GOUNOT Emmanuel, Henri

Par André Caudron

Né le 18 juin 1885 à Connaux (Gard), mort le 14 mai 1960 à Lyon (Rhône, IIe arr.) ; juriste, doyen de la faculté catholique de droit (1944), professeur aux Semaines sociales de France, bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Lyon (1953) ; président de la Ligue des familles nombreuses (1940) et de l’UDAF du Rhône (1945).

Fils d’un voyageur de commerce, Emmanuel Gounot fut orphelin de père à l’âge de trois ans. Établi avec sa mère dans la région de Lyon, il fréquenta le petit séminaire de Verrières (Loire) et le collège des Chartreux de Lyon puis entra aux facultés catholiques de cette ville. Ayant acquis la licence de philosophie, il obtint en 1912 le doctorat en droit de l’université de Dijon (Côte-d’Or) avec une thèse sur l’autonomie de la volonté. Celle-ci, accueillie comme l’une des meilleures en philosophie du droit, fit apparaître les préoccupations sociales de l’auteur, résolu à refuser la souveraineté de la volonté individuelle en tant que source du droit. Dans sa seconde thèse, cette fois en sciences politiques, en 1913, il défendit la possibilité de déléguer le pouvoir législatif aux professionnels en autorisant le référendum patronal. Ces thèses offraient des tentatives de solution aux problèmes posés par la question sociale. L’une portait sur l’asservissement des personnes par les interprétations individualistes du droit, l’autre sur les mécanismes de réforme de la société.

Emmanuel Gounot, avocat au barreau de Lyon, se spécialisa en droit commercial. Il allait devenir membre du conseil de l’ordre en 1927 et bâtonnier en 1953. Il se fit surtout connaître par son militantisme familial et son enseignement aux Semaines sociales de France, « université itinérante du catholicisme social », qui partit de Lyon au début du XXe siècle. Ami et collaborateur de Marius Gonin, il participait activement à La Chronique sociale de France, à la Fédération des groupes d’études du Sud-Est et aux congrès de la natalité. Ses idées se précisèrent tout au long de ses écrits, de ses cours et de ses exposés, notamment une douzaine de conférences prononcées aux Semaines sociales entre 1922 et 1957. Considérant les questions familiales et démographiques comme caractéristiques du catholicisme social, il donnait à la famille une valeur primordiale pour le développement de la personne humaine.

Maître de conférence à la faculté catholique de Lyon depuis 1913, le jeune juriste subit une interruption de carrière du fait de sa mobilisation. Pendant la Première Guerre mondiale, sa bravoure lui valut la Croix de guerre et la Légion d’honneur. Après les hostilités, il fut nommé professeur suppléant (1919) puis professeur titulaire de droit commercial (1921), chargé en outre du cours d’introduction à l’étude du droit. En 1923, à la Semaine sociale de Grenoble (Isère), il souhaita la création d’un ministère de la Population : « Dire qu’un problème est avant tout d’ordre moral, déclarait-il, ce n’est nullement établir qu’il cesse par là d’être un problème politique. » En 1937, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), sa doctrine personnaliste s’affirma nettement : « Puisque la personne humaine est transcendante par rapport à toutes les communautés où elle s’insère ici-bas, elle ne saurait s’absorber dans la famille. La famille ne peut être pour elle qu’un moyen, non une fin. Par là même se trouve écartée toute conception totalitaire de la famille. » Dès lors, il faut agir « autant que possible, par la famille dans la famille, mais pour la personne, c’est-à-dire au-delà de la famille ».

Emmanuel Gounot, devenu vice-président de la puissante Ligue des familles nombreuses du Rhône, exerça l’intérim de la présidence à partir de 1937, son prédécesseur, Louis Charvet, étant malade, et il lui succéda en 1940. Mobilisé dans un poste du 2e bureau de la région lyonnaise au début de la Seconde Guerre mondiale, il joua ensuite un rôle éminent dans les mouvements familiaux dont les dirigeants s’étaient repliés à Lyon, en particulier Georges Pernot* avec lequel il projetait la fusion des différentes associations.

Conseiller municipal de Lyon comme représentant des familles et membre du Conseil supérieur de la famille en 1941, il élabora le projet qui devint la loi du 29 décembre 1942, dite « loi Gounot ». Celle-ci allait déboucher sur la fondation de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) et des Unions départementales des associations familiales (UDAF). La représentation spécifique des intérêts familiaux auprès des pouvoirs publics était nécessaire pour Gounot, mais il était persuadé que la famille, antérieure et supérieure à l’État, puisait sa source et sa force dans les familles elles-mêmes et non dans l’État. Il entendait organiser cette représentation autour de groupements privés de pères et mères de famille, avec une association familiale par commune, un regroupement départemental et un regroupement national. Ces idées mises en œuvre par l’État français dans un cadre corporatiste inspirèrent aussi les décisions prises à la Libération : l’ordonnance du 3 mars 1945 créa l’UNAF et les UDAF dans chaque département.

Président fondateur de l’Association régionale lyonnaise pour la sauvegarde de l’enfance en 1943, Emmanuel Gounot le fut aussi de l’Union départementale des associations familiales en 1945 (UDAF69). L’ancienne Ligue des familles nombreuses devint alors une Fédération des familles du Rhône, regroupant un nombre imposant d’associations locales. Sa dernière intervention publique eut lieu en 1957 à Bordeaux (Gironde), au cours d’une Semaine sociale qu’il avait organisée autour du thème de la famille. Dès octobre 1958, la maladie lui interdit tout déplacement important avant de l’immobiliser de longs mois. Vice-doyen de la faculté à partir de 1940, doyen depuis juillet 1944, il avait été contraint à l’honorariat par son état de santé en 1955. Il avait aussi enseigné le droit commercial à l’École supérieure de commerce de Lyon.

À sa mort, administrateur de l’UNAF sur le plan national, il était aussi président d’honneur de l’UDAF, de la Fédération des familles du Rhône et de la Fédération des familles de France. Lauréat de l’Académie française, membre de l’Académie de Lyon, grand-croix de Saint-Grégoire-le-Grand, il avait reçu la rosette d’officier de la Légion d’honneur en 1950. Il eut onze enfants de son mariage, le 22 mai 1916, avec Anna Pey. Une allée de Lyon porte son nom. Son frère aîné, Albert Gounot, lazariste, fut longtemps archevêque de Carthage et Tunis.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article88262, notice GOUNOT Emmanuel, Henri par André Caudron, version mise en ligne le 16 juin 2010, dernière modification le 5 octobre 2020.

Par André Caudron

ŒUVRE : Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé, étude critique de l’individualisme juridique, thèse, Dijon, 1912. – Les réformes professionnelles par le référendum patronal, thèse, 1913. – Renouveau de la famille et de l’action familiale, rapport présenté au congrès de la Fédération des Familles de France, Besançon, 1949. – Articles dans les revues Pour la vie, Réalités familiales.

SOURCES : Who’s who in France, 1957-1958. — Bulletin des Facultés catholiques de Lyon, janvier-juin 1960. — Catholicisme, V, Letouzey et Ané, 1962 (André Latreille). — Dictionnaire de biographie française, XVI, Letouzey et Ané, 1984 (Denise Reuillard). — Xavier de Montclos (dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, 6. Lyon-Le Lyonnais, le Beaujolais, Beauchesne, 1994. — Jean-Baptiste Soufron, Emmanuel Gounod. Du catholicisme social au personnalisme juridique, Université de Lille 2, s.d. — L’action familiale ouvrière et la politique de Vichy, Cahiers du GRMF, n° 3, Villeneuve-d’Ascq, 1985.

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