O’CONNOR Feargus Edward

Né le 18 juillet 1796 (?) à Connerviile, comté de Cork, Irlande ; mort le 30 août 1855 à Londres ; dirigeant chartiste.

Feargus O’Connor était le fils de Roger O’Connor, un Irlandais nationaliste et libre penseur, et de sa seconde femme, Wilhelmina Bowen, originaire de Cork. C’est en Angleterre, où son père, interdit de séjour en Irlande après une condamnation à la prison, était venu s’installer vers 1800, que l’enfant commence sa scolarité ; mais en 1803, son père est autorisé à rentrer en Irlande et le jeune garçon va d’abord en classe à Tip-perary, puis à Dublin, enfin, pendant huit ans, à Portarlington, dans le comté d’Offaly.

II s’initie au radicalisme anglais en lisant l’hebdomadaire de Cobbett*, le Political Register, l’Examiner de Hunt, ainsi que les comptes rendus des débats parlementaires. Petit propriétaire terrien, il s’intéresse aux conditions de vie de ses paysans, mais à partir de 1819, il part étudier le droit à l’Université de Dublin. Ses études traînent en longueur et ce n’est qu’en 1830 qu’O’Connor est admis au barreau ; il ne plaide pas longtemps et se consacre bien vite à la politique ; en 1832, il est élu député au Parlement. Dix ans plus tôt, O’Connor avait publié une brochure intitulée « L’État de l’Irlande » où il dénonçait les propriétaires fonciers, le clergé et autres détenteurs du pouvoir, mais ce n’est qu’à partir de son arrivée à Westminster qu’il entre vraiment dans l’arène politique. Partisan du Home Rule pour l’Irlande (ce sera une de ses idées constantes), soucieux d’améliorer la condition des classes laborieuses, il vote régulièrement avec les radicaux, soutient la proposition de Thomas Attwood* d’une enquête sur la misère des ouvriers, dénonce la nouvelle Loi des pauvres. Réélu lors des élections de 1835, il est invalidé parce qu’il ne remplit pas les conditions de cens prévues par la loi. Il cherche à revenir au Parlement la même année en profitant de l’élection partielle provoquée par la mort de Cob-bett, mais sans succès. Du coup, il se lance dans des campagnes d’agitation politique, notamment dans le Nord de l’Angleterre, où il expose un programme de réformes en cinq points destiné à garantir aux classes populaires la plénitude de leurs droits politiques. Ces cinq points, ce sont le suffrage universel (masculin), le renouvellement annuel du Parlement, le scrutin secret, l’égalité des circonscriptions et la suppression du cens d’éligibilité (on remarquera qu’il y a là cinq des six points de la « Charte du Peuple », celle-ci ajoutant seulement comme sixième revendication le versement d’une indemnité parlementaire). Dès les débuts du chartisme, l’emprise d’O’Connor sur le mouvement s’avère prépondérante. Bien décidé à conduire la classe ouvrière à la victoire, il se dépense sans compter : création en septembre 1835 de l’Association radicale de Maryle-bone (Londres), campagnes dans le Yorkshire et le Lancashire, fondation de groupes radicaux en province. Conscient du pouvoir de la presse, il n’a de cesse qu’il n’ait lancé un journal — dont il serait propriétaire — pour en faire l’organe du chartisme, et le 18 novembre 1837, il publie le premier numéro du Northern Star, dont l’audience va être énorme. Le tirage s’élève très vite (jusqu’à plus de cinquante mille exemplaires) et le Northern Star apparaît comme le porte-parole des ouvriers chartistes dans tout le Nord de l’Angleterre, où O’Connor s’est imposé comme leur chef.

