FRESSOZ Roger, Pierre, François. Pseudonyme : RIBAUD André

Par Laurent Martin

Né le 30 octobre 1921 à La Compôte (Savoie) mort le 26 mars 1999 à Paris ; journaliste ; directeur du Canard enchaîné (1970-1992).

[Arch. du Canard enchaîné, fourni par l’auteur]

Fils de Louis Fressoz et de Marie-Antoinette, née Carret, Roger Fressoz a été l’un des plus journalistes français les plus doués de la deuxième moitié du XXe siècle mais aussi l’un des plus discrets et, de ce fait, reste l’un des plus méconnus.

Après des études au collège de La Villette de Chambéry et au Lycée Malherbe de Caen, il suivit une préparation littéraire au lycée Henri-IV de Paris et obtint une licence ès Lettres à la Faculté des Lettres de Paris.

Il commença sa carrière de journaliste en 1944 comme critique de cinéma à Cordées. Journaliste parlementaire, accrédité à l’Assemblée nationale au titre de L’Union de Reims à partir de 1947, il collabora également à Témoignage chrétien, Paris-Jour, Franc-Tireur et L’Indépendant de Perpignan. En 1952, il publia ses premiers papiers au Canard enchaîné. Il en devint rédacteur en chef adjoint en 1964, rédacteur en chef en 1967 et enfin directeur en 1970, poste qu’il occupa jusqu’à sa retraite en 1992.

Roger Fressoz est plus connu des lecteurs du Canard enchaîné sous son nom de plume, André Ribaud. C’est de ce pseudonyme qu’il signa une chronique hebdomadaire, imitée du style des mémorialistes du XVIIe siècle, des petits et des grands événements marquant la vie de l’exécutif. D’abord intitulée « La Cour » du temps de de Gaulle, elle devient « La Régence » sous Pompidou. Fressoz l’arrêta après la mort de ce dernier, estimant que le nouveau président de la République n’a pas la densité historique de ses prédécesseurs. Cette chronique, qui valut à son auteur d’obtenir en 1962 le prix de la Chronique parisienne, dut également beaucoup aux dessins de Moisan qui l’illustraient. Elle contint nombre d’expressions imagées et faussement désuètes qui firent florès, telle l’ « étrange lucarne » pour désigner la télévision.

Le 21 septembre 1960, Fressoz-Ribaud présenta en ces termes le pastiche de « La Cour » : « La France n’a plus de Parlement. La France n’a plus de gouvernement. Seuls comptent le Roi et Sa cour. La source du pouvoir est concentrée, dans les mains de Mongénéral, son exercice dispersé entre celles des barons. Le régime évolue entre le despotisme éclairé et débonnaire au sommet et le népotisme obscur et forcené à la base. (…) Le bon sens, la nature des choses, l’évolution imposent donc au Canard de se transformer en mémorialiste hebdomadaire. Et c’est dans ces conditions que tous les mercredis nous nous demanderons avec nos lecteurs : quoi de neuf cette semaine à la Cour ? ». C’était indiquer, sous couvert de plaisanterie, la modification en profondeur du régime politique, passé en peu d’années d’un système dominé par le Parlement à un autre, centré sur l’Élysée et, plus encore, sur la personne du chef de l’État. Présidentialisation et personnalisation allaient de pair et le Canard de Fressoz sut habilement négocier ce tournant qui affectait aussi la nature et les formes de l’information politique.

Devenu directeur en 1970, à la fois par désignation de son prédécesseur Ernest Raynaud, et par vote formel des porteurs de parts de la société anonyme du Canard enchaîné, Roger Fressoz prit en main les destinées d’un journal qui avait déjà, dans les années 1960, « sorti » un certain nombre d’affaires politico-financières. Pendant les vingt-deux ans qu’a duré sa direction, le Canard multiplia les scoops tout en continuant de cultiver un ton, entre humour et satire, qui le distingue de la plupart de ses confrères. Le public et le tirage suivirent, ce dernier passant de 422 000 exemplaires en 1970 à 493 000 en 1992 (mais après avoir plusieurs fois dépassé les 600 000 exemplaires), cependant que le chiffre d’affaire s’élevait, durant la même période, d’environ 58 millions de francs à plus de 177 millions. « Le Canard a changé d’échelle à partir du moment où il a été lu par plusieurs centaines de milliers de lecteurs, estimait Roger Fressoz. Comment répondre à l’attente de publics forcément hétérogènes, comment sauvegarder l’esprit du Canard ? Cela a toujours été mon obsession. »

La nouvelle dimension du journal est attestée par les conférences que prononça, au tournant des années 1980, Roger Fressoz dans des universités américaines et à l’ENA. Lui-même continua d’écrire dans le journal et s’occupait plus particulièrement de la page 2, « La Mare aux canards ». En 1992, il décida de prendre sa retraite. Comme son prédécesseur, il avait préparé sa succession et imposa facilement Michel Gaillard à la tête du Canard enchaîné. Quant à lui, il ne se résolut pas à quitter tout à fait le journal, y conservant un bureau et y venant souvent. Il meurt dans la nuit de jeudi 25 à vendredi 26 mars 1999, à l’âge de soixante-dix-sept ans.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article49957, notice FRESSOZ Roger, Pierre, François. Pseudonyme : RIBAUD André par Laurent Martin, version mise en ligne le 25 avril 2009, dernière modification le 1er juillet 2020.

Par Laurent Martin

[Arch. du Canard enchaîné, fourni par l’auteur]

ŒUVRE : La Cour (1961), Le Roi (1962), Le Règne (1965) aux éditions Julliard et Livre de Poche.

SOURCES : Archives du Canard enchaîné. Le Canard enchaîné, enquête de la Direction des renseignements généraux n° 2-72, Préfecture de police, juin 1972, publié par Christian Plume et Xavier Pasquini, Une enquête de police sur le Canard enchaîné, Jean Picollec éd., 1980. — Laurent Martin, Le Canard enchaîné ou les fortunes de la vertu, histoire d’un journal satirique, 1915-2000, Flammarion, 2001. — Aux quatre coin-coins du Canard Enchaîné, documentaire de Bernard Baissat, 1987, 172 minutes, film 16 mm

Aux quatre coin-coins du Canard Enchaîné, documentaire de Bernard Baissat 1987, 172 minutes, film 16 mm [->http://bbernard.canalblog.com/archives/2013/01/05/26076045.html]

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