BOISSAY Roger

Par Stéphane Paquelin

Né le 3 juin 1923 ; ajusteur ; militant communiste et syndicaliste CGT de la Nièvre, secrétaire général de l’UD-CGT de 1965 à 1983.

Georges Boissay naquit dans un milieu familial modeste. Son père était cultivateur vigneron avant de travailler en usine ; sa mère suivit le même itinéraire, entre le Loiret, la région parisienne et la Nièvre. Ses parents avaient un niveau d’instruction modeste, mais des convictions bien affirmées : son père était de tendance radicale alors que sa mère professait des idées anarchisantes comme la bibliothèque familiale en témoigne, les deux se retrouvant dans un fort anticléricalisme.

Ils ont tous deux participé aux événements qui ont marqué l’année 1936, emmenant leur fils avec eux. On peut supposer que la couleur politique et sociale de ce milieu d’origine a joué un rôle dans l’entrée en militantisme de Roger Boissay dés 1938, date de son adhésion à la CGT, alors qu’il poursuivait des études en école professionnelle à Nogent. Toutefois le facteur immédiatement déterminant fut celui de l’amitié avec le meneur du groupe, lequel fut d’ailleurs fusillé durant la Seconde Guerre mondiale comme résistant. On peut également mettre en avant les conditions de vie assez précaires de la famille Boissay.

Une fois sa scolarité terminée, durant l’Occupation, il travailla d’abord chez Citroën puis à LMT (Le Matériel Téléphonique) sur la promesse de ne pas partir en Allemagne. Ce fut peine perdue, il y passa deux ans, entre 1943 et 1945, à Berlin où il était employé chez Laurenz Werk à des tâches équivalentes à celles qu’il exécutait en France.

Il fut libéré par l’Armée Rouge. Il en conserva d’ailleurs une reconnaissance permanente à l’Union Soviétique. Rentré en France, il habita chez ses parents qui entre-temps étaient revenus dans la Nièvre. Il eut le plus grand mal à trouver un travail correspondant à sa qualification professionnelle d’ajusteur-outilleur. Après être passé par une série d’emplois précaires, il fut embauché dans une entreprise de décolletage à Nevers où il prit à nouveau sa carte à la CGT. En 1946, il changea à nouveau d’emploi et entra à l’usine de construction aéronautique de Fourchambault, où existait un syndicat puissant, qui comptait alors plus d’un millier d’adhérents. Il fut élu à la commission exécutive du syndicat. Il assuma ensuite de plus amples responsabilités : membre du secrétariat du syndicat des métaux de Fourchambault, responsable de l’Union locale de cette localité, il fut enfin élu au comité mixte de production, une des innombrables structures paritaires qui virent le jour au lendemain de la Libération et dont il devint le secrétaire.

L’usine fut fermée en 1949, ce qui lui donna par ailleurs l’occasion d’animer un puissant mouvement de protestation, sans succès toutefois. Il renoua alors avec l’instabilité professionnelle. En effet lui et plusieurs anciens responsables du syndicat dont Roger Boissay eurent le plus grand mal à retrouver un emploi durable, du fait de leur passé militant. Finalement il parvint à être embauché à Cosne-sur-Loire dans une entreprise de limes, mais fut bientôt licencié pour ses activités syndicales. Il fut ensuite employé par le Parti communiste français qui le chargea de projeter des films, révolutionnaires ou commerciaux, dans les villages nivernais. Il conserva cet emploi selon lui passionnant, mais mal rémunéré jusqu’à la fin de l’année 1951. Il entra à l’usine Thomson de Nevers, où il resta jusqu’en 1963. Il renoua avec le militantisme au sein du syndicat de l’entreprise dont il devint rapidement un des dirigeants, ce qui lui donna accès à des responsabilités interprofessionnelles et fédérales.

