DISPY Raymond. Pseudonyme :Raymond LAMBERT

Par José Gotovitch

Né le 31 décembre 1903 à Bruxelles (Belgique), mort le 19 décembre 1980 à Saint-Antonin-du-Var (Var, France) ; employé comptable ; permanent du PCB ; élève à l’École léniniste internationale (ELI) et pratiquant de l’Internationale syndicale rouge (ISR) en 1930 ; commissaire politique en Espagne ; dirigeant clandestin ; membre du bureau politique ; ministre (1944) et député (1946-1950) ; conseiller communal (1938-1958, 1964-1970).

Raymond Dispy (à gauche) (c) CARCOB
Raymond Dispy (à gauche) (c) CARCOB

Né dans une famille de quatre enfants dans le quartier populaire de Notre Dame au Rouge à Bruxelles, d’un père tailleur « apiéceur pour dames », libéral et libre-penseur, et d’une mère ménagère catholique, Raymond Dispy entama l’école normale en même temps qu’il perdit la foi. Brillant élève, il dut quitter l’école pour des raisons financières. Il devint employé et se forma à la comptabilité. Service militaire accompli, il occupa divers emplois dont il fut fréquemment renvoyé pour participation à des grèves.

En 1927, il adhéra à la Jeunesse communiste et devint administrateur de son journal. Militant syndical, il fit partie des dirigeants de la Jeunesse communiste belge que le Parti, fortement affaibli, appela en janvier 1929 dans ses cadres. Secrétaire de rayon, il se signala comme orateur populaire, dans les rues et devant les entreprises.

En mai 1930, alors qu’il connaissait une nouvelle période de chômage, il fut envoyé à Moscou où il suivit une session de formation syndicale de trois mois à l’ELI (pseudonyme Raymond Lambert). Au cours du séjour, qui comportait une partie « emploi d’explosifs », il assura des traductions au Ve congrès de l’ISR, puis travailla encore deux autres mois comme « pratiquant » (« référent ») à l’Internationale syndicale.

Rentré à Bruxelles, il devint membre du comité fédéral, secrétaire à l’organisation, suivant particulièrement les questions syndicales au sein de l’Opposition syndicale révolutionnaire. Lors de la conférence nationale de 1935, il se rallia fermement à la nouvelle direction. Le congrès de 1936 l’intégra au cadre permanent comme secrétaire fédéral de Bruxelles et le désigna comme candidat au comité central. Il fit adopter la modification du terme « rayon » en « section », plus conforme à la tradition belge. L’avis porté à son sujet par la commission des cadres de l’IC était balancé. Loué pour son énergie et sa fermeté politique, en particulier pour sa lutte contre les trotskystes au sein du mouvement syndical, il était critiqué pour son autoritarisme et sa tendance au formalisme, voire son attitude méprisante envers d’autres membres moins bien formés du comité central.

En qualité de secrétaire fédéral, il supervisa le recrutement des volontaires pour l’Espagne, mais subit des critiques pour son absence de discernement dans les choix opérés. En mai 1937, le Parti communiste belge l’envoya comme représentant auprès des Brigades où il fut attaché à l’inspecteur général, Luigi Longo. C’est à lui que revint l’initiative de la création d’un Bataillon belge au sein de la 14e Brigade, le Bataillon Pierre Brachet, constitué au départ, de son propre aveu, en vidant la prison d’Albacete. En Espagne, il joua un rôle décisif dans l’exclusion du Parti de Henri De Boeck. Mais Marty paraît l’avoir englobé dans son hostilité générale au contingent belge.

Rappelé à Bruxelles en janvier 1938, il reprit sa place à la direction fédérale et, second de la liste, fut élu au Conseil communal de Bruxelles en novembre de la même année. Membre de la direction clandestine de la Fédération liégeoise pendant la drôle de guerre, il accomplit ensuite la campagne des 18 jours.

Il reprit alors place dans le triangle fédéral bruxellois et siégea au Conseil communal jusqu’à sa suppression au début de 1941. Clandestin après le 22 juin 1941, Dispy exerça diverses responsabilités fédérales dans le pays. Sa compagne, Régine Vitrier (de son vrai nom Rywka Zaidenfeld), militante active, avait été arrêtée le 19 février 1942 et disparut en déportation. Après les rafles de juillet 1943, il fut appelé comme secrétaire national d’organisation, en liaison directe avec Berei. Reconstruisant avec ce dernier toute la structure du Parti, il introduisit une forme très administrative du travail qui pesa fortement sur les pratiques d’après-guerre.

