AUDEGUIL Fernand [AUDEGUIL Jean, Fernand]

Par Gillles Morin

Né le 16 janvier 1887 à Monclar-d’Agenais (Lot-et-Garonne), mort le 23 novembre 1956 à Bordeaux (Gironde) ; professeur ; militant et élu socialiste de Gironde ; député (1936-1956), maire (1945-1947), puis conseiller municipal (1947-1953) de Bordeaux, président du conseil général de la Gironde (1945-1951).

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936

Fils de François Audeguil qui, au moment de la naissance, était caporal, Fernand Audeguil fit des études au collège d’Aiguillon, à l’École normale d’instituteurs de la Gironde où il obtint le certificat d’aptitude à l’enseignement du chant et de la musique en 1912. Instituteur à Saint-Emilion, à Langon (1910-1917), à Bordeaux (1930) où il fut délégué en décembre 1918 à l’École primaire supérieure pour enseigner les sciences, il se maria le 9 janvier 1911. Son épouse était née Albertine, Jeanne Bessaguet, le 20 juin 1889 à Port-Saint-Marie (Lot-et-Garonne). Ancienne normalienne d’Agen (Lot-et-Garonne) de 1907 à 1910, institutrice à Langon, elle fut déléguée pour enseigner l’espagnol à l’EPS de Talence puis de Bordeaux en 1930. Elle obtint la deuxième partie du certificat d’aptitude au professorat des écoles normales et des EPS en 1936 et fut nommée professeur à l’EPS de Bordeaux en 1936.

Inscrit à la faculté des Sciences de Bordeaux, titulaire du SPCN (1918) et du certificat de mathématiques générales (1918) puis d’autres certificats pour être licencié ès-sciences en 1919, il enseigna les mathématiques et des sciences à l’EPS de Dax en 1919, à celle de Talence (1920), puis à celle de Bordeaux. Mobilisé le 4 août 1914 au 20e Régiment d’infanterie, il fut réformé, le 30 octobre 1914 pour des raisons médicales. Il voulut s’engager en 1915, mais fut réformé de nouveau.
Il demanda une direction d’EPS à partir du milieu des années 1920 qu’il n’obtint pas en dépit des avis très favorables de ses supérieurs.

Fernand Audeguil adhéra au Parti socialiste SFIO en 1926 et devint secrétaire de la section de Talence qui passait pour « guesdiste ». Il fut candidat aux élections au conseil général des 7 et 14 octobre 1934 dans le premier canton de Bordeaux, mais fut battu. L’année suivante, en revanche, il fut élu conseiller municipal de Talence (Gironde), sur la liste de concentration républicaine, et exerça les fonctions d’adjoint au maire. Aux élections législatives du 3 mai 1936, il fut élu dans la 2e circonscription de Bordeaux, fief d’Adrien Marquet*, dissident néo-socialiste. Au premier tour, six candidats sérieux au moins lui étaient opposés. Il arriva cependant en deuxième position avec 3 748 suffrages, derrière Monier de l’URD (5 624 voix), mais devant Georges Lasserre, le sortant USR (2 231 voix), un autre USR, Pierre Cabot (2 763 voix), un candidat de l’Alliance démocratique (2 309 voix) et le communiste André Vrignaud (1 381 voix). Il l’emporta dans un duel au second tour, par 9 031 suffrages, contre 8 976 à son rival Monier. Il était par ailleurs membre du Commission administrative de la fédération socialiste SFIO avant la guerre.

Au moment des accords de Munich, Fernand Audeguil appartenait à la tendance paul-fauriste, qui réunissait les pacifistes et anticommunistes de la SFIO autour du secrétaire général. Ainsi, il signa la motion de Paul Faure* rejetant « toute croisade idéologique » et appelant à de nouvelles négociations internationales pour le congrès de Montrouge de décembre 1938. Lors de la débâcle de 1940, cependant, après le repli du gouvernement à Bordeaux, il accueillit Léon Blum*, déjà très isolé, chez lui. Le 10 juillet 1940, à Vichy, il fut de ceux qui refusèrent les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et, avec trente-cinq autres socialistes, fit donc partie du groupe des « Quatre-vingts ». Révoqué du Conseil municipal de Talence le 27 mars 1941, il fut en outre exclu de l’Université. Il demanda sa réintégration en Gironde dans l’Education nationale le 26 août 1941 après la mise à la retraite de son épouse qui avait 54 ans et la suspension de son indemnité parlementaire. Il échoua en dépit de ses nombreuses démarches. Sa réintégration n’intervint qu’à la Libération avec effet rétroactif. Il milita dans la Résistance au sein du mouvement Libération-Nord et, Bordeaux se trouvant dans la zone occupée, il fut membre du Comité d’action socialiste-Nord en 1941. Très surveillé, il subit deux perquisitions par les Allemands et la milice en juin 1944. Il fit partie du comité central girondin de Résistance.

