MAYEUX Édouard, Aimé

Par Yves Lequin, Justinien Raymond

Né à La Palisse (Allier), le 1er avril 1866 ; ouvrier tisseur et cafetier ; militant socialiste et syndicaliste de la Loire.

Tout jeune, Mayeux vint à Roanne travailler, comme son père et sa mère, dans le tissage de coton ; la ville où Guesde et Lafargue avaient tenu en 1882 le congrès constitutif du POF était déjà un centre actif du guesdisme, qui y disposait d’une organisation exceptionnelle dans la Loire. Mayeux, en 1890, militait au groupe « l’Égalité », et il était, depuis un an, à la tête de la fédération des chambres syndicales et groupes corporatifs de Roanne, affiliée à la Fédération nationale des syndicats. À la fin de l’année et en 1891, il prit une part active à diverses grèves du tissage et organisa la solidarité. Mais c’est son rôle à la Bourse qui en fit, à compter de 1892, la figure dominante du mouvement ouvrier roannais. On trouve à ses côtés à la direction de la Bourse : en 1893-1894 Chamfray, secrétaire adjoint ; Bresmann, trésorier ; Chantelot, trésorier adjoint bientôt remplacés par Lacroix et Muguet.
La Bourse fut fondée, sur l’initiative de Mayeux, au début de 1892 et inaugurée le 17 avril par le maire radical Auboyer ; en pratique, elle se confondait avec la fédération des syndicats, et Mayeux devint son secrétaire général ; congédié par son patron pour son action et mis à l’index, il devint permanent et la municipalité lui alloua une indemnité de 2 500 f par an : il put dès lors consacrer tout son temps à la propagande et à l’action. Pendant quatre ans, Mayeux fut de toutes les luttes, au premier rang, tout en contribuant à multiplier les nouvelles organisations syndicales à Roanne et dans la région. À la fin de sa première année d’existence, la Bourse réunissait treize groupements autour du syndicat des tisseurs, pilier de l’ensemble ; en 1893, elle comptait plus de mille adhérents. En novembre 1892 cependant, la municipalité avait supprimé sa subvention après avoir vainement sommé la Bourse de se débarrasser du guesdiste Mayeux ; le conseiller rapporteur avait jugé que « l’argent des contribuables ne pouvait plus longtemps être mis à la disposition d’agitateurs révolutionnaires partageant les principes internationalistes du sieur Liebknecht » (Arch. Dép. Loire, 93 M 6). Mayeux vécut quelque temps de collectes, puis, à partir de novembre 1893, ouvrit, place Victor-Hugo, un café qui devint le lieu de réunion des groupes socialistes révolutionnaires. En septembre 1892, il avait été délégué, à Marseille, au Xe congrès du POF et au Ve congrès de la Fédération nationale des syndicats ; en février 1893, il alla au IIe congrès des Bourses du Travail, à Toulouse, et, en juillet, au congrès de Paris. En 1892, il avait mis sur pied et mené la manifestation du 1er Mai.
C’est la grande grève du tissage, de décembre 1894 à février 1895, qui fit de Mayeux, au moment même du départ de Fouilland pour Montluçon, l’âme du mouvement ouvrier roannais. Dès son retour de Paris, en juillet 1893, il avait organisé un référendum sur la grève générale ; les résultats avaient été décevants : 1 126 travailleurs seulement s’étaient prononcés en sa faveur, sur une dizaine de milliers, malgré une distribution de 20 000 tracts. En janvier 1894, Mayeux devint secrétaire de l’union des tisseurs de Roanne ; après avoir participé au IIIe congrès national des Bourses à Lyon, en juin, il entreprit un effort de recrutement et d’agitation sur un programme d’augmentation et d’unification des prix de façons ; en décembre, après l’échec des négociations avec le patronat, la grève générale éclata dans la « cotonne ». La lutte dura soixante-six jours, atteignit vingt et une usines et cinq mille six cents tisseurs ; les ténors du POF et du socialisme français, Farjat, Guesde, Zévaès, Vaillant, Sembat et Jaurès entre autres, apportèrent leur appui ; des heurts violents se produisirent devant les manufactures et, le 15 janvier 1895, le député Carnaud fut appréhendé au cours d’une de ces manifestations. Le travail reprit sur un demi-succès, mais quatre cent soixante-cinq militants furent renvoyés par les patrons. Jamais les tensions sociales n’avaient atteint à Roanne un tel paroxysme, et Mayeux était alors à la tête d’un syndicat gonflé à plus de deux mille adhérents. Mais, le 30 mai 1895, la nouvelle municipalité modérée ferma la Bourse qu’elle considérait comme un foyer d’agitation révolutionnaire ; elle ne fut rouverte qu’en mai 1896, par le maire socialiste Augé, dont Mayeux avait d’ailleurs été le colistier. Mais, très vite, de graves divergences éclatèrent entre les deux hommes.
