LOZERAY Henri [LOZERAY Rodolphe, Henri]

Par Claude Pennetier

Né le 17 mai 1898 à Dreux (Eure-et-Loir), mort le 13 juillet 1952 à Paris (XIIe arr.) ; ouvrier typographe ; dirigeant des Jeunesses communistes ; membre du Comité central et du Bureau politique du Parti communiste ; député de Paris (1936-1940, 1945-1946), puis du Cher (1946-1951).

Fils d’un ouvrier en chaussures, Henri Lozeray obtint le certificat d’études primaires à onze ans puis un diplôme d’agriculture mais fit son apprentissage dans la typographie. Ouvrier linotypiste à Saint-Denis (Seine), il se syndiqua et adhéra aux Jeunesses socialistes vers janvier 1914. Pendant la Première Guerre mondiale, exempté de l’armée, il appartint au Comité pour la reprise des relations internationales et contribua à reconstituer l’organisation nationale des Jeunesses socialistes dont il devint secrétaire adjoint en juin 1918.

Pendant l’année 1919, Lozeray se prononça, comme le secrétaire général Pierre Lainé*, pour l’adhésion à la IIIe Internationale à condition que le Parti socialiste fasse le même choix. A la conférence nationale des Jeunesses qui se tint à Troyes le 4 avril 1920, la direction sortante, dont Lozeray, défendit l’adhésion avec réserve qui fut majoritaire. Il ne fit pas partie de la nouvelle direction et se consacra à son groupe, celui de Saint-Denis qui, selon Jacques Varin, retira son soutien au courant animé par Pierre Lainé* pour rallier la tendance Laporte-Auclair (voir Maurice Laporte* et Émile Auclair*), celle de l’adhésion sans réserve. Il semble que l’attitude de Lozeray ait été plus indécise : Jean-Paul Brunet signale qu’au congrès fédéral des Jeunesses socialistes de la Seine, début octobre, il déclara “La Jeunesse socialiste de Saint-Denis n’a pas voté la motion d’adhésion” et ajouta “nous ne sommes pas entièrement d’accord avec la nouvelle majorité communiste, mais disciplinés, nous nous inclinerons” (Jacques Doriot, pp. 26-27). Le congrès de la Bellevilloise réuni le 31 octobre 1920 décida la création de la Fédération nationale des Jeunesses socialistes-communistes (qui s’appelèrent très vite Jeunesses communistes). Lozeray, malade et absent du congrès (il avait été remplacé par Doriot) n’appartenait pas au conseil national (Jeunes comme JC, p. 60). Mais, membre du Parti communiste (et même secrétaire adjoint de la section de Saint-Denis), il fut élu au conseil en mai 1921 puis devint un des secrétaires de la JC spécialiste de la lutte anticolonialiste. A partir de juillet 1922, l’Avant-Garde le chargea de sa rubrique coloniale. Un article publié dans le Conscrit lui valut une inculpation pour “provocation de militaires à la désobéissance” suivie d’un non-lieu.
Henri Lozeray s’affirma comme un dirigeant important du Parti communiste dès 1924. Le congrès de janvier l’avait désigné au conseil d’administration de l’Humanité. Secrétaire appointé du travail colonial depuis le 25 septembre 1924, il remit, le 18 décembre 1924, un rapport. Le IVe congrès du Parti communiste réuni à Clichy en janvier 1925 l’élut membre titulaire du Comité central mais son nom disparut du CC dès le congrès de Lille (juin 1926). Lozeray était chargé, avec Jacques Doriot*, de la propagande communiste dans les colonies. Au cours d’une tournée de propagande en Afrique du Nord, il fut arrêté à Alger le 13 juillet 1925, en compagnie de Victor-Noël Arrighi* et Jean-Baptiste Aucouturier*, pour “provocation de militaires à la désobéissance”. Le 25 septembre, il fut condamné à deux ans de prison par le tribunal correctionnel d’Alger. En octobre, le Parti communiste présenta le détenu de la prison de Barberousse (Alger) aux élections municipales partielle du quartier de la Villette. Il avait déjà été, avant son arrestation, candidat aux élections municipales de mai 1925 dans le quartier Sainte-Marguerite. Libéré, il rentra en France le 14 juillet 1927. Le Parti communiste le présenta aussitôt à une élection législative partielle dans le XIXe arr. C’est dans le XIe arr. (quartier Folie-Méricourt) qu’il fut candidat en avril 1928 (2 322 voix sur 12 670 inscrits, 18,4 %).
Lozeray partageait alors les analyses de plusieurs anciens dirigeants des JC qui croyaient à la nécessité de rajeunir et de renouveler l’encadrement du Parti communiste. Manouilski, dirigeant de l’Internationale communiste, rencontra secrètement Pierre Celor*, Lozeray et André Ferrat*, à l’automne 1927, au square du Luxembourg, pour les encourager à s’organiser discrètement dans le Parti. Ce devait être le “groupe de la Jeunesses” dit aussi “groupe Barbé-Celor-Lozeray”(voir Henri Barbé*, et Pierre Celor*). Lozeray assista au VIe congrès mondial du Komintern (juillet-septembre 1928) mais son nom ne figure pas dans la délégation française. Il écrivit de Moscou, en août, pour dire qu’il ne voulait plus assumer la direction de la section coloniale ; il fut cependant renommé avec Doriot. Le VIe congrès du Parti communiste français — Saint-Denis, 31 mars-7 avril 1929 — (où il présenta un rapport sur les colonies) l’élut au Comité central (bien que la liste de ce CC varie selon les sources, le Parti n’ayant pas rendu publique la composition officielle) et le chargea de diriger l’administration du Parti. Membre du Bureau politique, on lui attribue parfois le titre de secrétaire administratif. Dans les faits il était l’un des principaux adjoints de Barbé et de Celor avec François Billoux*, Raymond Guyot*, Eugène Galopin* et Louis Coutheilas*. Signe de la confiance qui lui était faite, c’est lui qu’on chargea, en novembre 1930, de souscrire 16 000 obligations lors du 5e emprunt émis par le journal l’Humanité. Lozeray était en fait le responsable des finances du Parti. Albert Vassart* prit sa succession en novembre 1931.

