MILIĆ Ante [dit Španac]

Par Hervé Lemesle

Né le 13 novembre 1919 à Sinj (Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, aujourd’hui Croatie), mort en 1979 ; apprenti photographe ; volontaire en Espagne républicaine ; militant des jeunesses communistes ; résistant en Yougoslavie ; travail dans le cinéma et le journalisme après 1945.

Né dans l’arrière-pays dalmate d’un père ouvrier et d’une mère ménagère, Ante Milić déménagea en 1929 avec ses parents à Split et y termina l’école élémentaire. Il fit ensuite un apprentissage de photographe, adhérant à la section culturelle de la Ligue des syndicats ouvriers unifiés de Yougoslavie (URSSJ) et à l’association d’alpinisme Prijatelj prirode [L’ami de la nature].

A 17 ans, Ante Milić décida de sa propre initiative de partir défendre l’Espagne républicaine avec son ami du même âge, Milenko Viličić. Ils embarquèrent en mai 1937 sur le Sud, appartenant à la compagnie maritime Oceanija de Sušak, et arrivèrent sans encombre à Alicante. Ils furent alors enrôlés comme soldats dans le bataillon de complément du 5e régiment de cette ville, prenant part à de petites actions policières de « nettoyage ». Mais leur expérience ibérique s’acheva dès septembre quand le père de Milenko débarqua à Alicante pour obtenir le rapatriement de son fils. Le commandant du bataillon accepta la requête vu leur âge, et ils rembarquèrent pour Split à bord du Vis, appartenant à la même compagnie.

Conformément à la législation en vigueur dans le Royaume de Yougoslavie interdisant depuis mars 1937 toute aide aux belligérants espagnols, Ante Milić fut arrêté à son arrivée à Split. Il put cependant reprendre rapidement son métier de photographe, tout en militant clandestinement, dès décembre 1937, dans la Ligue des jeunesses communistes de Yougoslavie (SKOJ). Il faisait son service militaire quand l’Axe lança, le 6 avril 1941, une attaque contre la Yougoslavie, qui se solda par une capitulation rapide de l’Armée royale et le démembrement du pays par les puissances occupantes. Ante Milić parvint toutefois à éviter d’être capturé et s’engagea dès l’été 1941 dans les groupes de chocs menant les premières opérations de résistance contre les Italiens dans la métropole dalmate. Il rallia en mars 1942 le détachement des partisans du massif du Mosor en Dalmatie centrale, unité inclue en juin dans le 2e bataillon de choc de ce secteur. Il prit ensuite le commandement du 2e bataillon de la 3e brigade dalmate, intégrée en février 1943 dans la 9e division sous les ordres du dirigeant communiste dalmate Vicko Krstulović (1905-1988). La 9e division s’illustra lors de la « 4e offensive ennemie » (opération Weiss) visant à chasser l’état-major de Tito de Bosnie occidentale et à l’anéantir avant son passage au Monténégro. La 9e division protégea en effet le passage de la colonne de blessés et de malades sur le pont à moitié détruit de la Neretva en mars 1943, mais fut dissoute dès le mois suivant en Herzégovine, puis reformée en septembre à Split après la capitulation italienne. Ante Milić commanda alors la 4e brigade dalmate, puis la 18e brigade serbe formée en juin 1944 en Serbie méridionale. Après de durs combats dans cette zone, la 18e brigade participa, au sein de la 25e division, à la libération de la Serbie en coordination avec les Soviétiques à partir de septembre, puis de la Bosnie et de la Croatie au printemps 1945. Blessé à deux reprises en 1942 et en 1943, Ante Milić fut promu major et reçut plusieurs décorations, dont la médaille des partisans.

Démobilisé en 1946, Ante Milić s’installa à Belgrade et fit carrière dans le journalisme, travaillant pour l’organe du Parti communiste de Yougoslave Borba [La lutte], et dans le cinéma, dirigeant successivement deux studios produisant des films et des documentaires de propagande. Avala Film sortit en 1947 le premier film de partisans Slavica de Vjekoslav Afrić (1906-1980). UFUS Film produisit en coopération avec des cinéastes autrichiens Poslednji most [Le dernier pont] d’Helmut Käutner (1908-1980), premier film coproduit par la Yougoslavie titiste primé à Cannes en 1954, avec Maria Schell dans le rôle d’un médecin allemand capturé par les partisans puis partageant leurs idéaux jusqu’à sa mort. Ante Milić épousa l’actrice d’origine croate Nada Škrinjar (1923-1999), dont le premier grand succès au cinéma fut Majka Katina de Nikola Popović (1949), dont l’action se déroulait pendant la guerre civile grecque. Ils n’eurent pas d’enfant et vécurent avec la mère d’Ante, Ana Milić. Ante Milić considérait que son rôle très modeste et bref à Alicante ne méritait pas qu’il devînt membre de l’Association des anciens d’Espagne, mais celle-ci l’intégra toutefois dans la liste des 1 664 volontaires yougoslaves publiée en 1971.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article230194, notice MILIĆ Ante [dit Španac] par Hervé Lemesle, version mise en ligne le 15 juillet 2020, dernière modification le 15 juillet 2020.

Par Hervé Lemesle

SOURCES : Archives de Yougoslavie (AJ, Belgrade), 724-VIII, dossier personnel, questionnaire et autobiographie du 27 novembre 1959 ; 724-X2/121, témoignage de Duje Bašić du 28 janvier 1971. – Miroslav Velić, Ante Petrić et Mate Vuletić, Mosorski partizanski odred [Le détachement des partisans du Mosor], Split, Institut za historiju radničkog pokreta za Dalmaciju, 1985, p.476. – Spisak španskih boraca [Liste des combattants espagnols], Belgrade, Udruženje Španskih borci 1936-1939, septembre 2011, en ligne.

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