En juillet 1944, à moins de deux mois de la libération de Bruxelles, Raymond Dispy succéda en catastrophe au commandant national des Partisans armés, Henri Buch, qui venait d’être arrêté. Cette fonction symbolique lui valut d’être désigné par le Parti comme ministre sans portefeuille dans le gouvernement d’union nationale mis en place le 26 septembre 1944. Dispy eut peine à trouver des vêtements adéquats pour se présenter au Parlement. Il exerça une activité purement formelle auprès du ministre du Ravitaillement. Le 16 novembre 1944, les ministres communistes quittèrent le gouvernement pour protester contre le désarmement de la résistance. Comme symbole de la résistance communiste, Dispy occupa une place centrale dans l’agitation qui entoura ce désarmement. Il porta notamment la co-responsabilité, avec Berei, du détournement de la manifestation de protestation du 25 novembre vers la zone interdite du Parlement. Il reprit ensuite sa place au secrétariat du Parti, en charge de l’organisation. Le congrès de 1946 confirma son élection au comité central ainsi qu’au bureau politique. Député de Bruxelles en février 1946 (3e sur la liste), réélu conseiller communal en octobre 1946, il épousa en avril 1947 une infirmière communiste, Rosine Delaite, qui avait assuré diverses responsabilités dans le Parti et les Partisans armés sous l’Occupation. Ils eurent un enfant en 1948.

Réélu au comité central en 1949 et en 1951, réélu député en 1949, il fut désormais à la tête de la Fédération du Brabant. Mais les mauvais résultats électoraux de 1952 lui furent imputés. Il fut écarté du CC et quitta le cadre permanent en 1953, déchu de son poste de secrétaire politique « pour son opposition à la ligne du Parti, son manquement aux principes de collégialité et son indiscipline ». Il se consacra dès lors à son mandat communal et à la présidence du Front de l’Indépendance. Après avoir perdu en 1958 son siège communal, il le retrouva en 1964 et réintégra le CC. Mais les changements sociologiques intervenus à Bruxelles et dans le PC bruxellois le mirent en porte-à -faux et tendirent à marginaliser ce militant formé dans les périodes de combat des années 1920 et de la crise. Sa base populaire et électorale avait disparu des quartiers qu’il connaissait bien et qui le connaissaient. Il quitta le comité central en 1970 à soixante-sept ans. Aux élections de 1970, il céda la place à plus jeune. Il présida le Front de l’Indépendance jusqu’en 1973 et se retira ensuite à Saint-Antonin-du-Var, toujours membre de son Parti auquel il envoya régulièrement ses cotisations jusqu’à sa mort.

Raymond Dispy incarne ainsi un parcours exemplaire et très représentatif du PCB, auquel ne manque aucune étape symbolique : la crise, l’Union soviétique, l’Espagne, la résistance, l’introuvable après-guerre. Difficultés d’une « carrière » militante également : l’instituteur inaccompli, l’employé syndiqué et fréquemment chômeur pour activité sociale et politique, le « colonel » des Brigades internationales, le clandestin, le commandant de Partisans, le ministre, le secrétaire national puissant dans son petit empire, le député… puis la disgrâce et les encyclopédies que l’on s’efforce de placer de porte en porte pour attendre la maigre pension… sans que jamais ne se soit démentie la fidélité à son engagement initial.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article50938, notice DISPY Raymond. Pseudonyme :Raymond LAMBERT par José Gotovitch, version mise en ligne le 3 octobre 2010, dernière modification le 12 août 2012.

Par José Gotovitch

Raymond Dispy (à gauche) (c) CARCOB
Raymond Dispy (à gauche) (c) CARCOB

SOURCES : RGASPI, 495 10a 153 ; 495 74 67 ; 545 6 259. — Tsentralnoe chranilise sekretnych del, Fonds 5, dossier personnel Dispy, 12-35, 46-62. — CARCOB, Dossier personnel CCP. — Interviews 1964 et 1980. — Le Marollien rénové, n° 69, 31 janvier 1981 — Notice biographique dans J. Gotovitch, Du Rougeau Tricolore, op. cit., p. 510-512.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable