LE HEN Angèle, Émilienne, Delphine [née RAPPENEAU], alias VOILLOT Fernande.

Par Daniel Grason

Née le 9 mars 1894 à Saint-André-en-Morvan arrondissement de Clamecy (Nièvre), morte le 20 avril 1945 à Münsterlingen (Suisse) ; infirmière ; membre du Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme ; communiste ; agent de liaison des FTP ; déportée.

Fille de Marie et de Marie, Angèle Rappeneau alla à l’école primaire et obtint le CEP. Elle devint infirmière et travailla dès 1918 pour l’Assistance publique, elle travailla en dernier lieu au sanatorium de Brévannes (Seine-et-Oise, Val-de-Marne). Mariée à Pierre Le Hen, le couple eut trois enfants, âgés en 1942 de dix, dix-huit ans et vingt-deux ans. La famille vivait 19 rue Paul Painlevé à Brévannes. Elle adhéra à l’amicale laïque de la ville, fut membre du conseil d’administration, ainsi qu’au Comité mondial des femmes contre la guerre et le fascisme et au Parti communiste, cellule Louise Michel. Son mari également membre du Parti communiste, était secrétaire de la section, dès le 13 octobre 1940, en application du décret-loi du 29 septembre 1939, il fut interné au camp d’Aincourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise), puis au camp de Voves (Eure-et-Loir) et enfin à Châteaubriant (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique). Lors d’une visite à son mari à Châteaubriant, elle fit la connaissance d’une femme d’internée qui était engagée dans l’action clandestine. Elle accepta de faire de même.
Angèle Le Hen habita sous un faux nom avec elle au 25 avenue des Gobelins à Paris (XIIIe arr.), puis au 15, rue de la Goutte d’Or (XVIIIe arr.). En décembre 1942 elle entra dans les FTP, région P3, elle assura les liaisons avec les détachements. Elle transporta des grenades qui furent utilisées lors des attentats du 6 mars 1943 à Pantin et du 8 avril vers 12 heures 30, boulevard Ney prêt de la porte de Clignancourt à Paris (XVIIIe arr.). Dans les deux actions les grenades furent lancées contre des autobus qui transportaient des soldats allemands. De par sa fonction, elle connaissait Pierre Lamandé dit Rias responsable technique interrégional et les cinq responsables de secteur surnommés : Marie, Marc, Michèle, Françoise et Suzanne.
Angèle Le Hen fut interpellée par des inspecteurs de la BS2 le 5 juillet 1943 vers 10 heures du matin, rue de l’Union à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis). Elle était en compagnie de la militante communiste Chaja Karaulnik, toutes deux avaient rendez-vous avec Pierre Lamandé, Interrégional technique des FTP de la région parisienne. Au cours de la semaine du 5 au 11 juillet 1943 les inspecteurs des Brigades spéciales arrêtèrent 67 militants communistes et combattants FTP et FTP-MOI. Emmenée dans les locaux des Brigades spéciales pour y être interrogée, Angèle Le Men était inconnue des différents services de police.
Fouillée, elle portait une fausse carte d’identité au nom de « Voillot Fernande » avec sa photographie, une quittance de loyer d’un logement au 19 rue Béranger à Paris, deux tickets de métro annotés, deux feuillets de papier annotés, des feuilles de tickets de rationnement entamées portant le cachet de la mairie d’Arcueil (Seine, Val-de-Marne) et celui de la mairie de Limeil-Brévannes. Ces deux mairies avaient été cambriolées par des groupes de FTP.
Impressionnée lors de son interrogatoire, elle tenta de dissimuler en partie son activité, en vain… Voulant certainement gagner du temps, elle annonça aux inspecteurs qu’ils trouveraient une grenade, et qu’un revolver à barillet était dissimulé dans un livre évidé rue de la Goutte d’Or. Elle fut néanmoins frappée à plusieurs reprises, les policiers voulaient connaître les rendez-vous. Crânement elle déclara : « J’ai pu déchirer ma feuille de rendez-vous, qui par conséquent ne figurent pas parmi ces papiers. Pour cette raison je ne peux vous indiquer les heures et les lieux de mes repêchages avec les autres femmes chargées des liaisons des secteurs ».
Parmi les interpellées figurait Georgette Wallé dite « Françoise », épouse de Louis Wallé, une confrontation entre les deux femmes eut lieu. La perquisition du logement de la rue de la Goutte d’Or confirma qu’Angèle Le Hen était un maillon important de l’organisation.
Outre la grenade Mills et le revolver à barillet, les policiers saisissaient : un tube cylindrique, une baïonnette, trois bandes de moleskine sur lesquelles étaient peintes des numéros minéralogiques, des cartes d’identités en blanc, deux fausses cartes d’identités avec la photographie de Jean Le Hen, fils d’Angèle, une carte d’identité au nom de Laurent portant la photographie de sa fille Colette, un engagement de location d’un local situé 115 rue Oberkampf où habitait son fils, un boîtier contenant 25 cartouches, quatre quittances de loyer de location de locaux, un carnet et des feuillets manuscrits, des brouillons de tracts, cinq adresses manuscrites sur des enveloppes, un passe (une demie carte postale), six brochures, dix exemplaires du « Manuel du légionnaire », le « Manuel du Léninisme », dix kilos de tracts (« Vive la commune », « Jeunes de France », « L’attentisme est plus qu’un crime », « Le travail antifasciste »), et sept feuillets dactylographiés intitulés « Rapport du camarade Staline ». Trois inspecteurs de la BS2 perquisitionnèrent les locaux, 25 kilos de tracts ont été saisis : « L’appel au combat », « On a beaucoup calomnié l’Union soviétique », un appel « Aux paysans », le journal France d’Abord, et un « Appel aux usines ».
Incarcérée, livrée aux allemands pour de nouveaux interrogatoires, Angèle Le Hen était dans le convoi de 93 hommes et 27 femmes à destination de l’Allemagne. Déclarée « NN » Nacht und Nebel, ce qui signifiait condamnée à disparaître, elle a été emprisonnée à la prison d’Aix-la-Chapelle en attendant d’être jugée à Cologne. Condamnée à une lourde peine de travaux forcée, elle fut affectée au Kommando de travail de Barth dans l’ouest de la Poméranie qui dépendait du camp de concentration de Ravensbrück, les femmes et les hommes travaillaient pour l’usine d’avions Heinkel. Transférée au camp de Ravensbrück dans un état sanitaire très dégradé, elle a été avec d’autres détenues libérée par la Croix Rouge le 9 avril 1945 à la frontière germano-suisse. Très affaiblie, elle mourut le 20 avril 1945 à l’Hôpital de Münsterlingen (Suisse).
Angèle Le Hen a été homologuée au titre des FFI, et Internée déportée résistante. Son nom a été gravé sur la plaque de l’Hôpital Émile-Roux à Limeil-Brévannes dédiée à la mémoire du personnel de l’Hospice Mort pour la France. Une avenue de la commune porte le nom de Pierre et Angèle Le Hen.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article189817, notice LE HEN Angèle, Émilienne, Delphine [née RAPPENEAU], alias VOILLOT Fernande. par Daniel Grason, version mise en ligne le 21 février 2017, dernière modification le 22 novembre 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. BS2 carton 38 (transmis par Gérard Larue), PCF carton 14 rapport hebdomadaire des Renseignements généraux du 12 juillet 1943. – SHD, Caen AC 21 P 74633. – Bureau Résistance GR 16 P 499947. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – Site internet GenWeb.

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