Sainte-Croix-du-Verdon-Montagnac (Basses-Alpes, actuellement Alpes-de-Haute-Provence), 11 août 1944

Par Jean-Marie Guillon

Sainte-Croix-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence), plaque commémorative de la tragédie du 11 août 1944, ferme La Fuste
Sainte-Croix-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence), plaque commémorative de la tragédie du 11 août 1944, ferme La Fuste

On ne sait sur ordre de quel commandement FTP, tant c’était dérogatoire des règles de l’organisation, trois compagnies furent rassemblées à partir de la fin juillet 1944, sur les territoires des communes de Montagnac (où se trouvait, ferme La Fuste, leur état-major) et de Sainte-Croix-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence/Basses-Alpes). Peut-être est-ce un concours de circonstances créé par la pression exercée par les occupants ? Plus vraisemblablement, l’imminence du débarquement en Méditerranée, qui était connue, y a poussé. Il y aurait eu là une trentaine de maquisards de la 18e compagnie FTP des Basses-Alpes et une quinzaine de la 13e compagnie FTP, elle aussi des Basses-Alpes. Ils furent rejoints vers le 5 ou 6 août par le gros de la 1e compagnie FTP du Var (ex-camp Robert) qui avait été à nouveau attaqué peu avant dans son secteur du Var, soit plus d’une soixantaine de maquisards. Une telle concentration ne pouvait échapper à l’occupant, d’autant qu’un maquisard en mission était tombé entre ses mains et avait parlé sous la torture que lui avaient infligés les policiers de l’antenne du Sipo-SD de Digne (Alpes-de-Haute-Provence/Basses-Alpes). Par ailleurs, le camp aurait été également donné par un indicateur de la police allemande infiltré et un avion mouchard l’aurait survolé le 9 août. La 1e compagnie du Var avait de son côté « éliminé » un jeune de Draguignan dont le comportement avait paru douteux. Le retour de cette compagnie de l’autre côté du Verdon était prévu, mais il avait été retardé par l’attente de ravitaillement. Les maquisards furent attaqués à l’aube du 11 août par trois colonnes allemandes, deux par les routes de Sainte-Croix-du-Verdon et de Montagnac, une les prenant à revers à partir de la vallée du Verdon. L’alerte fut donnée par des Polonais, déserteurs de la Todt, qui étaient de garde et qui se comportèrent avec courage. Les maquisards, après un échange de tirs, se dispersèrent, la plupart parvenant à se cacher, mais certains furent tués. Cinq Américains membres de l’équipage d’un avion qui avait été abattu et que le maquis varois avait récupéré se rendirent en espérant être traités comme des prisonniers de guerre, ce qui semble avoir été le cas, sauf, peut-être, pour l’un d’eux, puisque l’une des victimes non identifiées que l’on a retrouvées aurait été d’origine africaine ou afro-américaine. Cependant, les témoignages conservés n’évoquent cette présence, ni parmi les maquisards, ni chez les aviateurs. Les Allemands firent quelques prisonniers qui furent conduits à Digne, mais ils exécutèrent les dix maquisards pris autour du hameau des Fabre (Montagnac), après leur avoir fait charger du matériel.
Le nombre des maquisards morts n’est pas facile à fixer. Les sources FTP sont lacunaires. Dix neuf corps furent inhumés à Riez (Alpes-de-Haute-Provence/Basses-Alpes) dont trois restèrent non identifiés et trois ne le furent que bien après leur découverte : ceux des dix prisonniers massacrés à Montagnac, quatre corps dispersés sur la commune de Sainte-Croix-du-Verdon et cinq retrouvés en septembre 1944 sur la commune de Montpezat (Alpes-de-Haute-Provence/Basses-Alpes). Mais, en faisant, le décompte des morts mentionnés par les diverses sources, on arrive à un total de vingt dont plusieurs inconnus. Peut-être est-ce dû à une ou des confusions, mais il est aussi possible que tous les corps n’aient pas été retrouvés ? Parmi les morts, se trouvaient, outre la victime posssiblement d’origine africaine ou afro-américaine, les trois Polonais dont le commandement FTP souligna « l’esprit de sacrifice ». Un monument aux « martyrs du maquis lâchement assassinés par la barbarie nazie le 11 août 1944 » se trouve au cimetière de Montagnac et une stèle au lieu-dit Les Fabres, ainsi qu’une plaque commémorative derrière la ferme La Fuste. Cette plaque comporte sept noms (dont un erroné, Michel Giordano, tué le 20 juillet ailleurs) et la mention de deux « inconnus dont un de race noire ».

Les morts du maquis dit « de Sainte-Croix » :

BAUDOIN Roger
BAUM
BRON Charles
CALVET Jose
CHABAUD Adolphe
D’ANTONIO Jean
DUFOUR Fernand
DURAND Guy
FUENTÈS Floréal
GIANFALDONI Henri
GILLOUX Paul
MAREK Yvan
MONTOLEONE Vincent
RAYBAUD Hubert
SUBILIA Ernest
TEISSÈRE Louis
TEYSSIER Jacques
VIALE Antoine
Inconnu d’origine africaine ou afro-américaine
Inconnu d’origine polonaise dit Hugues

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article185197, notice Sainte-Croix-du-Verdon-Montagnac (Basses-Alpes, actuellement Alpes-de-Haute-Provence), 11 août 1944 par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 14 septembre 2016, dernière modification le 21 avril 2020.

Par Jean-Marie Guillon

Sainte-Croix-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence), plaque commémorative de la tragédie du 11 août 1944, ferme La Fuste
Sainte-Croix-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence), plaque commémorative de la tragédie du 11 août 1944, ferme La Fuste
Riez, cimetière, monument aux morts du maquis de Sainte-Croix
Riez, cimetière, monument aux morts du maquis de Sainte-Croix
Riez, cimetière, socle du monument aux morts du maquis de Sainte-Croix
Riez, cimetière, socle du monument aux morts du maquis de Sainte-Croix

SOURCES : Témoignages.— Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence 17 juin 1940 - 20 août 1944, Digne, 1983.— Jean-Christophe Labadie dir., La répression allemande. Basses-Alpes 1943-1944, Digne-les-Bains, Archives départementales/Conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, 2014, p. 163.— Mémorial de la Résistance et des combats de la Seconde Guerre Mondiale dans les Basses-Alpes, Digne, Secrétariat aux Anciens Combattants–CDIHP des Alpes-de-Haute-Provence, 1992.

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