MARTIN Lucie, Antoinette née GENIN

Par Daniel Grason

Née le 20 février 1912 à Paris (IIIe arr.), morte le 8 septembre 1984 à Tours (Indre-et-Loire) ; employée de bureau, dactylo ; résistante ; déportée à Ravensbrück (Allemagne).

Fille d’Antoine et de Gabrielle, née Chobeaux, sans profession, Lucie Genin a été adoptée par la Nation en vertu du jugement rendu le 3 février 1919 par le Tribunal civil de la Seine le 21 mai 1919. Elle épousa le 6 août 1933 en mairie de Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) Roger Édouard Martin, un enfant naquit en 1935. La famille vivait dans un pavillon 5 rue Jean-Jaurès à Bezons (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Le 2 septembre 1943, un bombardement détruisit leur logis, ils déménagèrent au 5 rue Montaigne à Puteaux (Seine, Hauts-de-Seine). Son mari avait été membre du Parti communiste, exclu en 1939.
Au cours du second semestre 1943, ils eurent la visite de « Cuvier », un responsable politique de l’organisation clandestine. Celui-ci demanda à Roger Martin de reprendre de l’activité au sein du Parti communiste, il accepta, à condition de ne pas être clandestin.
Le 6 octobre 1943, cinq inspecteurs de la BS1 interpellaient à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine) Lucie Martin et Robert Hildebrandt (dit Le Grand), responsable militaire FTP de la région P6. Ils furent emmenés dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture, Lucie Martin portait sur elle une liste manuscrite des effectifs.
Des policiers allèrent perquisitionner son domicile, un billet manuscrit glissé sous la porte d’entrée demandait à Lucie Martin de prévenir au plus tôt « Le Grand ». Dans le pavillon était saisi : six tampons en caoutchouc, une petite imprimerie de bureau, des carnets annotés et une enveloppe contenant une lettre.
Elle a été emmenée dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police pour y être interrogée. Les policiers lui demandèrent la raison de sa présence en compagnie de Robert Hildebrandt. Elle répondit : « Je sais que l’homme avec qui j’avais rendez-vous devait établir ma biographie. « Le Grand » avait été présenté à mon mari par « Cuvier » qui nous avait aidé à déménager. » Elle devait être rémunérée 2000 francs par mois. Lucien Martin ignorait le rôle des deux hommes, elle n’avait pas commencé son activité d’agent de liaison.
Au cours de son interrogatoire en a été probablement battue à plusieurs reprises. Les policiers voulaient savoir d’où provenait la feuille manuscrite avec les noms et la composition des groupes FTP. Son mari lui avait dicté les noms, mais elle affirma ignorer à qui elle était destinée. Lucie Martin affirma avec énergie  : « Jamais il n’est entré d’armes chez nous. »
Elle a été quelques jours plus tard incarcérée à Fresnes. Le 22 janvier 1944, elle était dans le convoi de 959 femmes à destination de Ravensbrück (Allemagne). Le convoi arriva au camp le 5 février, Lucie Martin a été affectée dans un Kommando de travail de fabrication d’armement. Matricule 27474, elle fut libérée le 31 janvier 1944, les troupes Soviétiques libérèrent le camp de Ravensbrück le 29 et 30 avril 1945.
Lucie Martin témoigna le 27 août 1945 devant les membres d’une commission rogatoire. Sur photographie elle reconnaissait deux des inspecteurs de la BS2 qui l’interpellèrent le 6 octobre 1943. Elle déclara : « J’ai été frappée par Daime et le nommé [Gaston] Barrachin. Mon époux a été martyrisé mais je ne sais pas par qui. Livré aux allemands il a dû être jugé par les allemands et il a été fusillé le 11 avril 1944 au fort du Mont Valérien ».
Lucie Martin relata son parcours de déportée et sa libération par la Croix-Rouge suédoise. Elle fit part de l’occupation de son logement par des inspecteurs de la BS2 qui « se sont emparés de linge de corps et de maison [et] de trois bicyclettes qui ont été saisies ». Elle porta plainte dans « au cas où ces machines auraient disparu. »
L’inspecteur [Robert] Daime ne répondit pas de ses actes, il se suicida. Quant à Gaston Barrachin, arrêté, incarcéré à Fresnes, il fabriqua dans sa cellule des faux documents pour compromettre des résistants. Condamné à mort en octobre 1945, il a été fusillé le 19 janvier 1946 au fort de Montrouge (Seine, Hauts-de-Seine).
Lucie Martin se remaria le 6 juillet 1957 en mairie de Puteaux avec René, Henri Dupré. Lucie Martin a été homologuée sous l’identité de Martin Lucie, née Genin membre de la Résistance intérieure française (RIF) et Déportée, internée, Résistante (RIF).
Elle mourut le 8 septembre 1984 à Tours (Indre-et-Loire)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article197181, notice MARTIN Lucie, Antoinette née GENIN par Daniel Grason, version mise en ligne le 21 janvier 2022, dernière modification le 21 janvier 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. PCF carton 15 rapport des Renseignements généraux du 11 octobre 1943, GB 136, KB 29, 77 W 5341. – Bureau Résistance GR 16 P – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil numérisé du 3e arrondissement de Paris 3N 157. – Les policiers français sous l’occupation, Jean-Marc Berlière avec Laurent Chabrun, Éd. Perrin, 2001 ; Jean-Marc Berlière, Police des temps noirs, préface de Patrick Modiano, Éd. Perrin, 2018.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
fiches auteur-e-s
Version imprimable