IMBS Eugène

Par Léon Strauss

Né le 10 août 1878 à Strasbourg (Alsace-Lorraine annexée), mort le 1er novembre 1955 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; charpentier, permanent syndical, directeur d’imprimerie ; syndicaliste des syndicats libres allemands, de la CGT puis de FO, militant social-démocrate puis socialiste et coopérateur de Basse-Alsace, puis du Bas-Rhin, président de la section de Strasbourg du syndicat allemand des charpentiers (1901-1913), secrétaire général des syndicats libres d’Alsace-Lorraine (1907-1918), secrétaire général de l’Union régionale des syndicats CGT d’Alsace et de Lorraine (1919-1921), président de l’UD-CGT du Bas-Rhin (1920-1936), secrétaire de l’Union des syndicats CGT des ouvriers des services publics du Bas-Rhin, puis de l’UD du Bas-Rhin du des services publics, des transports et de la santé CGT (1921 ?-1940), délégué de la 11e région de la Fédération nationale des Services publics CGT, membre du bureau de l’UD-CGT du Bas-Rhin (1936-1939), président de la Société coopérative de consommation de Strasbourg (1947-1955) ; conseiller municipal social-démocrate (1905-1908, 1914-1918) puis socialiste SFIO (1919-1940, 1945-1955) de Strasbourg, adjoint au maire (1925-1929, 1945).

Fils de Guillaume Imbs, charpentier, et de Christine Brudermann, Eugène Imbs passa son enfance dans le quartier populaire strasbourgeois de la Porte blanche. Il aurait commencé des études secondaires au Gymnase épiscopal et servait souvent la messe à la chapelle de la prison Sainte-Marguerite. Après avoir appris le métier de son père et de son grand-père, il partit en 1895 pour son tour d’Europe de compagnon durant cinq années : il travailla ainsi en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Il avait adhéré le 19 mars 1896 au Syndicat libre (c’est-à-dire social–démocrate) des charpentiers, dont il allait présider la section de Strasbourg de 1901 à 1913, et le 19 juin 1896 au Parti social – démocrate d’Allemagne. Après son service militaire dans l’armée allemande, il rentra à Strasbourg en 1900 et commença à apprendre le français avec l’aide de Jacques Peirotes*. À partir de cette date, il se consacra à la politique et au syndicalisme, ce qui lui valut plusieurs licenciements et une condamnation à trois mois de prison en 1903, mais aussi le surnom de Jung Siegfried (Jeune Siegfried) pour son ardeur au combat « contre le dragon du capitalisme ». En 1905, à l’occasion d’une élection complémentaire, il entra au conseil municipal de Strasbourg. Constamment réélu, il allait en rester membre jusqu’à sa mort. En 1907 et 1912, il fut candidat du SPD au Reichstag dans la circonscription de Sélestat, mais fut chaque fois battu par le candidat du Zentrum, le parti catholique. En 1907, il devint secrétaire général des syndicats libres d’Alsace-Lorraine et dirigea désormais d’une main de fer les 25 permanents qui animaient les cartels locaux et les filiales régionales des fédérations d’industrie ou de métier. Le 29 octobre 1911, grâce au désistement des partis bourgeois anticléricaux, libéraux et démocrates, il emporta le siège de Strasbourg-Ouest à la seconde Chambre du Landtag (le nouveau parlement régional). Il y prononça un discours remarqué contre le militarisme, lors du débat sur l’affaire de Saverne qui avait opposé les officiers prussiens à la population locale. Imbs fit une partie de la guerre comme sous-officier dans l’armée allemande, mais put quand même participer à l’activité du parlement régional où, en 1917, il joua un rôle important dans le refus de cette assemblée de voter une déclaration de loyauté au Reich, qu’était venu solliciter de Berlin le secrétaire d’État von Delbrück.

Pendant la période révolutionnaire de novembre 1918, il appartint au « ministère d’affaires » d’Alsace-Lorraine avec le portefeuille de la prévoyance sociale et fut chargé de représenter ce gouvernement de transition auprès du Comité exécutif des ouvriers et des soldats de Strasbourg, dont il faisait partie également. Après l’entrée des troupes françaises le 22 novembre, il devint directeur-gérant de l’Imprimerie populaire qui imprimait la Freie Presse/Presse libre, quotidien socialiste, qui fut racheté en 1919 par la Fédération socialiste SFIO du Bas-Rhin au séquestre des biens allemands. Dès le 25 novembre 1918, Imbs avait annoncé que les organisations syndicales libres continueraient leur activité dans le cadre français. Le 15 décembre, il se rendit à Paris pour y négocier l’adhésion des syndicats alsaciens et mosellans à la Confédération générale du travail, qui fut acceptée lors d’une conférence de l’Union des syndicats d’Alsace et de Lorraine le 5 janvier 1919. Il fit partie de la délégation de la CGT à la Conférence syndicale internationale de Berne (5-9 février 1919). Il fut nommé par le gouvernement membre du Conseil supérieur d’Alsace et de Lorraine (1919-1920).

