MLAKAR Drago [dit PETOVAR Karel dans la Résistance]

Par Hervé Lemesle

Né le 28 septembre 1917 à Zamet (Kastav, Autriche-Hongrie, aujourd’hui Croatie), mort le 15 novembre 1941 à Maribor (Slovénie) ; étudiant en technique ; militant des Jeunesses puis du Parti communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; interné en France ; résistant en Yougoslavie.

Drago Mlakar en Yougoslavie avant l’Espagne (Source : Naši Španjolski, op. cit.)

Drago Mlakar est né sur le littoral croate, d’un père slovène contrôleur financier muté après la Première Guerre mondiale à Šoštanj, dans le nord de la Styrie slovène rattachée au Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Après avoir fréquenté le lycée de Ljubljana, il y entama en 1932 des études de techniques et adhéra à la Ligue de la jeunesse communiste de Yougoslavie (SKOJ). Impliqué dans les activités des associations culturelles Ivan Cankar — grand écrivain slovène né en 1867 et mort en 1918, membre du Parti social-démocrate et défenseur des spécificités culturelles et nationales de son peuple —, Vzajemnost [Réciprocité] et du Secours rouge, il devint en 1935 membre du Parti communiste de Yougoslavie (KPJ). Il milita dans le comité local du Parti en direction de la jeunesse et en faveur de la création d’un Front populaire. Arrêté en octobre 1936 pour propagande illégale, il fut condamné en mars 1937 à 8 mois de prison. Avec un autre jeune futur volontaire en Espagne républicaine, Ljubomir Živković (1917-1942), il purgea sa peine dans la célèbre geôle de Sremska Mitrovica (Vojvodine), où furent internés de très nombreux militants communistes qui étaient parvenus à en faire une « université rouge » formant théoriquement les jeunes, sous la houlette du vétéran du mouvement Moša Pijade (1890-1957).

Après sa libération, Drago Mlakar partit en Espagne, où il arriva le 29 septembre 1937. Il fut affecté comme soldat dans la 2e compagnie « Cankar » du bataillon « Đaković », rattaché à la 129e brigade internationale (BI) en février 1938. Son compatriote Janez Perenič (1904-1948), un instituteur devenu membre du comité provincial du KPJ avant l’Espagne, avait grandement contribué à la création de cette compagnie composée essentiellement de volontaires slovènes. Fort marri de ne pas être promu commandant, le poste étant attribué au Paraguayen Lucio Fagusto, Drago Mlakar participa avec son unité aux durs combats durant la retraite d’Aragon en avril 1938, et ensuite au Levant jusqu’à la démobilisation des BI en octobre. Considéré comme un combattant médiocre au front, un militant passif et faible politiquement, en contact avec des « éléments malsains » (dont Janez Perenič), il ne fut pas admis dans le Parti communiste d’Espagne (PCE). Il se remobilisa cependant pendant la Retirada en janvier-février 1939.

Interné à Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), puis à Gurs (Basses-Pyrénées) et au Vernet (Ariège), Drago Mlakar suivit scrupuleusement les consignes du Parti en refusant les évasions individuelles et les affectations dans les Compagnies de travailleurs étrangers (CTE), en s’impliquant dans les activités culturelles et politiques contrôlées par le comité communiste clandestin. Ce ne fut pas le cas de Janez Perenič, exclu du collectif pour indiscipline et s’évadant de Gurs pour rentrer en Yougoslavie. Lorsque le KPJ ordonna en mai 1941 à ses militants de se porter volontaires pour aller travailler en Allemagne dans le but de faciliter leur rapatriement et leur implication dans la Résistance, Drago Mlakar répondit une nouvelle fois présent et se retrouva à Dessau (Saxe-Anhalt). Quand la filière d’évasion vers Zagreb fut mise au point par le vétéran croate Vjeceslav Cvetko dit Flores (1909-1941), il rallia la capitale croate, et de-là rentra en Slovénie. Il y retrouva deux camarades d’Espagne : l’instituteur Miha Pintar dit Toledo (1913-1942), également membre du KPJ depuis 1935, combattant dans la compagnie « Cankar », interné en France puis à Dessau ; Franc Drobnič (1916-1941), ouvrier sans parti, caporal dans le bataillon Divisionario de la 45e division en Catalogne en 1938, interné en France. Tous trois membres du groupe de partisans de Šaleš dans le secteur de Velenje (Haute-Carniole), ils préparèrent le 27 août 1941 une embuscade contre le ministre de l’Intérieur du IIIe Reich Wilhelm Frieck (1877-1946), qui avorta. Ils intégrèrent le mois suivant la compagnie du Pohorje, dont Toledo prit le commandement et qui attaqua avec succès le Mont Klopni mais durant laquelle Drago Mlakar fut blessé. Rétabli après des soins dans une grotte, il rejoignit ses camarades dans le bataillon de Styrie qui fit subir durant le mois d’octobre des revers aux Allemands à Šoštanj, Dobrovolje et Brežice. Le bataillon fut ensuite déconcentré pour éviter les représailles.

