BEAUFOUR Eustache, Vincent (écrit parfois BEAUFOUR C.), dit VERNER Robert ou LAHARPE

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

Né le 18 décembre 1804 à Rouen (Seine-Inférieure), mort le 3 avril 1876 dans cette même ville ; ourdisseur de son état, puis négociant ; se disant saint-simonien, proche des néo-babouvistes, fut plus tard réputé icarien ; membre de diverses sociétés républicaines ou secrètes.

Fils de Michel Antoine Beaufour et de Marie-Madeleine Victoire Basset (ou Boiseil ou Debassin). Ourdisseur, se disant rentier en octobre 1836, après avoir exercé le commerce de la rouennerie, Eustache Beaufour vint à Paris dans le plus complet dénuement. Saint-simonien, il fut membre de la Société des droits de l’Homme, et vraisemblablement l’auteur de pamphlets lithographiés à Paris en 1834-1835 pour la défense des accusés d’avril. Il était en contact étroit avec des babouvistes comme Henri Stévenot*, F. Maillard*, ou Mme Hédert* (ou Mme Hébert* ?) et bien d’autres, qui devaient constituer ensemble une section de la Société des Familles, section dont il devint le chef. Il fut arrêté dans une réunion à Paris le 26 mai 1835 au domicile d’Henri Stévenot et dès cette date soupçonné de communisme. Il fut réputé appartenir à une certaine Société de la Communauté (?). Sur réquisitoire du procureur du roi Poinsot du 22 juin 1835, inculpé d’association illicite, il fut incarcéré à La Force et transféré à Sainte-Pélagie le 28 juin. Bien que l’écrou le désigne effectivement sous le prénom Eustache, il semble que ce soit la copie du réquisitoire qui le prénomme C. Un second réquisitoire du même procureur en date du 24 juillet concluant au non-lieu, il comparut au procès du 3 août 1835, avec Robier* et fut libéré le 8 août.
Eustache Beaufour était aussi connu comme fabricant de poudre, d’abord rue d’Enfer (anciens XIe et XIIe arr., maintenant plusieurs voies dont les boulevards Saint-Michel, Denfert-Rochereau, etc., Ve et XIVe). Puis, demeurant rue du Sentier (IIIe arr. ancien, actuel IIe), il s’installa, le 12 février 1836, dans une maison isolée, 113 rue de Lourcine (ancien XIIe arr., maintenant rues Broca et Léon-Nordmann, Ve et XIIIe), dans le faubourg Saint-Marceau, où il fut surpris en flagrant délit de fabrication de poudre, le 8 mars 1836, et arrêté avec Robier*, Lucas, Adrien Robert*, Émile Canard* et Alexandre Daviot*. Il figurait sur les listes d’Eugène Lamieussens* sous les pseudonymes de Verner Robert et Laharpe (rapport Mérilhou). Il fut écroué sous mandat de dépôt à La Force le 11 mars 1836 pour fabrication de poudre de guerre, complot contre la sûreté de l’État et association illicite. Il comparut au procès des poudres, en première instance, le 11 août 1836, et y fut condamné à deux ans de prison, 3 000 F d’amende et 2 ans de surveillance. Ces peines furent confirmées en appel le 23 octobre 1836. Réintégré à La Force dès le 24 octobre, il fut transféré à Sainte-Pélagie, le 7 novembre 1836, en ressortit le lendemain pour être conduit à Brie-Comte-Robert, par ordre du préfet de police, avec Adrien Robert*. De là, il fut expédié dans le quartier politique de la maison centrale de Clairvaux d’où il sortit après l’amnistie du 8 mai 1837. La procédure du procès des poudres fut jointe aux dossiers du procès à la Cour des pairs de l’attentat du 27 décembre 1836 (affaire Pierre, François Meunier*), concernant des « individus renvoyés devant la juridiction ordinaire comme inculpés d’être affiliés à des sociétés secrètes ». Membre de la Société des Saisons, il fut de nouveau inculpé au procès des journées insurrectionnelles de mai 1839, mais bénéficia d’un non-lieu. On retrouve encore sa trace à l’occasion de l’attentat du 15 octobre 1840 (affaire Edmond Darmès*).
Dans l’un des dossiers concernant ce procès de la Cour des pairs, l’on trouve parmi les pièces saisies chez Charles Noiret* deux textes lithographiés, l’un, non daté, signé E. Beaufour, Aux puissants de la terre, l’autre, daté du 17 août 1840, signé Beaufour, Les Communistes de Rouen à leurs frères de Paris, à l’occasion du premier banquet communiste de Belleville du 1er juillet 1840, alors que la reproduction du texte n’est pas signée.
Conseiller municipal de Rouen en 1848, Eustache Beaufour fut l’un des quatre candidats communistes réputés icariens à l’Assemblée constituante, le 23 avril 1848, sur la liste du Comité central démocratique de la Seine-Inférieure de Frédéric Deschamps*. Selon Le Populaire (n° du 19 avril), Deschamps s’efforçait d’éliminer les quatre icariens « comme communistes, après les avoir acceptés sur la liste qu’il patronne ». Il y parvint durant la deuxième semaine d’avril (voir Coutelier*, Bertrand Espouy*, Gruel*).
Beaufour fut de nouveau poursuivi en 1849 pour tentative de constitution de la Solidarité républicaine, mais acquitté. En 1851, il fit partie du comité de résistance au coup d’État, ce qui lui valut d’être transporté à Cayenne en 1852. Il s’y trouvait encore en mai 1856.
Rentré à Rouen quelques mois plus tard, il fut de nouveau arrêté au lendemain de l’attentat d’Orsini, puis transporté en Algérie de 1858 à 1859.
Rentré après l’amnistie de 1859, il fut une dernière fois arrêté en 1862 pour correspondance avec les sociétés secrètes de Paris (affaire Bray*), en rapport avec le projet de Jean Greppo* d’enlever l’Empereur. Il était alors considéré par la police comme un « démagogue particulièrement dangereux ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article26052, notice BEAUFOUR Eustache, Vincent (écrit parfois BEAUFOUR C.), dit VERNER Robert ou LAHARPE par Notice revue et complétée par Jean Risacher, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 5 février 2020.