Leader de la fraction socialiste du conseil municipal auprès du maire Jacques Peirotes, il fut son porte-parole percutant dans les débats budgétaires et devint adjoint au maire chargé de la police du bâtiment de 1925 à 1929. En avril 1920, il donna de Paris, où il négociait avec le ministre du Travail Jourdain, l’ordre d’arrêter la grève générale régionale pour la défense des « droits acquis » des salariés alsaciens et mosellans. Cette décision explique la haine permanente que lui portèrent désormais les partisans alsaciens de Moscou. Lors du deuxième congrès de l’Union des syndicats CGT d’Alsace et de Lorraine à Mulhouse le 11 septembre 1920, la motion demandant le maintien de la Confédération dans l’Internationale réformiste d’Amsterdam, qu’il défendait, n’obtint qu’une courte majorité. Pourtant en prévision de la dissolution de l’Union régionale qui intervint le 1er avril 1921, il fut élu le 8 août 1920 président de la nouvelle Union départementale des syndicats ouvriers du Bas-Rhin. Le 3 mars 1922, il fit décider l’expulsion des minoritaires de la commission administrative de l’UD et paracheva ainsi la scission syndicale. Il garda la présidence de l’UD des syndicats confédérés, bataillant contre l’UD-Unitaires (CGTU) et son chef Joseph Mohn*, tout en exerçant les fonctions mieux rémunérées de secrétaire de l’Union des syndicats des ouvriers des services publics du Bas-Rhin et de délégué de la 11e région de la Fédération nationale des services publics CGT. En ces qualités, il ne cessa de défendre les intérêts des salariés alsaciens lors d’incessantes démarches auprès des services ministériels parisiens et chez le directeur général des services d’Alsace et de Lorraine, Valot à partir de 1925. Il était parvenu à s’exprimer à peu près couramment en français, mais il restait avant tout un orateur populaire en dialecte, servi par une voix au timbre chaud et sonore. Il était également vice-président de la Fédération socialiste du Bas-Rhin et fut candidat sans succès aux élections législatives en 1919, 1924, 1928 (à Haguenau), 1936 (Sélestat) et aux sénatoriales (1920, 1927). Proche de Jacques Peirotes, il s’investit dans la lutte contre les communistes alsaciens de Charles Hueber*. L’Humanité d’Alsace Lorraine le surnommait « der grosse Eugen Eugenius ». Il appartint à la délégation française au congrès de l’Internationale ouvrière socialiste à Vienne en 1932.

Après la réunification syndicale qui fit passer le 12 janvier 1936 l’Union départementale sous le contrôle des ex-unitaires, il ne fut plus que membre du bureau de l’UD dirigée désormais par Joseph Mohn* tout en demeurant secrétaire de l’Union des syndicats du personnel des services publics, des transports et de santé du Bas-Rhin. Membre fondateur de la Société coopérative de consommation de Strasbourg en septembre 1902, il siégea à son conseil d’administration de 1918 à 1939 et de 1945 à 1955 et y exerça les fonctions de vice-président, puis, à partir de 1947, de président après la mort de Charles Riehl*. Il était également administrateur de la Caisse locale des malades et vice-président de la commission technique des assurances sociales, membre du comité de direction du Gaz de Barr. Après l’évacuation de la population de Strasbourg le 2 septembre 1939, il représenta l’administration municipale de Strasbourg auprès des Strasbourgeois repliés à Châteauroux (Indre). Son départ de cette ville, avant l’arrivée de la Wehrmacht, fut critiqué après la Libération. Réfugié à Sète (Hérault), il rédigea en décembre 1941 en allemand des Kritische Betrachtungen zum Weltkrieg 1941 (Réflexions critiques sur la guerre mondiale de 1941) qui furent publiés en brochure après la Libération par la Fédération socialiste du Bas-Rhin. Rentré à Strasbourg en mars 1945, il reprit la direction de l’Imprimerie populaire et devint à nouveau adjoint au maire, chargé en particulier d’administrer la ville allemande de Kehl rattachée provisoirement à Strasbourg. Le 23 mars 1946, il fut élu secrétaire fédéral adjoint : en fait, il assurait la direction du parti dans le Bas-Rhin en l’absence de Marcel-Edmond Naegelen* retenu à Paris par ses fonctions ministérielles, puis à Alger quand il fut nommé gouverneur général de l’Algérie. Il fut 5e sur la liste Naegelen d’Union démocratique de la Résistance aux élections à la première Constituante (octobre1945) et sur la liste socialiste pour la seconde Constituante (juin 1946), 2e sur la liste SFIO aux élections législatives de novembre 1946, candidat aux élections cantonales à Haguenau en octobre 1951, chaque fois sans succès. Il représenta une dernière fois son parti lors de l’élection cantonale complémentaire de Brumath le 19 juin 1955. Il n’avait pas abandonné ses convictions anticommunistes et fut l’un des fondateurs de la CGT-FO dans le Bas-Rhin en 1947-1948. Chevalier de la Légion d’honneur en 1937, il fut promu officier en 1952 à l’occasion du cinquantenaire de la « Coop » dont il resta président jusqu’à sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75518, notice IMBS Eugène par Léon Strauss, version mise en ligne le 21 décembre 2009, dernière modification le 15 août 2022.

Par Léon Strauss

SOURCES : Notices Imbs Eugène, Encyclopédie de l’Alsace, t. 7, p. 4231-4232 (Léon Strauss). — DBMOF, 32, p. 66-67 (J. Gaumont). — Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, fascicule n° 18, Strasbourg, 1991, p. 1737-1738 (Léon Strauss) où l’on trouve une bibliographie plus développée. — Notes de Jacques Ernewein.

Version imprimable