Mayeux en effet s’était toujours placé à l’aile gauche d’un Parti ouvrier roannais très composite et, surtout après la victoire aux municipales de 1896, très tenté par l’opportunisme. En 1891, il avait organisé un banquet antipatriotique et, en 1892, manifesté un intérêt, peu coutumier aux guesdistes, pour les éléments anarchistes locaux ; ensuite, il fut en liaison avec divers militants antimilitaristes et, surtout, il était devenu le président de Jeunesses socialistes auxquelles ses contacts avaient contribué à intégrer les débris des groupes libertaires réduits au silence par la loi de sûreté de 1894. À la fin de 1895, Mayeux entra en conflit avec Augé ; et, son ami Juillet, dit Germinal, ayant été écarté de la rédaction, il démissionna du conseil d’administration de l’Avant-Garde, l’organe guesdiste de la région. Au conflit de tendances se superposait d’ailleurs une querelle de clientèles. Surtout, après la fermeture de la Bourse en 1895, les syndicats roannais avaient lancé une souscription pour la construction d’une Maison du Peuple : Mayeux avait été l’un des collecteurs de fonds et, de ce fait, avait eu droit à une ristourne qui souleva des protestations et, de surcroît, avait acheté à son nom le terrain où devait être bâti l’édifice ; sa bonne foi n’était pas en cause, mais l’affaire cristallisa les oppositions. Mayeux fut violemment pris à partie et, en octobre 1896, après une campagne passionnée de dénigrement, exclu du Parti ouvrier.
Après son expulsion, Mayeux resta président des Jeunesses socialistes ; pendant toute l’année 1897, il y soutint l’action de Buffin qui tentait de regrouper, dans toute la région, les jeunes militants révolutionnaires, en liaison avec Bonnard et les milieux blanquistes lyonnais. Il semble avoir été réintégré par la suite (quand ?) au Parti ouvrier : toujours très actif, il était signalé au début de 1898 comme une de ses plus éminentes figures ; son influence chez les tisseurs était toujours très grande et il fut désigné pour les représenter, en même temps que l’agglomération roannaise du POF, aux côtés d’Auguste Burnichon, au congrès constitutif d’une fédération socialiste de la Loire, en mars 1898 ; il en fut nommé secrétaire général. Mais, en juin, Mayeux, qui avait resserré ses liens avec le Comité central révolutionnaire de Lyon, fut accusé d’avoir maquillé des bulletins de vote ; en août, c’est lui qui fit scission en créant, avec Buffin, un groupe d’études sociales révolutionnaires qui s’attaqua aussitôt avec violence à Augé et à ses amis.
Les organisations guesdistes roannaises quittèrent alors, en octobre, la fédération de la Loire, où Mayeux conserva ses responsabilités grâce aux Stéphanois fidèles à leur vieille hostilité à l’égard du guesdisme ; il fit partie de la commission chargée de la réorganiser après cette amputation et, en décembre 1898, le congrès de Balbigny lui renouvela sa confiance par 180 voix contre 5 et 7 abstentions. Mais ce premier essai de réunion des forces socialistes du département fut éphémère et, en mai 1899, Mayeux partit s’installer à Paris ; en septembre, il y représenta son groupe roannais au congrès international ouvrier et à celui de la salle Wagram.
L’action de Mayeux, militant guesdiste, avait toujours mêlé la lutte politique, l’organisation syndicale et le combat revendicatif d’une manière si étroite qu’il est souvent impossible de les démêler ; resté en contact étroit avec la classe ouvrière, il fut, après le départ de Fouilland, la conscience révolutionnaire d’un Parti ouvrier roannais perpétuellement tenté par le réformisme à cause même de ses succès et qui, après lui, tomba dans l’opportunisme.
Voir Mouiller Pierre.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article83260, notice MAYEUX Édouard, Aimé par Yves Lequin, Justinien Raymond, version mise en ligne le 30 mars 2010, dernière modification le 30 mars 2010.

Par Yves Lequin, Justinien Raymond

ŒUVRE : Collaboration à l’Avant-Garde de Roanne jusqu’en 1895, puis à Germinal.

SOURCES et BIBLIOGRAPHIE : Arch. Nat., F7/12 490, F7/12 493 et 12 494, F 12/4 673. — Arch. Dép. Loire, 10 M 89, 10 M 98, 10 M 100, 10 M 107, 10 M 110, 10 M 112, 10 M 118 et 119, 19 M 12, 92 M 65 et 66, 93 M 1 à 6, 93 M 63 à 64. — Claude Willard, Les Guesdistes, op. cit., p. 634.

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