FILLIOUD Georges, Gabriel

Par Gilles Vergnon

Né le 7 juillet 1929 à Lyon IVe arr. (Rhône), mort le 15 septembre 2011 à Paris ; journaliste de radio, écrivain ; militant conventionnel, puis socialiste, secrétaire général adjoint de la FGDS (1968), secrétaire général adjoint de la CIR (1968-1971), membre du bureau exécutif du PS (1971-1979), secrétaire de la fédération socialiste de la Drôme (1973-1978) ; député FGDS de la Drôme de 1967 à 1968, puis député de Romans (Drôme) de 1973 à 1981, vice-président de l’Assemblée nationale (1978- 1979), maire de Romans (1977-1983), conseiller général (1970-1982) ; ministre de la communication (1981-1983), secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des Techniques de la communication (1983-1986) ; conseiller d’État (1986-1990), président de l’INA (janvier 1990-juillet 1994).

[Assemblée nationale, Notices et portraits]

Georges Fillioud naquit à Lyon dans une famille des classes moyennes et marquée à gauche : son père, Marius Fillioud, agent immobilier, était membre du Parti radical ; sa mère, drômoise, protestante, était de sensibilité de gauche et son oncle, socialiste SFIO. Georges Fillioud, après des études de droit à Lyon et un diplôme du Centre de formation des journalistes, choisit la carrière de journaliste. Entré à Europe 1 en 1956 comme rédacteur, il connut une promotion rapide au sein de la radio périphérique : grand reporter, puis chef du service politique, il devint secrétaire général de la rédaction, puis rédacteur en chef adjoint. Alors auteur de plusieurs livres, il partageait avec Jacques Paoli la responsabilité des grands journaux parlés quotidiens Europe-midi et Europe-soir.

Syndicaliste, un des fondateurs du Syndicat national des journalistes (SNJ) et de la CGT chez les journalistes d’Europe 1, Georges Fillioud se heurta, lors de la campagne présidentielle de 1965, aux consignes gouvernementales sur l’information. Sa carrière s’arrêta en février 1966 où, suite à des pressions du gouvernement, il fut « interdit d’antenne » pour trois mois par Maurice Siegel pour avoir signé publiquement, en compagnie de nombreuses autres personnalités, le manifeste du « Mouvement national pour l’union des gauches » (ex-comité Jean Vilar), se prononçant pour l’élaboration d’un programme commun de l’ensemble des gauches. Il choisit, après des contacts avec François Mitterrand*, qu’il avait rencontré dans son activité de journaliste, de démissionner définitivement d’Europe 1 et d’entrer en politique.

Adhérent à la Convention des institutions républicaines (CIR), il fut vite coopté dans le cercle dirigeant. Élu en janvier 1967 à son secrétariat, chargé, avec Georges Beauchamp et Claude Estier, des « problèmes de presse, propagande et relations publiques », il siégea aussi au comité exécutif de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS). Le 29 février 1968, il fut élu secrétaire général adjoint de la FGDS et, au mois d’octobre, secrétaire général adjoint de la Convention, une fonction qu’il occupa jusqu’en 1971.

À l’automne 1966, Georges Fillioud, qui souhaitait, avec l’encouragement de François Mitterrand*, se présenter aux législatives de 1967 dans sa région d’origine, était en quête d’une circonscription « vacante », ce qui était le cas de Vienne (Isère) et de Romans (Drôme). Louis Mermaz*, plus ancien dans le mouvement, choisit Vienne. Il fut donc, après quelques hésitations et le renoncement de Pierre Joxe* initialement pressenti, « parachuté » à Romans où il fut bien accueilli par Louis Bonhomme, journaliste dans la presse locale et secrétaire de la petite section SFIO de la commune. Commença alors un cycle d’implantation, étalé sur dix ans et qui, après une alternance de succès et de revers, donna à Georges Fillioud les principaux mandats de sa terre d’élection : le conseil général (1970), la députation (1973, 1978 et 1981), la mairie de Romans (1977). Se présentant sous l’étiquette de la FGDS, il fut d’abord élu député de Romans en mars 1967. En difficulté au premier tour, où il n’arriva, avec 10 691 voix sur 51 148 suffrages exprimés, qu’en quatrième position derrière le maire de Romans, le républicain indépendant Pierre Didier (18 838 voix), le communiste Maurice Michel* et le centriste Henri Durand, maire de Bourg-de-Péage. Il l’emporta finalement au second tour, par 26 214 voix contre 25 549 à son adversaire, grâce au désistement du candidat communiste dans le cadre d’un accord national, et au retrait sans consigne de vote d’Henri Durand. Cette « élection, assez imprévue » selon Le Dauphiné libéré, fut remise en cause l’année suivante où Georges Fillioud perdit son siège au profit du gaulliste Gérard Sibeud, conseiller général de Saint-Jean-en-Royans et « tombeur » de Benjamin Malossane*. Il prit sa revanche en 1970, où il fut élu le 15 mars, avec 8 012 voix, conseiller général de Romans contre Pierre Didier (7 174 voix). Il échoua l’année suivante aux élections municipales de mars 1971, quand sa liste d’Union de la gauche « Romans demain » (5 979 voix), où figuraient des représentants socialistes, communistes et conventionnels, fut battue par la liste « Union romanaise » conduite par Pierre Didier (6 123 voix). Georges Fillioud reprit son siège de député le 11 mars 1973, en battant nettement Pierre Didier, cette fois candidat sous les couleurs de l’URP.