Lorsque l’Internationale décida de retirer son soutien au “groupe” et que, en juillet 1931, Raymond Guyot* dénonça son caractère fractionnel, le nom de Lozeray fut associé à celui de Barbé et de Celor. Le Comité central des 26-28 août 1931 le blâma publiquement. Il suivit l’exemple de Billoux et Guyot en reconnaissant ses torts et accepta d’être remis à la base. Il reprit son métier de typographe pendant cinq ans, milita au syndicat unitaire de la typographie de la région parisienne dont il fut trésorier adjoint puis secrétaire. Il appartenait à la cellule 232 bis du 11e rayon. Lors de son mariage à Saint-Denis, le 24 juin 1933, avec Augustine Mauroy, Henri Barbé* était son témoin.
Signe du retour en grâce de Lozeray, le Parti communiste le présenta aux élections législatives d’avril-mai 1936 dans le quartier de la Folie-Méricourt où Robert Mension* avait été le candidat en mai 1932. Il se plaça en tête au premier tour avec 3 117 voix sur 11 927 inscrits et conquit le siège au second tour avec 5 439 suffrages. Lozeray assura la vice-présidence de la commission de l’Algérie et des colonies. A ce titre, il prit plusieurs fois la parole à la Chambre sur les problèmes coloniaux (15 décembre 1936, 22 janvier 1937, 20 décembre 1938).

