GUY Charles

Par Joël Drogland

Né le 14 avril 1915 à Montauban (Tarn-et-Garonne), mort le 11 août 2001 à Périgueux (Dordogne) ; ouvrier peintre en bâtiment puis entrepreneur ; militant communiste de Dordogne ; résistant FTP dans l’Yonne, chef départemental des FTP (1944), chef départemental des FFI (1945).

Fil d’un employé de la Compagnie des chemins de fer d’Orléans et d’une ménagère, militant du mouvement Amsterdam-Pleyel, Charles Guy quitta Périgueux pour Auxerre (Yonne) fin 1940. Il affirma, dans une autobiographie très largement romancée publiée en 1994, être entré en contact par hasard, dans un café, avec quelques militants communistes auxerrois qui lui firent connaître Jules Brugot. Il trouva un emploi de peintre décorateur dans une petite entreprise auxerroise et intégra l’organisation communiste. Il s’installa à son compte en avril 1941 et se maria à Auxerre le même mois.

Après l’arrestation du groupe Brugot en août 1941, il semble ne plus avoir eu aucune activité résistante. Au printemps 1943, il prit contact avec Gaston Monteille, un ami qu’il avait connu alors qu’il faisait son service militaire à Chalon-sur-Saône, en 1938. Gaston Monteille était alors responsable du Front national dans cette ville. Il mit « Yvon » en relation avec un interrégional du Parti communiste.

À cette époque, « Yvon » était devenu le patron d’une prospère entreprise de peinture et de travaux publics qui employait une vingtaine d’ouvriers à Auxerre et au moins autant au Creusot. Il avait acheté une grosse propriété à Jonches, près d’Auxerre. Charles Guy obtint d’importantes commandes de la Wehrmacht à Auxerre, et aussi des usines Schneider du Creusot, et entretint des relations apparemment cordiales avec les autorités allemandes d’Auxerre.

Les affaires de l’entreprise Guy étaient-elles un paravent pour son activité de résistance ? Les services rendus à la Résistance n’étaient-ils qu’un moyen de couvrir un affairisme au seul service de l’ambition sociale ? On ne peut faire l’économie de ces questions qui furent au centre de « l’affaire Yvon », de 1949 à 1952, et qui n’ont jamais reçu de réponse définitive. Il est avéré que Charles Guy versait des fonds au PCF et qu’il était en relation avec Jean Jérôme, responsable du financement du parti. Il fournissait aussi de l’encre et du papier. Il fit de son domicile une planque pour Gaston Monteille qui devint responsable du PCF de l’Yonne de novembre 1943 au 1er juin 1944. Il utilisa ses autorisations de circuler et les véhicules de son entreprise pour faire partir des réfractaires. Il affirma dans son autobiographie avoir fait également du transport d’armes, mais il semble bien qu’il n’exerça dans la Résistance icaunaise aucune des hautes responsabilités qu’il assura avoir été les siennes.

Le 7 août 1944, Lucien Prost, devenu responsable du PCF dans l’Yonne, présenta « Yvon » au Comité militaire régional (CMR) des FTP. Chargé d’assurer une liaison permanente entre le PCF et les FTP, il devint le vrai dirigeant des FTP. Il apparut alors comme l’homme de confiance du parti, chargé d’une importante fonction politique et stratégique. Respectueux des décisions du PCF, Robert Loffroy* le soutint mais observa qu’il « sembl[ait] ignorer les mesures de sécurité les plus élémentaires » et qu’il déployait « une activité fébrile, passant en coup de vent dans sa voiture de sport ».

Le 16 août 1944, c’est « Yvon » qui apporta au CMR les directives pour la Libération.

À la Libération, le lieutenant-colonel Guy était une personnalité. Commandant départemental des FTP, adjoint du colonel « Chevrier », chef départemental FFI, il le remplaça quand « Chevrier » partit pour les Vosges avec le 1er régiment du Morvan. Le 10 octobre 1945, il était le premier des résistants de l’Yonne à être promu chevalier de la Légion d’honneur. À cette époque, Charles Guy était l’un des plus prestigieux anciens résistants. Il présida plusieurs associations, dont la Fédération des officiers de réserve républicains, l’association des anciens FFI-FTPF et un Comité d’entente de la Résistance. En mai 1948, il s’efforça de regrouper tous les anciens combattants au sein du mouvement communiste des Combattants de la paix et de la liberté.

Mais des rumeurs coururent sur l’origine de sa fortune et certains s’étonnèrent qu’un tel homme ait été le chef des FTP. Il comparut le 28 mai 1946 devant le Comité interprofessionnel d’épuration dans les entreprises industrielles et commerciales de la région Bourgogne. Il fut lavé de tout soupçon : « Il est prouvé qu’il a été désigné par un groupement de Résistance, que son entreprise était non seulement un groupe de sabotage, mais un moyen de financer le maquis […]. Il a retenu en France de nombreux ouvriers convoqués pour le travail en Allemagne, a hébergé à son domicile de nombreux patriotes. »

En 1949 éclata « l’affaire Yvon ». Comme dans la crise qui secouait la fédération communiste de l’Yonne à la même époque, le politique côtoyait les affaires privées. En septembre 1949, Charles Guy et son épouse furent exclus du PCF : le parti lâcha-t-il un individu devenu compromettant ou sanctionnait-il un militant entré en désaccord avec sa ligne ? En avril 1950, il fut exclu de l’association des anciens FFI-FTPF. Affirmant être une victime politique du PCF, il obtint le soutien de René Aubin, ancien résistant de Libération-Nord, alors militant du RPF, et retrouva avec son appui la présidence du Comité d’entente de la Résistance en mai 1952. Aubin accepta cependant qu’une commission d’enquête de cinq membres fût nommée et chargée de faire toute la lumière sur l’activité de Charles Guy sous l’Occupation. Composé de R. Loffroy, A. Cornillon, R. Aubin, P. Vauthier et de H. Pannequin qui le présidait, ce jury d’honneur tint cinq séances et rendit des conclusions qui furent assez accablantes pour que Charles Guy soit sommé de démissionner.

Il s’était marié le 6 juillet 1941 à Auxerre. Divorcé en novembre 1973, il se remaria le 4 octobre 1980 à Aignan (Gers).

Il quitta alors le département de l’Yonne et regagna Périgueux, où il mourut en août 2001.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75524, notice GUY Charles par Joël Drogland, version mise en ligne le 21 décembre 2009, dernière modification le 2 septembre 2020.

Par Joël Drogland

SOURCES : Arch. Nat., 72 AJ 208.— Arch. Dép. Yonne, 1 W 319, 1130 W 1-46.— Guy Charles, Et la route fut longue du Périgord à la Et la route fut longue du Périgord à la Bourgogne, Périgueux, 1994.— Témoignages de Charles Guy et Robert Loffoy. — État civil. — Robert Loffroy, Souvenirs de guerre (1939-1945), tapuscrit, 2014, p. 154-155 (Loffroy fait un portrait sévère de Guy).

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