Par Jacques Girault
Né et mort à Toulon (Var) : 2 octobre 1864-21 février 1940 ; ouvrier fondeur à l’Arsenal maritime ; secrétaire de la Fédération des travailleurs de la Marine (1905-1918) ; conseiller municipal socialiste, puis communiste de Toulon (1919-1925).
Fils d’un charpentier, Frès, marié à une maîtresse-blanchisseuse, fut le fondateur du syndicat des travailleurs de la Marine à l’Arsenal maritime de Toulon. Secrétaire de la Fédération des travailleurs de la Marine, à partir de 1905, il était aussi le rédacteur en chef de l’Émancipateur son bimensuel. Président du cercle de la « Raison socialiste », il était en rapport, selon la police, avec le groupe anarchiste de la « Jeunesse libre » et de l’Association internationale antimilitariste. Délégué titulaire pour les ouvriers immatriculés à la Commission mixte du Travail, il refusa d’être à nouveau candidat en septembre 1912. Il s’en expliqua dans l’Émancipateur. Les élections avaient lieu désormais par ports et établissements, « il est donc de toute logique que le représentant de la Fédération qui n’est [...] qu’un fonctionnaire syndicaliste s’efface devant la candidature d’un militant du syndicat ».
Selon l’Émancipateur, bimensuel de la Fédération des Travailleurs de la Marine de l’État du 15 juin 1917, le XVIe congrès de la Fédération, tenu à Paris le 21 mai 1917, élut le comité fédéral suivant pour 1917-1918 : Frès Pierre secrétaire général, Aiguier Claude, Préau Hyppolite, Tardy Gustave, Lamarque Albert, Thoraval François secrétaires ; Sivan Édouard trésorier général ; Gardella Nicolas trésorier adjoint ; Berenguier Henri archiviste ; Roncagliolo Marius administrateur de l’Émancipateur.
En avril 1918, malade, P. Frès laissa ses responsabilités à Lamarque*. Selon le commissaire spécial de Toulon, ces modifications s’étaient effectuées sans que les syndicats aient été consultés. Un an plus tard, il fit une mise au point dans la presse ; on l’accusait d’avoir dénoncé son successeur comme « agent du gouvernement ». Il n’en était rien ; il y avait seulement des divergences sur la « tactique » et les « formes de l’action syndicale » (Le Petit Var, 9 avril 1919). Il n’hésita pas à intervenir dans le débat qui divisait le syndicat sur les 48 heures. Il affirma son accord avec la position de Lamarque favorable aux 48 heures. En fait, il restait à la tête de la Fédération dans un emploi administratif. Le siège, en juillet 1919, fut transféré à Rochefort. Il annonça sa « réintégration » et fut nommé secrétaire honoraire.
Membre du conseil d’administration du syndicat toulonnais en juillet 1919, il se rangea sur les positions des « révolutionnaires ».
Pour les élections municipales de Toulon, la liste du « Bloc des gauches, Union des socialistes et des républicains avancés », comprenait deux syndicalistes prestigieux : Auguste Berthon* et lui. Le 30 novembre 1919, il obtenait 4 070 voix sur 23 847 inscrits et fut élu au deuxième tour, avec 5 084 voix. Membre de la commission des travaux, délégué aux œuvres sociales, délégué sénatorial, il fut assesseur de la troisième section lors de l’élection sénatoriale en janvier 1920. Le 12 mai 1920, il avait fait voter une motion protestant contre les arrestations de syndicalistes à l’issue du Premier Mai. Dans le débat interne à la SFIO, il ne prit pas ouvertement position mais rallia, à la fin de janvier 1921, la nouvelle section communiste. Il participa à la campagne du comité pour l’amnistie intégrale. Il avait été désigné le 30 décembre 1920, pour la commission d’enquête sur la spéculation sur les terrains de Brunet. Elle livra à la fin de février 1921 ses conclusions qui mettaient hors de cause les élus. Le 23 mai 1921, Frès présenta une motion de protestation contre la réduction des heures de travail dans les Arsenaux. En 1924, il figurait parmi les élus SFIO, ce qui doit être une erreur. En effet, pour les élections municipales suivantes, six sortants, dont Berthon et Frès, constituaient une liste de protestation des « cartellistes rouges ». Ils avaient, en effet, été évincés par la section SFIO de la liste du Cartel des Gauches. Le 3 mai 1925, il obtenait 867 voix sur 21 843 inscrits.
Frès se manifesta dans le Petit Var lors de la campagne contre la municipalité menée en liaison avec l’ancien maire Escartefigue, qu’il avait connu dans les milieux libertaires. Dénonçant le scandale de l’accord avec la Compagnie du gaz, il s’associa à la « protestation » du journal et rappela qu’il avait exprimé une opinion sur cette question quand il était élu (Le Petit Var, 3 décembre 1927).
En 1934, il habitait toujours le premier canton, chemin de Plaisance et y resta jusqu’à son décès. Frès, qui n’aimait pas parler en public, était avant tout un militant de la plume.
Par Jacques Girault
SOURCES : Arch. Nat. F7/13021, 13165, 13638, 13738. — Arch. Dép. Var, 2 M 7.24.3, 2 M 7.30.3, 4 M 41.4, 4 M 53, 4 M 56.4, 4 M 59.4.1, 3 Z 2.5, 3 Z 2.22, 3 Z 4.21, 3 Z 7.6. — Arch. Com. Toulon. — Presse locale. — Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. 12. — Renseignements fournis par J. Masse et par F. Vernieri. — Leclercq, Girod de Fléaux, Ces Messieurs de la CGT, Paris, 1908, p. 267.