Drago Mlakar gagna alors la capitale de la Basse-Styrie Maribor, où il fut arrêté le 9 novembre. Il fut exécuté après plusieurs jours de torture, sans avoir livré sa véritable identité. Franc Drobnič trouva parallèlement la mort plus au Sud à Trbovlje (Basse-Styrie), et Miha Pintar périt le 3 juin 1942 près de Velenje. Seul Pintar-Toledo connut les honneurs à titre posthume, étant proclamé en juin 1953 héros des peuples de Yougoslavie. Ses camarades tombèrent dans l’oubli, et pour Janez Perenič dans l’opprobre. Arrêté par les Allemands pendant l’occupation, il avait été interné à Buchenwald. Après la Libération, il devint directeur d’une maison d’édition mais fut incarcéré en octobre 1947 par les autorités titistes, qui l’accusèrent d’avoir collaboré avec les nazis. Comme un autre ancien d’Espagne impliqué dans cette purge connue en Yougoslavie sous le nom des procès de Dachau, il ne survécut pas aux interrogatoires. Lors du premier procès dit du groupe Diehl-Oswald qui se tint à Ljubljana du 20 au 26 avril 1948, 7 des 15 accusés étaient des Španci [vétérans d’Espagne]. 3 furent condamnés à mort et exécutés, 4 condamnés à des peines de 5 à 15 ans d’internement. Ces procès truqués typiquement staliniens furent pour Tito, pourtant déjà en plein conflit avec Staline, l’occasion d’éliminer définitivement les cadres communistes slovènes opposés à sa politique.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230012, notice MLAKAR Drago [dit PETOVAR Karel dans la Résistance] par Hervé Lemesle, version mise en ligne le 15 juillet 2020, dernière modification le 17 juillet 2020.

Par Hervé Lemesle

Drago Mlakar en Yougoslavie avant l’Espagne (Source : Naši Španjolski, op. cit.)

SOURCES : RGASPI (Moscou), 545.6.1536, biographie de militant du 27 juillet 1938 ; 465.277, dossier personnel, questionnaire de démobilisation du 7 décembre 1938 ; 545.6.1528, caractéristique n°742 du 9 mai 1941. — Milan Ževart, « Pregled narodnoosvobodilne borbe v Šaleški dolini » [Bilan de la lutte de libération des peuples dans la vallée de Šaleš], Prispevki za zgodovino delavskega gibanja [Contribution à l’histoire du mouvement ouvrier], 1960, n°2, pp.169-227. — Pero Morača, dir., Narodni heroji Jugoslavije [Les héros des peuples de Yougoslavie], Belgrade, Mladost, 1975, vol.2, p.83. — Boro Krivokapić, Dahauski procesi [Les procès de Dachau], Belgrade, Partizanska knjiga, 1986. — Marino Buducin et Mihael Sobolevski (dir.), Naši Španjolski dobrovoljci [Nos volontaires espagnols], Rijeka, Centar za historiju radničkog pokreta i NOR Istre, Hrvatskog primorja i Gorskog Kotara, 1988, pp.230-232. — Arch. PPo., RG77W 1443, liste de 379 volontaires yougoslaves. — Notes Daniel Grason.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable