PATUREAU Jean, dit Patureau-Francœur

Né le 10 juin 1809, à Châteauroux (Indre), mort en 1868, à la ferme Saint-Vincent près de Gastonville, département de Constantine. Vigneron démocrate-socialiste, maire de Châteauroux, victime du coup d’État et de la loi de sûreté générale de 1858. Portraituré avec tendresse par George Sand.

Il était le fils d’un journalier-vigneron. « Il avait appris tout seul à écrire et il écrivait remarquablement avec les naïves incorrections qui sont presque des grâces dans un style rustique et spontané » (George Sand). Il devint vigneron au Chaumiau, village jouxtant Châteauroux. Sa femme y tenait auberge. Lui allait à ses journées et, suivant les saisons, il allait dans les campagnes comme « coquetier » (ramasseur d’œufs). Il écrivait des chansons républicaines qui se transmettaient manuscrites. Il faisait partie de la loge maçonnique et défendait des idées proches de celles de Ledru-Rollin. « ... Un esprit aussi complet que le sien devait se passionner pour les idées de progrès et de civilisation. Il fut, avant la Révolution, le représentant populaire des aspirations de son milieu et il travailla à les diriger vers un idéal de justice et d’humanité » (George Sand).
En 1848, il devint le porte-parole des ouvriers de Châteauroux. Il fut candidat « ouvrier » aux élections du 23 avril 1848 à la Constituante. Il approuvait la politique de Ledru-Rollin, comme le prouvait sa profession de foi : « J’adhère pleinement à la République, avec les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, principes que le Christ défendait il y a 1800 ans et que Ledru-Rollin professe aujourd’hui. »
Dans une situation sociale tendue, il fut tête de liste aux élections municipales de Châteauroux (21 et 31 mai 1848). Il fut élu : sa liste emporta 17 sièges sur 24. Mais, le 27 juin 1848, le préfet annula son élection et celle de ses colistiers, sous prétexte que des bulletins à leur nom étaient « autographiés » et non écrits à la main. Aux élections complémentaires du 31 juillet qui se déroulèrent dans une atmosphère de réaction, il fut élu de nouveau avec 12 de ses colistiers. Le 14 septembre, il fut encore élu conseiller d’arrondissement du canton de Châteauroux.
Quand le maire de la ville démissionna, Patureau-Francœur fut délégué dans ses fonctions par le préfet de l’Indre (12 octobre 1848), « maire en blouse et en sabots » dira George Sand, parce qu’il était trop pauvre pour s’habiller autrement.
Le 11 février 1849, le préfet révoqua le maire et suspendit le conseil municipal de Châteauroux, sous prétexte que Patureau-Francœur s’était « servi de son autorité pour accomplir des actes de nature à troubler l’ordre public... » Le Journal de l’Indre précise qu’il avait « voulu organiser une manifestation politique sous prétexte d’une plantation d’arbre de la Liberté ».
De nouvelles élections municipales eurent lieu, pour lesquelles la ville fut divisée en cinq sections. Le 20 mai 1849, Patureau-Francœur était élu par la section du quartier des Marins, se classant premier de toute la ville par le nombre des voix obtenues. Il ne fut pas nommé maire. Au moment du coup d’État, il fut poursuivi, mais il se cacha dans des familles amies et échappa à la police. George Sand obtint, difficilement, sa grâce, ce qui lui permit de regagner Châteauroux. Il fut arrêté en janvier 1858, à la suite de la loi de sûreté générale. « Il resta un mois au cachot sur la paille en plein hiver. Quand on le mit dans la voiture cellulaire qui le dirigeait vers l’Afrique, il était presque aveugle, et, depuis, il a toujours souffert cruellement des yeux » (George Sand).
En septembre 1858, à la suite d’une démarche de George Sand auprès de son ami Jérôme-Napoléon, le cousin de Napoléon III, il fut libéré mais resta soumis à surveillance. Il se fixa en Algérie, après avoir obtenu la permission de venir à Châteauroux pour vendre sa maison et sa vigne et pour y chercher sa famille. En Algérie, il vécut de son métier de vigneron, fit partie de la Société d’agriculture de Philippeville et écrivit un traité de viticulture. Il acquit tant de notoriété et de réputation que le préfet de Constantine voulait le faire entrer au conseil municipal de sa commune.
Pendant longtemps, dans l’Indre, le nom de Patureau-Francœur resta populaire. Un de ses neveux, qui avait adopté son surnom, devint maire radical de Châteauroux (1882-1900) et conseiller général (1889-1901).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article35853, notice PATUREAU Jean, dit Patureau-Francœur, version mise en ligne le 20 février 2009, dernière modification le 5 octobre 2022.

ŒUVRES : Il existe des chansons républicaines de Patureau-Francœur dans la collection Edme Richard, à Issoudun.

SOURCES : On trouvera des renseignements dans la Correspondance et dans les Nouvelles lettres d’un voyageur, de George Sand. — Daniel Bruneau, « La réaction dans l’Indre », Aspects de la Révolution de 1848 dans l’Indre, Châteauroux, 1948.

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