Le 8 octobre 1939, Henri Lozeray fut arrêté avec un grand nombre de députés communistes pour avoir participé à la constitution du Groupe ouvrier et paysan français. Déchu de son mandat parlementaire le 21 janvier 1940, il fut condamné à cinq ans de prison, 4 000 francs d’amende et cinq ans de privation de droits civiques par le tribunal militaire de Paris. Il fut transféré à la prison de Poitiers en mai puis interné en Algérie, à Maison-Carrée d’où il fut libéré le 5 février 1943.
A la Libération, Henri Lozeray siégea aux deux assemblées nationales constituantes (1945-1946), assura la fonction de vice-président de la commission des territoires d’Outre-mer, fut porté par l’Assemblée consultative provisoire en 1945 sur la liste des jurés de la Haute-Cour de justice, puis fut député du Cher à partir de 1945. Il démissiona de l’Assemblée nationale le 14 mars 1950 et fut aussitôt porté à l’Assemblée de l’Union française. Les XIe (Strasbourg, 1947) et XIIe (Gennevilliers, 1950) congrès l’avaient élu à la Commission centrale de contrôle financier du Parti communiste français.

Mort le 13 juillet 1952 à l’hôpital Saint-Antoine, Henri Lozeray fut inhumé au cimetière du Père-Lachaise.
L’Humanité du 3 avril 1982 annonça le décès d’Augustine, sa femme, ancienne résistante.

Le jeune Henri Lozeray qui avait été un des espoirs du parti, le mentor de Jacques Doriot* puis de Henri Barbé* et un responsable aux pouvoirs considérables, notamment dans la domaine des finances, ne se releva jamais de l’élimination du “noyau de la Jeunesse” dont il était un des trois principaux dirigeants. A la différence de Barbé et Pierre Celor*, il échappa aux pires accusations. Mais, malgré son attitude conciliante et son retour à la production, il ne retrouva qu’une place secondaire et très spécialisée dans les questions coloniales. Sa fidélité au parti, même dans l’adversité, lui valait l’estime de dirigeants comme Georges Cogniot* qui écrivit : »Je veux dire ici quel militant effacé, modeste, mais irréprochable était ce typographe au loyal regard, à la figure virile fortement modelée, qui vint tout droit de son imprimerie à la Chambre, parce qu’il avait repris sa place à l’atelier en toute simplicité après les difficultés politiques qu’il avait dû affronter au moment de la lutte du parti contre le groupe Barbé-Celor (...) Personne n’était plus désintéressé. Je le mettais et je le mets encore au rang des modèles.” (Parti pris, t. 1, p. 262).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article24482, notice LOZERAY Henri [LOZERAY Rodolphe, Henri] par Claude Pennetier, version mise en ligne le 10 février 2009, dernière modification le 24 février 2022.

Par Claude Pennetier

ŒUVRE : Union des peuples de France et des colonies pour le pain, la liberté et la paix (préface), Paris, 1938. — Pour une Union française fraternelle et démocratique (discours prononcé à l’Assemblée nationale constituante, le 20 mars 1946), Paris, Éd. du Parti communiste français, 1946. — Négocier avec Ho-Chi-Minh (discours prononcé à l’Assemblée nationale les 18 et 20 mars 1947), Alger, Éd. Liberté, 1947.

SOURCES : Fonds Henri Lozeray, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (303 J), inventaire en ligne. —RGASPI, 495 270 8553, autobiographie, 18 décembre 1931. — Arch. Jean Maitron (fiche Batal). — Arch. PPo. 300. — Bibliothèque. marxiste de Paris, microfilm 394. — Cahiers du bolchevisme, 1925-1939. — Notes de Jacques Girault. — Jean-Paul Brunet, Une banlieue ouvrière : Saint-Denis (1890-1939), Thèse, 1978 ; Jacques Doriot, Balland, 1986. — G. Lachapelle, Les Élections législatives, op.cit. — Albert Vassart, Mémoires, inédit. — L’Humanité, passim et 15 juillet 1952. — Jacques Varin, Jeunes comme JC,op. cit. — Georges Cogniot, Parti pris,op. cit. — J. Jolly, Dictionnaire des parlementaires français, t. VI, op. cit. — État civil.

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