Par Jacques Girault
Né le 3 novembre 1874 à Nevers (Nièvre), mort le 6 février 1955 à Crosnes (Seine-et-Oise/Essonne) ; professeur ; militant socialiste dans l’Oise puis à Paris ; membre actif de la droite après la Première Guerre mondiale.
Fils d’un épicier-droguiste en gros, Hubert Bourgin, après ses études secondaires au lycée de Nevers, suivit ses parents à Paris où, son père ruiné lors de la crise économique des années 1880, devint courtier. Élève du lycée Janson-de-Sailly, bachelier ès-lettres en 1892, il entra en classe de Première supérieure. Il effectua son service militaire dans l’infanterie en 1894-1895 et entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1895 après avoir obtenu la licence ès-lettres en 1894 à la Sorbonne. Il publia en 1896 chez Armand Colin, avec quatre autres normaliens, le premier livre des Tragiques d’Agrippa d’Aubigné. Pendant sa scolarité, il suivit les cours de la Faculté de Droit et en fut licencié en 1898, tout en étant reçu premier à l’agrégation de Lettres la même année. Nommé professeur au lycée de Beauvais (Oise) en 1899, il obtint sa mutation pour le lycée Voltaire à Paris à partir de 1907, puis enseigna au lycée Louis le Grand de 1911 à sa retraite en 1937. Les rapports successifs sur son enseignement étaient en général élogieux, soulignant au début de sa carrière que son activité multiple pouvait nuire à la qualité de professeur. Arrivé à Paris, cette réserve s’amenuisa. Les évolutions de ses idées politiques furent parfois signalées.
A l’ENS, influencé par Lucien Herr, il multiplia les investigations sur les questions économiques et sociales. Il rencontra François Simiand qui le présenta à Émile Durkheim qui fut membre de son jury de thèse. Il étudia aussi les conceptions socialistes à partir de Gracchus Babeuf et commença des recherches pour sa future thèse sur le fouriérisme. Il s’engagea aussi dans les luttes favorables au capitaine Dreyfus et signa une pétition publiée dans Le Siècle et L’Aurore, le 14 juillet 1898 demandant une révision du procès de 1894. Il fut par la suite de toutes les actions du camp dreyfusard. Il participa à la création et au conseil d’administration de la Société nouvelle de librairie et d’édition en 1899.
Hubert Bourgin publia des ouvrages sur les premiers socialistes (Proudhon en 1899, Fourier, Considerant en 1909) consacrés plus aux textes qu’aux individus. Il soutint une thèse de doctorat ès lettres, commencée à l’ENS, le Fouriérisme publiée en 1905 sous le titre Fourier. Contribution à l’étude du socialisme français, et une thèse en droit en 1906 sur la boucherie dans l’Oise au XIXe siècle. Il composa des articles sociaux et économiques dans La Grande Encyclopédie, dans la Revue d’histoire moderne et contemporaine, dans l’Année sociologique à partir de 1901. Il prononça une leçon à l’École des Hautes études sociales sur l’enseignement du français. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, son œuvre s’enrichit, parfois avec la collaboration de son jeune frère [Georges Bourgin→17590].
Hubert Bourgin se maria en juin 1901 avec une professeur au collège devenu lycée Jeanne Hachette de Beauvais. Son épouse, née Marguerite Darcy, le 21 mars 1876 à Neuvy-les-Moulins (Allier), ancienne élève de l’école de Sèvres, agrégée de sciences physiques et naturelles depuis 1898, fut nommée professeur au lycée Fénelon en 1907. Elle participa à une collection de manuels de physique pour l’enseignement secondaire féminin chez Delagrave. Auteur, chez le même éditeur, d’ouvrages pour la jeunesse, elle aida son mari dans la traduction de textes de socialistes anglais. Le couple adopta les deux frères Viennot, neveux de son épouse qui mourut en septembre 1924. Il se remaria en septembre 1932 à la mairie du Ve arrondissement.
Membre de la Ligue des droits de l’homme et de la Libre Pensée, au début de son enseignement à Beauvais, Hubert Bourgin participait aux activités du cercle ouvrier socialiste de Beauvais, fortement marqué par l’influence des guesdistes. Auteur d’articles dans la presse socialiste, il présidait le cercle de l’Émancipation sociale et prononçait des exposés sur les orientations socialistes dans les groupes socialistes du département. Toutefois à partir de 1903, résidant à Paris, il séjournait peu dans l’Oise. Il adhéra au Parti socialiste SFIO dès sa fondation et très vite s’identifia aux conceptions les plus réformistes. De 1905 à 1914, il fut de toutes les initiatives politiques et éducatives de la SFIO (Groupe d’études socialistes, revues, publications de textes).
Hubert Bourgin fut mobilisé à Évreux (Eure) comme sergent en août 1914. Détaché comme instructeur au prytanée de La Flèche (Sarthe), à partir de mai 1915, il collabora au cabinet d’Albert Thomas, chargé des relations avec les parlementaires socialistes. Devenu chef du service des informations au sous-secrétariat d’Etat de l’artillerie et des munitions, après le retrait d’Albert Thomas, il fut de septembre 1917 à janvier 1918, chef du bureau des programmes au Sous-secrétariat d’État de la Marine marchande. Puis de janvier 1918 à janvier 1919, il occupa les responsabilités de chef du ravitaillement civil au Sous-secrétariat d’Etat de Ravitaillement avant d’être démobilisé comme sous-lieutenant d’artillerie.
