MALBRANQUE Jules, Florent, Joseph

Né le 7 avril 1865 à Amiens (Somme) mort le 11 octobre 1940 au Sénégal ; cheminot à la compagnie du Nord ; syndicaliste ; coopérateur ; socialiste allemaniste ; fondateur et chef du chantier d’Amiens (Somme) de la Chevalerie du Travail française.

Jules Malbranque perdit sa mère à l’âge de sept ans. Après avoir passé avec succès son certificat d’études primaires, il suivit durant quelques années les cours de l’école primaire supérieure, puis il fit son apprentissage de menuisier ébéniste ; à dix-huit ans, il s’engagea et fit la campagne du Tonkin dans le 1er régiment d’infanterie coloniale ; il rentra en France en 1892. Grâce à l’appui d’un gros actionnaire chez qui sa grand-mère était cuisinière, il entra alors à la compagnie du Nord des chemins de fer.

Très organisateur, Malbranque se révéla, sur tous les plans : coopératif, socialiste et syndical, un militant de valeur.

Il participa à plusieurs congrès nationaux et internationaux de la coopération socialiste : au 1er en juillet 1900 ; au IIIe, à Amiens, en novembre 1902 ; au IVe, à Sotteville en août 1903 ; au Ve, à Nantes, en avril 1905.

Candidat tête de liste à une élection municipale complémentaire le 14 décembre 1902, il triompha, avec toute sa liste sauf un, le 21 décembre, et devint ainsi conseiller municipal d’Amiens. Il joua un rôle très actif et intervint avant tout sur les problèmes d’éducation et de culture ouvrières, dans la lutte contre le chômage, sur les problèmes du logement et tout particulièrement sur celui des logements ouvriers. Son action sur ce plan prit fin rapidement avec son échec aux élections municipales des 1er-8 mai 1904.

Mais « c’est en partant du syndicat et autour de lui » que Malbranque entendait construire, souligne M. Dommanget (op. cit., p. 320), « toutes les institutions dont la classe ouvrière a besoin ».

Secrétaire de la Bourse du Travail de 1897 à 1905 - voir Lefebvre* - il la voulut tout d’abord indépendante, c’est-à-dire non subventionnée par la municipalité. Il évolua d’ailleurs et, par nécessité sans doute, se montra par la suite favorable à un soutien financier. Malbranque fut également un actif militant de la Chevalerie du Travail française, sorte de franc-maçonnerie ouvrière, et dirigea son chantier d’Amiens.

Journaliste syndicaliste, il rédigea tous les articles de fond du Réveil syndical entre 1899 et 1905 et reprit souvent les thèmes de l’organisation et de l’unité. En juin 1901, il fut désigné pour faire partie de la délégation ouvrière se rendant au congrès des Trade-Unions. Il fut constamment présent dans la vie syndicale de la région au cours de ces années et c’est lui qui, en septembre 1901, inaugura la coopérative de Moreuil. Il avait représenté la Bourse du Travail d’Amiens et divers syndicats de la Somme dans plusieurs congrès syndicaux nationaux : Ve congrès de la Fédération des Bourses, Tours, 9-12 septembre 1896 ; IXe congrès, Nice, 17-21 septembre 1901 ; Xe congrès, Alger, 15-18 septembre 1902 ; et aussi : XIIe congrès national corporatif, 6e de la CGT, Lyon, septembre 1901 ; XIIIe congrès, Montpellier, septembre 1902.

Militant du Syndicat national des chemins de fer, Malbranque œuvra avec énergie pour le développement de l’organisation syndicale sur le réseau du Nord qui était alors considérablement en retard par rapport à celle des réseaux voisins.

