BAZAINE Jean

Par Claude Liscia

Né le 21 décembre 1904 à Paris, mort le 4 mars 2001 à Clamart (Hauts-de-Seine) ; peintre, décorateur et costumier de théâtre.

Le père de Jean Bazaine était d’origine anglaise et comptait un peintre de talent parmi ses aïeux. Aviateur en ces débuts de l’aéronautique qui bouleversaient l’appréhension de l’espace, il emmenait son fils assister aux décollages et aux atterrissages. Dès l’âge de huit ans, Jean Bazaine se passionna pour le modelage. Après le baccalauréat, il prépara les Beaux-arts et entra dans l’atelier du sculpteur Landowski ; deux ans plus tard, il bifurquait vers la peinture. Il réalisa en 1932 sa première exposition, marquée par l’influence de Pierre Bonnard, qui le considérait comme son disciple.

En cette même année, il rencontra Emmanuel Mounier qui venait de créer la revue Esprit. Il y collabora de 1934 à 1938, adhérant au personnalisme, doctrine chrétienne engagée à gauche. Mobilisé en 1939, il se retrouva sur la ligne de front ; sa vision du monde en fut bouleversée et sa peinture évolua vers la non-figuration. En 1941, il fut responsable des Arts plastiques au sein de l’association Jeune France aux côtés de Jean Vilar pour le théâtre, Maurice Blanchot pour la littérature, Pierre Schaeffer pour la musique. Fondé par ce dernier en novembre 1940 avec le soutien du régime de Vichy qui lui assigna l’objectif d’œuvrer à la Révolution nationale prônée par le maréchal Pétain, cet organisme de création artistique et de diffusion culturelle finit par mécontenter le gouvernement qui le supprima en mars 1942.

C’est dans ce cadre qu’en mai 1941, Jean Bazaine organisa la première exposition de peinture d’avant-garde sous l’Occupation, Vingt jeunes peintres de tradition française. Ce titre lui valut de multiples lettres anonymes l’accusant d’ambiguïté à l’égard des autorités politiques tout en louant la qualité des toiles présentées. En effet, ce temps de guerre fut fécond pour la jeune peinture française, qui connut une explosion de la couleur. Une couleur constructrice d’espace et de profondeur dont les précurseurs, Paul Cézanne, Robert Delaunay, Fernand Léger, étaient désormais menacés par les tenants du retour à l’ordre. Car des artistes conservateurs profitèrent de la condamnation par le régime nazi de l’art « dégénéré » pour critiquer avec virulence Pablo Picasso, qui vivait à Paris. Dans ce contexte, Jean Bazaine défendit ainsi cet ancrage dans la tradition : « Ni fauve, ni cubiste, mais inconcevable sans ces derniers ». Il publia également quelques textes critiques à l’égard des autorités politiques dans la Nouvelle Revue Française (NRF), pourtant dirigée par Drieu La Rochelle qui collaborait avec l’occupant : l’article Masques corporatifs s’insurgeait avec causticité contre le projet d’une corporation des artistes de France et d’un conseil de l’ordre visant à placer l’art et les artistes sous tutelle. En 1944, il peignit La Messe de l’homme armé, expression d’un chrétien face à la guerre.

Cependant, ce fut moins par la peinture que par l’art dramatique que Jean Bazaine rallia le mouvement social en ces débuts d’une décentralisation théâtrale qui suscitait de vives oppositions politiques. Adolescent, il avait vu au théâtre du Vieux Colombier La Nuit des rois, montée par Jacques Copeau, dont l’esthétique épurée et minimaliste influencera sa conception d’un théâtre forain relevant de la tradition médiévale du tréteau. Il se passionna ensuite pour les architectures picturales créées par Picasso, Braque ou Léger pour les Ballets russes de Diaghilev. Il aborda plus tard ses propres décors en peintre soucieux d’une scénographie monumentale et poétique tout en les adaptant aux besoins de légèreté et de mobilité que requéraient ces nouveaux lieux improvisés dans la pénurie : hangars, salles de cinéma ou de café, chapiteaux de cirque, places de plein air. Et, pour habiter ses espaces scéniques condensés, vidés de tout accessoire superflu, Jean Bazaine dessinait des costumes fantaisistes et colorés, animés de toute une théâtralité.

Ainsi réalisa-t-il en 1936 ses premiers costumes et masques pour Les Perses d’Eschyle, montés par Maurice Jacquemont avec le groupe de Théâtre Antique de la Sorbonne. Il poursuivit cette collaboration lorsque celui-ci fonda avec Jean Dasté et André Barzacq le Théâtre des quatre saisons, dont le projet d’implantation en province rejoignait les idéaux du Front populaire. Après la guerre, nommé à Saint-Etienne directeur d’un des premiers centres dramatiques, Jean Dasté lui demanda de réaliser les décors de Kagekiyo, un nô japonais, de Macbeth et de La Tempête de Shakespeare. Jean Bazaine abandonna le théâtre après 1955 pour se consacrer à la peinture ; il n’y revint qu’en 1981 pour reprendre George Dandin de Molière et pour concevoir le décor et les costumes de Hucquemacques - Jeux et fatras du XIVe-XVe siècles montés par Catherine de Seynes. Enfin, il contribua à un art de la ville en réalisant les vitraux de plusieurs églises dont celle de Saint-Séverin à Paris, en décorant dans le même quartier la station de métro Cluny ou en réalisant la mosaïque de la Maison de la radio.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article15994, notice BAZAINE Jean par Claude Liscia, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 juin 2012.

Par Claude Liscia

SOURCE : Documentation de Claude Liscia.

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