COLETTA Mario.

Par Jules Pirlot

Loreto Aprutino (pr. Pescara, Italie), 7 juin 1924 – Seraing (pr. et arr. Liège), 21 janvier 1981. Ouvrier mineur puis ouvrier métallurgiste en Belgique, militant du Parti communiste italien, président de l’association Leonardo da Vinci à Seraing.

Né dans une famille de paysans pauvres des Abruzzes, Mario Coletta a six frères et sœurs. Malgré son goût et ses aptitudes, il ne peut achever l’école primaire. Il rend de menus services au château de la famille des barons locaux qui emploient son père. À treize ans, il commence à travailler comme peintre en bâtiment puis pour un entrepreneur en maçonnerie, enfin dans une briqueterie. Pour fuir une existence misérable, Mario Coletta décide, à dix-sept ans, de s’engager à l’armée. Préalablement, il doit réussir les épreuves de cinquième primaire. Il est incorporé en 1941 dans la marine et basé à Pola en Dalmatie occupée où il connait la faim à cause du manque de ravitaillement. En 1942, il est affecté au magasin de vivres à Brindisi. C’est là qu’il apprend, dans l’indifférence, la chute du régime fasciste.

Après la guerre, à Porto Santo Stefano, Mario Coletta échappe de peu à l’explosion de son navire qui transportait des munitions. Il était à terre, mais soixante-cinq collègues périssent. Il s’insurge contre l’incurie des officiers. Ce sentiment est renforcé à La Spezia où il rencontre des ouvriers du port, farouchement antifascistes. C’est le début d’une prise de conscience politique. Coletta ne renouvelle pas son engagement et rentre à Loreto Aprutino où le Parti communiste italien (PCI) s’est implanté. Il se fiance à Miranda D’Agostino, une villageoise politisée et s’affilie au PCI.

En novembre 1948, Mario Coletta part pour les mines du Limbourg en Belgique. Les conditions de travail et de logement y sont exécrables. Il subit une grave crise d’eczéma et est hospitalisé. Il rentre pour un congé en Italie puis reprend le travail de mineur et obtient l’autorisation de quitter la mine de Zwartberg (Limbourg) pour entrer à la fonderie de Cockerill dans la région liégeoise. Là il découvre une classe ouvrière syndiquée, organisée, et des camarades italiens lecteurs de L’Unità. Mario Coletta peut enfin faire venir sa fiancée qu’il a épousée par procuration. De la fonderie, il passe au service de la traction comme accrocheur de wagon, les postes enviés de conducteurs de locomotives sont réservés aux Belges, jusqu’à ce qu’un groupe d’Italiens fasse pression sur les syndicats et la maîtrise. Mario Coletta finira sa carrière à un de ces postes.

Comme ouvrier syndiqué à la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), Mario Coletta participe aux grèves, comme celle de 1960-1961. Il milite au PCI dont l’action est clandestine, en raison des menaces d’expulsions et des tracasseries policières, comme par exemple, la fermeture en 1959 du cercle Italia libera qui rompait le monopole de l’action catholique en milieu immigré. La Fédération belge du PCI tient un premier congrès, au grand jour seulement en 1966.

Mario Coletta a peu de contact avec le Parti communiste belge (PCB). Il regrette le caractère trop alimentaire des luttes ouvrières ; pour lui, le socialisme est une question de conscience. C’est pourquoi il donne la priorité au travail culturel et rejoint une poignée de militants communistes animés par Gino Ghirardelli qui, malgré le scepticisme des directions du PCI et du PCB, arrive à mettre sur pied une association sans but lucratif, italo-belge et à rénover un local rue Cockerill, 86, à Seraing. En 1962, l’association Leonardo da Vinci est née.

En 1966, Gino Ghirardelli démissionne de la présidence de l’association et les associés se tournent vers Mario Coletta qui s’est distingué par son engagement et son éloquence. Sous sa présidence interrompue seulement par son décès, l’association déploie une série d’activités culturelles : expositions, conférences, fête de la femme, concerts, bals, atelier théâtre (Théâtre de la Renaissance) qui fait appel à Jean-Louis Colinet du Théâtre de la Communauté et futur directeur du festival de Liège et du Théâtre national ainsi qu’à l’infatigable Francis D’Ostuni, pionnier du théâtre-action. Elle organise également des tournois de football, dispose d’un club de boules, met sur pied des vacances en Italie pour les enfants belges et immigrés et tisse ainsi un lien social dans le bassin serésien et au-delà. Elle s’engage dans la lutte finalement victorieuse de la reconnaissance de la silicose comme maladie professionnelle. L’association est affiliée à la FILEF (Federazione italiana lavoratori emigrati e famiglie) et à l’INCA (Instituto nazionale confederale di assistenza, créé en 1945 par la Confederazione generale italiana del lavoro). L’influence du PCI s’étend. Ses militants font partie de divers comités consulaires d’assistance, d’organisation des cours d’italien. En 1976, l’association Leonardo Da Vinci est reconnue et subventionnée par le secteur d’éducation permanente de la Communauté française de Belgique (aujourd’hui Fédération Wallonie-Bruxelles).

Devenu athée, Mario Coletta est désigné comme conseiller moral laïc de la communauté italienne. Il verse ses honoraires à l’association. Homme de dialogue, il initie des contacts avec les ACLI (Associatione catttolica dei laboratori italiani) et crée, avec les chrétiens progressistes, un Comité d’entente qui s’engage dans Objectif 82, mouvement politique pluraliste, en faveur du droit de vote des immigrés aux élections communales.

La maladie emporte Mario Coletta moins d’un an après sa prépension, onze ans après son épouse. Son décès prématuré suscite une vive émotion. La Léonardo da Vinci perpétue encore sa mémoire par diverses manifestations.

Fédération Belgio du PCI

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article163792, notice COLETTA Mario. par Jules Pirlot, version mise en ligne le 10 septembre 2014, dernière modification le 12 janvier 2020.

Par Jules Pirlot

SOURCES : Papiers de famille et entrevue avec Betta (Betty) Coletta, sa fille – MONACA G.F., Une réflexion sociologique politique, théologique et pastorale sur 5 ans de vie en migration, Mémoire de licence UCL, Louvain, 1970 – L’incontro dei lavoratori, 31 janvier 1981 ; 15 févier 1981 ; 15 janvier 1982 ; 31 janvier 1982 – Il Sole d’Italia, 7 février 1981 – La Wallonie, 5 février 1981 – MOINS J., Fédération Belgio du PCI, dans Site du CArCoB – PUSCEDDU M., VALDO M., Non più cose ma protagonisti, Histoire de la Leonardo da Vinci de Seraing, s.l., Leonardo da Vinci et FILEF, 2007, dans Site de Leonardo da Vinci asbl.

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