LIN CHUNTING 林春庭

Par Alain Roux

Contremaître à la cotonnière de Yangshupu Yong’an n°1.

C’est un bel exemple de « gourdin ouvrier » (gonggunzi) dont le directeur du personnel de la cotonnière Ewo toute proche nous donne en juin 1947 une description d’une exceptionnelle précision :« Il reçoit, conformément à la loi sur les syndicats, 45 jours de salaire par mois en tant que délégué qu’il répartit en 30 pour lui-même et 7, 1/2 pour chacun de ses deux adjoints. Ce qui donne un salaire de base de 2,10 US$ par jour, auquel on ajoute une indemnité de 500.000 CN$ par mois. Ce n’est pas un salaire d’ouvrier, même qualifié, mais de contremaître. Il dispose d’un petit bueau à l’usine, où il ne passe qu’une demi-heure par jour, sauf en cas de trouble. Son autorité est acceptée par la majorité des ouvriers, dont cependant un certain nombre l’accuse de détourner les fonds du syndicat pour son usage personnel. Le directeur est plutôt satisfait de son absence sur le lieu de travail : on dit que, quand il vient, il n’a aucun respect pour lui, s’installe à son bureau et mange à sa table. Le directeur dit que l’on ne peut pas lui faire confiance, car il est du côté des ouvriers et peut créer des troubles à la Yong’an à sa guise : il faut donc le manier avec prudence. Il reçoit aussi 15 à 20 millions de CN$ par mois pour l’aide qu’il prétend donner à diverses personnes de Yangshupu en dehors de l’usine. On dit à la Yong’an qu’il a été mêlé aux troubles récents de l’usine Ewo et qu’il aurait reçu de l’argent de notre part ». Ajoutons que ce personnage a été élu comme membre suppléant à la CA du Syndicat Général de Shanghai lors de son 5° congrès en septembre 1946 et qu’il fait partie depuis le 19 octobre de la même année des dix-neuf membres de la commission syndicale d’étude sur le coût de la vie. Le « labour attaché » Hunt, du consulat général britannique, précise dans son rapport n°6 du 25 février 1948 qu’il était le secrétaire de la Société pour le bien-être des ouvriers (Fulihui) de Yangshupu et ajoute « qu’il s’était vêtu en bleu de travail et avait pris un revolver pour arrêter des ouvriers pendant la grève récente à la Shanghai Power (voir à Wang Xiaohe*) en parfait chien couchant de son maître Lu Jingshi* ». Il a placé son argent dans une tannerie nommée Longfeng dont il partage la propriété avec son ami Huang Yuexiang*, un autre bel exemple de « gourdin ouvrier ». Ce qui ne manque pas de sel, quand on le voit intervenir le 1er juillet 1947 lors d’un meeting présidé par Liang Yongzhang* de 18 syndicats affiliés au Syndicat Général de Shanghai qui votent une résolution demandant l’exclusion des syndicats de tous les « gourdins ouvriers » ! Il fut dénoncé comme « gourdin ouvrier » dans un bulletin clandestin communiste, Information du travail (« Laodong tongxun »), dans son numéro 24 du 15 mars 1949. L’article nous apprend en outre que Lin Chunting, « homme de main de Lu Jingshi au syndicat des ouvriers du coton de Shaghai-ouest », venait de vendre sa tannerie et s’était rendu à Taiwan pour en créer une nouvelle : de toute évidence, il préparait sa fuite sur la Belle Île.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article252056, notice LIN CHUNTING 林春庭 par Alain Roux, version mise en ligne le 10 novembre 2022, dernière modification le 10 novembre 2022.

Par Alain Roux

SOURCES : La fiche de renseignements sur Lin Chunting date du 27 juin 1947 et se trouve, traduite en chinois, dans les Archives de la cotonnière Ewo. Le Labour Report de Hunt daté du 25 février 1948 est dans les archives du Foreign Office FO 371 dossier 63.353. Le journal clandestin Laodong tongxun publié par l’Association ouvrière de Shanghai (Shanghai gongren xiehui), une organisation communiste, se trouve aux Archives Municipales de Shanghai.

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