, Les Républicains de langue française aux Etats-Unis, 1848-1871, Thèse, Univ. Paris XIII, 2001, p. 127, 272. — Notes de Charles Clerc.

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