Ces années furent aussi celles de l’implantation dans la fédération socialiste de la Drôme, jusque-là tenue en main par Maurice Pic*. Mal accueilli au départ, il s’imposa en jouant de l’usure de l’emprise de ce dernier, et en asseyant sa légitimité sur un profil beaucoup plus « politique », alors que Maurice Pic* jouait d’une image notabiliaire. Ainsi, sa campagne législative de 1968 valorisa son statut de personnage politique national (« un des principaux dirigeants de la Convention des institutions républicaines ») et ses prises de position s’appuiyèrent sur une analyse de la portée nationale des événements de Mai 68. Quand, le 4 mai 1969, se constitua la fédération départementale du « Nouveau Parti socialiste » (NPS), Georges Fillioud fut partie prenante de sa direction, amenant avec lui une nouvelle génération de militants parmi lesquels Lucien Dupuis, Jean-Étienne Lapassat, Guy Morénas et Pierre Travail. Cette première adhésion fut de courte durée : Georges Fillioud, comme l’ensemble de son équipe, refusa de participer à la « deuxième session » du congrès constitutif du NPS, à Issy-les-Moulineaux (11-13 juillet 1969) et démissionna de la commission exécutive départementale en octobre. Ce fut seulement après Épinay, et le congrès départemental du 26 juin 1971, que l’unification définitive s’opéra entre socialistes et conventionnels. L’hebdomadaire La Volonté socialiste et le bulletin Drôme demain, qu’il avait fondé, fusionnèrent et un jeune enseignant, Rodolphe Pesce, devint secrétaire fédéral, Georges Fillioud restant membre de la commission exécutive. Le 29 juin 1973, il devint à son tour secrétaire fédéral, fonction qu’il conserva jusqu’en 1978, et dirigea la campagne présidentielle de François Mitterrand* dans la Drôme en 1974.

Le 13 mars 1977, la liste qu’il conduisait arriva largement en tête dès le premier tour des élections municipales (8 377 voix, soit 61,22 % des suffrages exprimés), favorisée par le décès brutal, le 10 mars, en pleine campagne, du maire sortant Pierre Didier. Réélu député en mars 1978, en battant nettement le maire de Bourg-de-Péage Henri Durand, par 34 868 voix (52,80% des suffrages exprimés) contre 31 167 à son adversaire, puis à nouveau le 21 juin 1981, avec 58,70 % des voix. Mais, appelé au gouvernement, il laissa son siège de député à son suppléant André Brunet. Même s’il déclarait rester maire de Romans et se définissait comme « un romanais appelé à aider le président de la République », sa nomination marqua en fait la fin de son implantation romanaise. Battu nettement aux cantonales de mars 1982, où il n’obtint que 44,31 % des suffrages face à Georges Durand, candidat de l’opposition (CNI) et fils du maire de Bourg-de-Péage, il annonça en septembre, par un communiqué, sa décision de ne pas se représenter aux élections municipales, invoquant la difficile conciliation entre ses responsabilités d’État et ses mandats électifs. En fait, la distance croissante vis-à-vis de ses charges d’édile se conjuguait avec les mécontentements provoqués par son action ministérielle dans l’audiovisuel pour expliquer sa défaite. Il était de plus en rivalité croissante avec son premier adjoint, Étienne-Jean Lapassat, qui devait conduire la liste en mars 1983.