Lors de la libération de Bordeaux, le 28 août 1944, Fernand Audeguil fut désigné comme membre du Comité départemental de la Libération, au titre de Libération-Nord et de la SFIO, par arrêté du Commissaire de la République (29 août 1944). Il devint président de la délégation municipale spéciale qui remplaça la municipalité néo-socialiste, puis collaborationniste, d’Adrien Marquet, maire déchu. Le 29 avril 1945, la liste républicaine d’unité française que conduisait Audeguil groupait des socialistes, des communistes, des radicaux-socialistes, des membres de la Jeune République, de l’Alliance démocratique, des Indépendants, des représentants de la Fédération républicaine, du Mouvement de Libération nationale et des représentants des déportés et des fusillés. Elle fut élue en entier et, le 6 mai, Audeguil fut élu maire de Bordeaux à l’unanimité des voix. Il conserva sa charge jusqu’aux élections du 26 octobre 1947 où triompha la liste gaulliste de Jacques Chaban-Delmas. La gestion municipale d’Audeguil avait été contestée, dans cette difficile période de pénurie et de reconstruction, notamment par les commerçants, très liés à l’ancienne municipalité d’Adrien Marquet. Ainsi, il fut hué lors d’un match de rugby au Parc des sports en décembre 1946. Néanmoins, il fut réélu conseiller municipal en 1947, mais perdit le contrôle de la municipalité.

Fernand Audeguil conforta, cependant, son assise locale en étant élu aux cantonales de septembre 1945, dans le 7e canton de Bordeaux, dès le premier tour, avec 3 865 suffrages sur 7 526 exprimés et 12 133 inscrits. Il accéda même à la présidence du conseil général qu’il assura jusqu’en 1951, date à laquelle il fut battu.

À la SFIO, il était membre de la commission exécutive fédérale de la Gironde depuis la Libération. Il était par ailleurs membre du conseil d’administration de la Nouvelle République du Bordeaux et du Sud-Ouest, qui tirait à 145 000 exemplaires.

À la Libération, Fernand Audeguil retrouva le Parlement pour plus d’une décennie. Le 7 novembre 1944, il fut délégué à l’Assemblée consultative provisoire de Paris au titre de la représentation parlementaire de la SFIO. Puis, le 21 octobre 1945, il fut élu à l’Assemblée nationale constituante. Il conserva son siège à la deuxième Assemblée nationale constituante le 2 juin 1946, fut élu à l’Assemblée nationale le 10 novembre 1946, puis réélu le 17 juin 1951.

Fernand Audeguil se montra discipliné en accordant l’investiture au communiste Maurice Thorez* le 4 décembre 1946, puis en votant « blanc » pour celle du MRP Georges Bidault le lendemain. Il était pourtant fermement anticommuniste et, en ardent défenseur de la laïcité, très vigilant à l’égard du MRP. Mais résolument hostile à la Communauté européenne de défense (CED), qu’il assimilait au réarmement de l’Allemagne, il se retrouva en difficulté dans son parti. En novembre 1953, ses positions anticédistes furent minoritaires dans sa fédération. Il était de plus en plus souvent en conflit avec Jean-Raymond Guyon*, membre du comité directeur depuis 1952, et favorable à la CED. Audeguil fut l’un des parlementaires SFIO indisciplinés qui votèrent contre le traité de la CED, au Parlement, le 30 août 1954 et qui le firent échouer. Récidiviste, il vota contre les accords de Londres et de Paris et fut donc l’un des 17 exclus du Parti en février 1955. Comme la plupart d’entre eux, il fut néanmoins réintégré en juin suivant. Aux élections du 2 janvier 1956, Audeguil, malade, laissa à André Le Floch*, la première place sur la liste socialiste et ne fut pas réélu. Il sollicita alors, sans succès, un poste à l’Assemblée de l’Union française en mars 1956.

Fernand Audeguil décéda le 23 novembre 1956, à la suite d’une crise hépatique. Il était chevalier de la Légion d’honneur et décoré de la Médaille de la Résistance.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article10406, notice AUDEGUIL Fernand [AUDEGUIL Jean, Fernand] par Gillles Morin, version mise en ligne le 10 octobre 2008, dernière modification le 22 janvier 2018.

Par Gillles Morin

Assemblée nationale, Notices et portraits, 1936
Fernand Audeguil en 1945
Fernand Audeguil en 1945
Bordeaux Matin, 28 août 1945
Assemblée nationale, Notices et portraits, 1946

SOURCES : Arch. Nat., CARAN. F7/15494 (A), n° 2879 ; F/1cII/285 ; F/1cII/291, F 17/25238. — Rapports des congrès de la SFIO, 1944-1967. — Arch. OURS, correspondance fédérale de la Gironde. — Assemblée nationale constituante, Notices et portraits, 1946. — Profession de foi, élections législatives 1956. — E. Ginestous, Histoire de Bordeaux, op. cit. — J. et B. Guérin, Des Hommes et des activités..., op. cit. — Noëlline Castagnez, Socialistes en République. Les parlementaires SFIO de la IVe République, Presses universitaires de Rennes, 2004. — DBMOF, t. 17 et Cédérom, notice par Pierre Bécamps.— — Notes de Jacques Girault.

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