Pendant la guerre, Hubert Bourgin conserva sa responsabilité de correcteur aux épreuves écrites du concours de l’École polytechnique et de répétiteur au Conservatoire national des Arts et Métiers où il donna par la suite des cours d’économie politique. Il retrouva sa chaire au lycée Louis le Grand en octobre 1919. Il obtint une partie de son service en classe préparant le concours de l’école Centrale puis de Maths spé jusqu’en 1926. En 1920, il suppléa François Simiand pour le cours sur l’organisation du travail et les associations ouvrières au Conservatoire national des Arts et Métiers. Lors de sa prise de retraite en 1937, il habitait rue Pierre Curie dans le Veme arrondissement.
Créateur en 1916 du Comité de propagande pour la défense nationale, auteur de brochures contre l’Allemagne publiées pour certaines dans la « Librairie de l’Humanité », Hubert Bourgin se montrait partisan d’une participation sans réserves à l’union sacrée, se situant à la droite de la SFIO parmi les « majoritaires de guerre ». Il multiplia les articles de plus en plus nationalistes dans l’Humanité, comme ceux de 1915 sous le pseudonyme du « Soldat citoyen ». En désaccord avec le retrait socialiste du gouvernement en 1917, il manifesta son opposition et fut un des fondateurs en décembre 1917 de l’Union civique, avec des anciens dreyfusards. Rompit-il avec le Parti socialiste SFIO en 1917 ? Il revint sur cette période en 1938 dans son essai : Le Parti contre la patrie. Histoire d’une sécession politique (1915-1917). Fut-il exclu du Parti après avoir approuvé la création de La France libre en juillet 1918 qui s’opposait à la nouvelle orientation de la majorité de la SFIO favorable à la recherche de la paix ? Il adhéra au Parti socialiste français et fut membre de son comité national jusqu’en 1921.
Après la guerre, son évolution politique vers la droite fut progressive et la presse socialiste ou communiste dénonça souvent ses analyses. Membre de la direction de l’hebdomadaire Le Progrès civique, créé en 1919, sans affiliation politique marquée, se réclamant du « perfectionnement moral » auquel collaboraient des intellectuels, souvent anciens dreyfusards, secrétaire général de la Ligue civique qui penchait pour une réforme de l’État et du parlementarisme, il rejoignit à la veille des élections législatives de 1919 le Bloc national. Dans la perspective des élections législatives de 1924, se forma en 1922 avec divers mouvements une éphémère « Action nationale républicaine » dont il fut responsable de la documentation. Il écrivait régulièrement dans d’autres journaux de droite, dont Le nouveau siècle de Georges Valois. Après la victoire du Cartel des Gauches en 1924, son engagement dans la droite nationaliste se renforça et il adhéra au « Faisceau » de Valois, mouvement se réclamant du fascisme. Après la dissolution du mouvement en 1928, il épaula Valois dans sa création du Parti républicain syndicaliste. La lettre qu’il envoya en 1925 à Léon Daudet après l’assassinat de son fils, publiée dans L’Action française le 19 juillet 1925, suscita des interrogations et des soupçons de délation. Commença alors son rôle de dénonciateur des idées et des actes de l’Action française. Alliant antisocialisme, anticommunisme et antisémitisme, il critiqua l’influence de Lucien Herr et des intellectuels socialistes dans la vie politique française, ainsi dans De Jaurès à Léon Blum. L’École normale et la politique (Paris, Fayard, 1938). Dans quelques publications consacrées au système scolaire, il estimait que l’ouverture vers le peuple de l’enseignement préparait la ruine de l’État avec l’aide du corps enseignant.
Hubert Bourgin, au début des années 1930, publia des poésies et des ouvrages pour les enfants aux éditions Delagrave.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Hubert Bourgin refusa de choisir entre le soutien à l’État français et la Résistance. Il ne publia qu’un ouvrage sur le socialisme universitaire en 1942, reprise d’un de ses thèmes favoris. Après la guerre, il cessa d’écrire des brochures ou des ouvrages et ne collabora à aucun organe de presse.
Après la guerre, Hubert Bourgin se retira à Crosnes en Seine-et-Oise où il possédait une maison.
Par Jacques Girault
ŒUVRE : Le fichier de la BNF comprenait en 2017 63 références de publications avant 1942.
SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/984, F17/24443, 25947. —DBMOF, notice par Justinien Raymond. — Notice Wikipedia (riche bibliographie) et surtout la notice par Bernard Desmars sur le site Internet de l’Association des études fouriéristes. — Adeline Blaszkiewicz-Maison, L’expérience Albert Thomas. Le socialisme en guerre 1914-1918, Master 2 ENS Lyon, sous la direction de Gilles Vergnon, 2013, p. 78.