Au gouvernement, dans le premier cabinet dirigé par Pierre Mauroy* après les élections législatives de juin 1981, Georges Fillioud mit en œuvre, après une première loi en septembre 1981 autorisant les « radios libres », la loi du 29 juillet 1982 autorisant la création de radios locales privées. Il supervisa aussi, après le vote de la loi du 21 juillet 1982, la création de la « Haute autorité de la communication audiovisuelle » chargée de nommer les responsables des chaînes de télévision et des radios publiques, jusque-là nommés en Conseil des ministres. Ce dossier, dont il était responsable en titre, fut suivi directement par François Mitterrand* et subit aussi les « interférences » de Jack Lang. Pour une partie de l’opinion publique cependant, et dès l’été 1981, son nom resta davantage attaché à la polémique sur le contenu des émissions télévisuelles : fallait-il promouvoir des émissions « culturelles » au détriment d’émissions de « divertissement ». Georges Fillioud devint ainsi le responsable de la mise à l’écart temporaire du populaire animateur de variétés Guy Lux.

Nommé conseiller d’État en 1986, Georges Fillioud fut désigné en janvier 1990 président de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), fonction qu’il occupa jusqu’en juillet 1994. En 2002, il fut président de l’assemblée générale des actionnaires de la chaîne de télévision franco-allemande Arte.

Georges Fillioud appartient à cette génération de journalistes professionnels de l’audiovisuel entrés en politique dans les années 1960, comme Maurice Séveno* ou, d’un autre bord, Michel Péricard, avant Dominique Baudis ou Noël Mamère dans la période suivante. Mais, comme le note Yasmine Éva Farès, ce spécialiste des médias, « mis de côté trop tôt et trop brutalement de son milieu professionnel d’origine », n’eut peut-être pas le temps d’acquérir un haut niveau de légitimité avant son entrée en politique, ce qui a pu nourrir sa réputation de « bagarreur sectaire » (Annick Cojean). Ce proche de François Mitterrand* a, en-dehors de son activité ministérielle, puissamment contribué au renouvellement de la vie politique à gauche dans son département d’adoption.

Georges Fillioud s’était marié en janvier 1948 à Lyon VIe arr. avec Aimée Diennet. Divorcé, il se remaria à Bonnieux (Vaucluse) en septembre 1996 avec la comédienne Danielle Evennou.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24158, notice FILLIOUD Georges, Gabriel par Gilles Vergnon, version mise en ligne le 4 janvier 2009, dernière modification le 15 septembre 2011.

Par Gilles Vergnon

[Assemblée nationale, Notices et portraits]

ŒUVRE : Le Dossier du Vercors, in Bernard Michal, Les grandes énigmes de la Seconde Guerre mondiale, 1965. — L’Affaire Lindemans, 1966. — Mort d’un chien, François Bourrin, 1988. — Homo politicus, Filipacchi, 1996. — Nombreux articles dans L’Unité, La lettre de l’Unité, Riposte, Drôme demain-La Volonté socialiste.

SOURCES : Arch. de la fédération de la Drôme du PS. — Arch. OURS, dossier personnel, coupures de presse ; dossier sur la Drôme (2 APO 12). — La Volonté socialiste, puis Drôme demain-La Volonté socialiste, 1967-1983. — Le Dauphiné libéré, 1967-1983. — Le Monde, 18, 25 et 27 février 1966). — Agnès Chauveau, « La politique de l’audiovisuel », in Serge Berstein, Pierre Milza, Jean-Louis Bianco (dir.), François Mitterrand. Les années de changement 1981-1984, Perrin, 2001, p. 910-932. — Yasmine-Éva Farès, Les Journalistes et la vie politique sous la Ve République, DEA (sous la dir. de Roger-Gérard Schwartzenberg), université Paris II. — Étienne-Jean Lapassat, De flamme et de raison (textes choisis et présentés par Dominique Andolfatto), Romans, 1993. — Janine Mossuz, Les Clubs et la politique en France, Armand Colin, 1970. — Jean-François Robert, Le Conseil général de la Drôme, Cahier de l’Institut Marius Moutet, 2, 1998. — Entretien avec Georges Fillioud, 4 avril 2002. — État civil de Lyon (IVe arr.).

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