Mais la Convention chartiste de 1839 aboutit à un fiasco, de même que la première Pétition nationale, et le gouvernement fait arrêter plusieurs des leaders, dont O’Connor, qui est condamné à dix-huit mois d’incarcération au château d’York. De sa prison, il envoie des articles au Northern Star et à sa libération, il devient le leader incontesté du chartisme et il va le rester de 1842 à 1848, c’est-à-dire au cours de la deuxième et de la troisième phase du mouvement. Après la vive agitation de l’année 1842, marquée par une seconde pétition adressée au Parlement, mais qui se termine par un échec, O’Connor se lance dans une nouvelle aventure à laquelle il consacre tous ses efforts : un projet de colonies agricoles, grâce à l’achat de terres par les ouvriers. En 1845, le plan aboutit à la création de la Coopérative agraire chartiste dont O’Connor assume la direction. Les souscripteurs devaient recevoir de petits lopins de terre sur lesquels ils vivraient du produit de leur travail. L’idée, exposée dès 1843 dans une brochure d’O’Connor : « Comment gérer de petites fermes », recueille la faveur de nombreux chartistes, au point que le produit de la souscription atteint cent mille livres sterling, mais la National Land Company — nom de l’association — n’a qu’une base juridique fragile et sa légalité se voit contestée lors d’une enquête conduite en 1848 à la demande de la Chambre des Communes. Pendant ce temps, O’Connor et Ernest Jones*, un nouveau leader chartiste, publient « Le Travailleur » (Labourer) qui paraît du début de 1847 jusqu’en décembre 1848.

Aux élections législatives de 1847, O’Connor est élu député de Nottingham et il retourne au Parlement tandis que le chartisme connaît un regain d’activité. L’idée d’une troisième pétition chartiste est dans l’air, et les révolutions qui éclatent en Europe font l’effet d’une traînée de poudre. Le 10 avril 1848, c’est l’épreuve de force à Londres entre les chartistes et le gouvernement : la manifestation monstre dont O’Connor a pris la tête tourne au fiasco et le gouvernement sort vainqueur de la confrontation grâce à un déploiement de torces sans précédent, un quelques mois, toutes les résistances sont brisées, les chefs arrêtés et certains déportés en Australie ; la classe dirigeante a fait la preuve de son pouvoir face aux tentatives révolutionnaires.

Après l’échec de la manifestation du 10 avril 1848, on peut dire que la carrière politique d’O’Connor est finie. Depuis une dizaine d’années, il était apparu comme le leader charismatique du grand mouvement de masse qu’a été le chartisme, quelles que soient les critiques qu’aient pu faire plus tard de son action les historiens conservateurs ou libéraux. Malheureusement l’excentricité de son caractère, déjà apparente en plusieurs circonstances, prend des proportions inquiétantes et en 1852 O’Connor sombre dans la folie au point d’être interné pendant deux ans dans une maison d’aliénés. Il finira ses jours chez sa sœur. Feargus O’Connor était resté célibataire, mais ses biographes lui attribuent plusieurs enfants illégitimes.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article75753, notice O'CONNOR Feargus Edward, version mise en ligne le 7 janvier 2010, dernière modification le 7 janvier 2010.

ŒUVRE : A State of Ireland, shewing the Rise and Progress of Present Disaffection (Situation de l’Irlande), Cork, 1820 ?. — The Remedy for National Poverty and Impending National Ruin : of the Only Safe Way of Repealing the Corn Laws (Remède à la misère du pays et à sa ruine imminente), 1841. — A Practical Work on the Management of Small Farms (Comment gérer de petites fermes), 2e éd. Manchester, 1845.

BIBLIOGRAPHIE : E. Dolléans, Le Chartisme 1831-1848, Paris, 2e édition 1949. — D. Read et E. Glasgow, Feargus O’Connor : Irishman and Chartist, Londres, 1961. — G.D.H. Cole, Chartist Portraits, Londres, 2e édition 1965. — D. Jones, Chartism and the Chartists, Londres, 1965. — A.M. Hadfield, The Chartist Land Company, Newton Abbot, 1970. „— D. Thompson, The Early Chartists, Londres, 1971. — D.J. Goodway, London Chartism, Cambridge, 1982. — J.A. Epstein, The Lion of Freedom : Feargus O’Connor and the Chartist Movement, 1832-1842, Londres, 1982. — J. Droz (éd.), Histoire générale du socialisme, t. I  : des origines à 1875.

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