Le 29 novembre 1903, sur son initiative, s’ouvrit à Amiens une conférence préparatoire du 1er congrès régional du réseau du Nord ; celui-ci se tint, également à Amiens, le 1er mars 1904, sous les auspices de la municipalité dont Malbranque était alors un conseiller remarqué. Les efforts du militant aboutirent à la nomination d’une délégation qui, pour la première fois, au nom du Syndicat national, fut reçue par le Comité de direction de la Compagnie du Nord et présenta à celui-ci une liste de revendications précises portant notamment sur l’établissement d’échelles de traitements, la réglementation de l’avancement, le calcul de la pension de retraite (1/50 du traitement ou salaire par année de service), le congé annuel (douze jours par an), la carte de circulation, etc.

Un an plus tard, le militant pouvait déjà constater avec satisfaction que le réseau du Nord qui, auparavant, se trouvait en dernière position, tenait alors le quatrième rang (après le Midi, l’Est et le PLM) avec 3 000 syndiqués sur 45 000 agents. Cet effort ne se ralentit pas puisqu’en 1910 la proportion des syndiqués du réseau atteignait 25 % de l’effectif du personnel.

Cependant l’action militante de Malbranque devait bientôt toucher à son terme. En 1904, il se laissa intégrer dans une délégation organisée par le gouvernement pour une visite à l’Exposition internationale de Saint-Louis et il perdit la confiance mise en lui par les classes populaires. Cleuet lui succéda au secrétariat de la Bourse et Malbranque, dont la vie sentimentale prêtait en outre à critiques, cessa bientôt de jouer un rôle militant. En 1907 il reçut les Palmes académiques ; en 1910, il partait pour l’Afrique.

En 1912, il travaillait au Sénégal au chemin de fer de Thiès. Il revint en France en 1915, puis repartit en Afrique après la guerre. Toujours membre de la CGT et du Parti socialiste, il ne cessa de s’intéresser aux problèmes sociaux. Il était surveillant des travaux publics à Zinguinchor (colonie du Sénégal) lorsqu’il mourut en 1940.

Collaboration : Nombreux articles du Réveil syndical de 1899 à 1905. Citons : n° 10, 1899 : « Vers l’Idéal ». Il insiste sur l’instruction, l’éducation, l’organisation ouvrière ; n° 12, 1900 : « Tous à l’Université populaire ». Compte rendu de l’inauguration de l’université ; son rôle ; n° 13, 1900 : « Instruction et éducation populaires ». Il préconise le mutualisme et prône les coopératives de production ; n° 19, 1900 : « Bilan économique ». Il insiste sur la nécessité du syndicalisme : « Nous ne prêchons pas que la lutte des classes, mais la justice des classes. » ; n° de février 1901 : « Bilan de la propagande dans la Somme ». « Notre émancipation sera notre œuvre, l’action politique ne peut donner de résultats qu’autant que l’action économique est forte et capable d’imposer, par la force, ses volontés ».

Malbranque écrivit aussi dans le Cri du Peuple. Cf. n° 1, de novembre 1902 : « L’Action ouvrière ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article6248, notice MALBRANQUE Jules, Florent, Joseph, version mise en ligne le 30 juin 2008, dernière modification le 1er décembre 2022.

SOURCES : Arch. Nat., F7 Feuilles 62 à 167, passim (1900-1903). — État civil d’Amiens. — Le Réveil syndical, 1899-1905. — Hubert-Rouger, Les Fédérations socialistes II, op. cit., p. 624. — M. Dommanget, La Chevalerie du Travail, op. cit. — La Tribune de la voie ferrée, 20 décembre 1903 et 9 avril 1905. — Encyclopédie du Mouvement syndicaliste, Paris, 1912. — Ferruccio Ricciardi, « L’introvabile contratto di lavoro : appunti su ‘lavoro indigeno’ e inchieste coloniali (Africa occidentale francese, 1900-1940) », in Niccolò Mignemi, Claudio Lorenzini, Luca Mocarelli (dir.), Pluriattività rurale e lavoro agricolo in età contemporanea (secoli XIX-XX), Palerme, New Digital Frontiers/SISLav, 2020, p. 147-167.

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