Par Notice revue et complétée par Jean Risacher

SOURCES : Arch. Dép. Paris (Seine), Registres d’écrou DY4/31-1358 (1836) ; DY8/8-1926 (1835) ; DY8/10-3189 (1836). — Gazette des Tribunaux, 21 et 23 octobre 1836. — Le Populaire, 16 avril 1848. — L’Homme, journal de la démocratie universelle, 7 juin 1856. — Eugène Ténot, Antonin Dubost, Les Suspects en 1858, Paris, A. Lechevalier, 1869. — Cour des Pairs. Procès politiques, 1835-1848, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1984 CC 709, d 5, n° 36 (notes sur les sociétés secrètes qui se sont formées après la Société des droits de l’Homme et sur les ateliers clandestins de poudre à Paris, rédigées pour le procès Meunier) ; CC 746, n° 395 ; CC 772. — M. Dommanget, Auguste Blanqui. Des origines à la Révolution de 1848. Premiers combats et premières prisons, Paris, Mouton, 1969. — Ph. Matthey, Les Membres des sociétés secrètes républicaines parisiennes sous la monarchie de Juillet, mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier, Paris X, 1986. — Marcel Boivin, Le Mouvement ouvrier dans la région de Rouen, Rouen, PUR, 1989. — J. Grandjonc, Communisme/Kommunismus/Communism. Origine et développement international de la terminologie communautaire prémarxiste des utopistes aux néo-babouvistes, Trier, Karl Marx Haus, 1989, p. 397-400. — L.-A. Blanqui, œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Jean-Claude Vimont, La Prison politique en France, Paris, Anthropos, 1993. — Notes de M. Cordillot, J. Grandjonc, JC Vimont.

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