En 1955, il devint responsable de l’Union syndicale des métaux de la Nièvre et fut élu au conseil fédéral des métaux. En 1960 il entra au comité exécutif où il resta jusqu’en 1963. Il y était chargé des contacts avec les syndicats des départements de la Nièvre et de l’Yonne, il s’agissait essentiellement d’un rôle de conseiller. Dans le même temps, il occupa diverses responsabilités dans les organismes de la sécurité sociale, il fut notamment administrateur de la caisse primaire d’assurance-maladie de 1962 à 1968 puis de 1983 à 1991.

Mais surtout Roger Boissay dirigea l’Union départementale CGT de la Nièvre, d’abord comme secrétaire puis secrétaire général adjoint et enfin comme secrétaire général en 1964. Il conserva ce poste jusqu’en 1983 date de son départ en retraite. Il avait succédé à un militant mineur Jean Jeandot, dit Gueule Plate, arrivé à la tête de l’Union départementale auréolé de son incarcération durant les grèves de mineurs de 1948.

La passation de pouvoir se fit dans un contexte très conflictuel bien que ce fût le sortant qui ait demandé à Roger Boissay s’il était intéressé à lui succéder. Si les deux militants appartenaient approximativement à la même génération, par contre ceux qui les soutenaient présentaient un profil très différent de même que les deux militants en concurrence qui représentaient des conceptions du syndicalisme qui étaient antagonistes.

Il était plutôt soutenu par de jeunes responsables alors que Jean Jeandot pouvait compter sur une ancienne génération, issue de la période de l’occupation. D’autres différences existaient qui ont sans doute joué un rôle : l’un est mineur sans grande formation, l’autre est titulaire d’une qualification professionnelle conséquente. Dans la mesure où un compromis fut recherché, le secrétaire général sortant conserva un poste de secrétaire adjoint pendant une période qui devait être de transition, mais il apparut finalement que l’impossible cohabitation mettait en cause le fonctionnement de l’UD qui ne pouvait se permettre de rémunérer deux permanents. Finalement Jeandot fut évincé définitivement en 1966 à la suite d’une interminable crise.

Enfin, il fut un militant politique actif au sein du Parti communiste français, même si l’activité syndicale eut toujours la priorité. Il adhéra pour la première fois en mai 1947, au lendemain du départ forcé des ministres communistes, ce qui peut être interprété comme une réaction de solidarité, même si cette action s’inscrivait dans la logique de son parcours. Il a commencé par militer dans la cellule de l’entreprise où il travaillait ainsi que dans celle de son lieu de résidence, à Pougues-les-Eaux. Il continua ensuite dans une cellule de Garchizy où il déménagea au milieu des années 1950. Durant cette période, il ne chercha pas de mandat électif sauf municipal, sans succès par ailleurs. C’est par son activité dans l’appareil du parti qu’il pouvait être considéré comme un responsable. Ainsi en 1950, il entra au comité et au bureau fédéral au sein duquel il était chargé du secteur propagande. Il a également été l’un des fondateurs du mouvement de la paix dans la Nièvre, participant à ce titre en 1949 à une importante manifestation au stade Buffalo à Paris à la tête d’une délégation de la Nièvre.

Aujourd’hui Roger Boissay conserve quelque activité puisqu’il anime l’union syndicale des retraités de la Nièvre et continue à militer au Parti communiste. Il a su faire partager ses convictions comme l’atteste le parcours de sa descendance. En effet, plusieurs d’entre eux sont militants communistes ou cégétistes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17068, notice BOISSAY Roger par Stéphane Paquelin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 11 mai 2010.

Par Stéphane Paquelin

SOURCES : Entretien avec l’intéressé, août 1998. — Archives de l’Union départementale de la Nièvre. — Le Journal du Centre, 6 juin 1983. — Archives de la fédération des métaux de la CGT, congrès conservés à l’Institut CGT d’histoire sociale. — Arch. Dép. Nièvre, 137 W 212, 155 W 118.

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