GIRARD Armand

Par Madeleine Rebérioux

Né et mort à Cuisery (Saône-et-Loire), 19 avril 1884-17 août 1961 ; horticulteur ; militant libre penseur et socialiste de Saône-et-Loire.

Armand Girard était né en 1884 dans le gros bourg bressan de Cuisery, au cœur d’une région où il y avait de solides traditions démocratiques, mais qui, jusque vers 1905, passa pour particulièrement réfractaire au socialisme. Son père avait été valet en maison bourgeoise, puis, jardinier au château de Cuisery, et il avait fini par s’installer à son compte comme horticulteur. À l’âge de seize ans, Armand Girard partit comme ouvrier agricole à Sarcelles dans la région parisienne et prit sans doute contact avec les tendances socialistes favorables au Bloc des gauches, peu connues en Saône-et-Loire. Rentré au pays en 1902, il travailla avec son père et continua de suivre les veillées d’un sabotier autodidacte et libertaire, le père Gonnot, sur qui nous savons peu de choses, mais dont certains manuscrits n’ont pas disparu.

C’est ainsi que lui vint l’idée de créer un « groupe d’études sociales » quasi exclusivement composé de jeunes paysans, passionnément libres penseurs, désireux d’autoéducation, antimilitaristes, convaincus de la supériorité du socialisme à la campagne. Le groupe commença à vivre en décembre 1904-janvier 1905 et Girard en tint le « journal » jusqu’en 1907. « Ma conduite est irréprochable, écrivait ce jeune homme de vingt ans. Nul au pays ne m’a vu ivre ou dévergondé. Ma main est blanche du sang de mes semblables (...) Mais pendant mon labeur, pendant mes instants de répit, je pense. Malgré qu’il y ait, paraît-il, des limites à cela, je me donne la permission de voir autour de moi ce qu’il y a, ce qu’il se fait, les peines et les douleurs des autres et les miennes ». Si vif était le désir d’autonomie dans ce groupe d’amis où l’éducation collectiviste prenait un caractère intime et profond, si entière l’horreur de « l’autoritarisme » qu’Armand Girard attendit mars 1907 pour donner l’adhésion de son groupe et la sienne à la fédération SFIO de Saône-et-Loire pourtant fort peu centraliste ; il ne participa vraiment à sa vie qu’à partir de 1909.

Girard se « spécialisa » d’ailleurs plus particulièrement dans le combat pour la libre pensée : il en fut longtemps le secrétaire pour l’ensemble de Saône-et-Loire et il se proposait, dès 1913, d’en constituer les archives. On le nommait dans la région le « curé civil ». Il était de ceux pour qui la libre pensée, loin de se réduire à l’anticléricalisme, était, par la remise en question de l’ensemble des préjugés — antiféministes notamment — porteuse de progrès et susceptible d’ouvrir la voie aux convictions socialistes.

De sa jeunesse teintée d’idées libertaires, Armand Girard garda une certaine méfiance à l’égard de « l’électoralisme ». Il fut une seule fois dans sa vie candidat — malheureux, comme tous ses camarades — sur la liste SFIO aux élections législatives de novembre 1919. En 1920, il resta dans « la vieille maison » et lui demeura fidèle jusqu’à sa mort.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article114422, notice GIRARD Armand par Madeleine Rebérioux, version mise en ligne le 24 novembre 2010, dernière modification le 24 novembre 2010.

Par Madeleine Rebérioux

SOURCES : Arch. Dép. Saône-et-Loire, 1 M 6. — Témoignage du fils de A. Girard. — Le Socialiste de Saône-et-Loire. — Madeleine Rebérioux, « Un groupe de paysans socialistes de Saône-et-Loire à l’heure de l’unité (1905-1906) : le Journal du groupe d’études sociales de Cuisery », Le Mouvement social, n° 56, juillet-septembre 1966, pp. 89-93.

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