MECK Henri (Heinrich), Rudolf

Par Jean-Pierre Kintz

Né le 31 juillet 1897 à Saverne (Bas-Rhin), mort le 25 décembre 1966 à Strasbourg ; dirigeant du syndicalisme chrétien alsacien ; député du Bas-Rhin (1928-1942).

Huitième et dernier enfant d’une famille ouvrière, Henri Meck eut son enfance marquée par la mort de son père. Mobilisé en 1914 pour quelques mois, il fut incorporé en 1916 dans une unité combattant en Russie qui fut repliée sur le front occidental en 1917. Après l’armistice, il songea d’abord à entreprendre des études de théologie, mais ne resta que peu de temps au séminaire.

La création du syndicat indépendant chrétien (Unabhängiger Gewerkschaftsbund) le 23 février 1919 et la publication le 15 mars 1919 du premier numéro du journal syndical Der unabhängige Gewerkschaftler allaient déterminer la carrière d’Henri Meck. Il fut engagé par le syndicat pour s’occuper du journal à partir du 15 mai 1919.

Il participa activement en janvier 1920 à la fondation de l’Union des syndicats chrétiens d’Alsace-Lorraine. dont le premier président fut Schlandecker. Ce fut lui qui lança le mouvement syndical dans les houillères de Lorraine et assuma les fonctions de secrétaire du syndicat des mineurs de la Moselle en 1920 et 1921. En 1922, il devint secrétaire général des syndicats indépendants d’Alsace et de Lorraine et de l’Union régionale de la Confédération française des travailleurs chrétiens. Il assuma cette fonction pendant plus de vingt ans. Meck avait accepté la même année le poste de secrétaire général de la Fédération des mineurs CFTC qu’il conserva pendant deux ans.

Depuis 1921, il était membre du comité de la Fédération internationale des syndicats chrétiens de mineurs. Il fut président de ce comité de 1933 à 1940 et œuvra jusqu’en 1933, au sein de la Confédération internationale des syndicats chrétiens, au rapprochement franco-allemand.

En 1923, il fut l’animateur de la grève des mineurs de charbon lorrains. De cette action naquit réellement la Fédération nationale : les syndicats du Nord, du Pas-de-Calais, des Bouches-du-Rhône et du Gard y adhérèrent. Délégué au IVe congrès national de la CFTC (1923), il fut élu au conseil national, puis au Ve (1924), il devint membre du Bureau confédéral et le resta jusqu’en 1932. Avec Camille Bilger, président du syndicat indépendant d’Alsace et de Lorraine et Aloïse Schott, il négocia la formation d’une Union départementale avec le syndicat indépendant des cheminots qui fut réalisée le 1er juin 1924.

Henri Meck avait signé comme rédacteur le numéro du 30 juin 1922 du journal le Syndicaliste indépendant, organe de la Fédération des syndicats d’Alsace et de Lorraine. Le journal changea de titre à la fin de 1936 et devint le Syndicaliste chrétien, organe de la Fédération des syndicats chrétiens d’Alsace et de Lorraine. Le syndicat faisait également paraître une édition allemande du journal Der unabhängige Gewerkschaftler. Henri Meck succéda à Léon Adolf et en fut rédacteur jusqu’au numéro 18 (5 septembre 1931). Il fut alors remplacé par A. Schott. Du mois d’octobre 1939 à juin 1940, Henri Meck fit publier une édition commune des deux journaux.

Parallèlement à ses activités syndicales, Henri Meck avait adhéré en 1920 à l’Union populaire républicaine d’Alsace, mouvement démocrate chrétien. En 1924, il devint l’un des responsables du rassemblement démocrate chrétien. Respectueux de la tradition du syndicalisme alsacien, il se lança dans la vie politique. Il se présenta en 1925 aux élections municipales de Strasbourg sur la liste commune de l’Union populaire républicaine (UPR), du Parti républicain démocratique et du Parti démocratique et social.

En 1928 il fut élu député du canton de Molsheim. Il fut constamment réélu avec des majorités écrasantes aux élections suivantes. Il avait pris dès 1928 l’engagement de défendre les « aspirations légitimes des ouvriers et employés » et s’était prononcé pour « une politique qui servira l’intérêt français et sauvegardera le respect des promesses solennelles données aux populations des provinces recouvrées ». Dès son second mandat, sans se désintéresser des problèmes régionaux, il s’ouvrit davantage aux questions d’intérêt général (assurances chômage et accidents du travail, réorganisation du conseil économique, institution de conseils économiques régionaux). Son expérience de syndicaliste lui permit de jouer un rôle actif dans l’examen des projets de loi des gouvernements du Front populaire (congés payés, conventions collectives, semaine de quarante heures, arbitrage). Il fit adopter seize lois sociales importantes dont certaines intéressaient l’Alsace-Lorraine (1929 : assurance-accident du monde rural, 1931 : régime local d’assurances sociales) et d’autres, le régime national : subvention à l’assurance d’accidents du travail agricole (1938).

À la Chambre, il déploya une grande activité parlementaire au cours de la période 1936-1937 dans trois domaines. Le premier concernait les mesures sociales, il demanda notamment la généralisation des allocations familiales et intervint en faveur des conventions collectives. Le second fut la défense du bilinguisme dans les départements alsaciens. Enfin le troisième concernait la défense de la CFTC dont la représentativité n’était pas reconnue. Ainsi en 1936, il dénonça à la Chambre des députés le « fascisme syndical » c’est-à-dire l’adhésion forcée à la CGT et demanda aux pouvoirs publics que soit garanti « l’exercice de la liberté syndicale accordée par la loi française ». Il fut membre de la commission d’Alsace-Lorraine et de celle de l’assurance et de prévoyance sociales. La même année, l’assemblée générale de l’UGB (Fédération des syndicats indépendants) décida de changer de sigle en CGB (Christlicher Gewerkschafsbund ou Fédération des syndicats chrétiens).

Au mois de septembre 1939, Henri Meck installa le secrétariat des syndicats alsaciens à Molsheim à son domicile et fit paraître le Syndicaliste chrétien jusqu’à juin 1940. Le journal devait être relancé en 1945 et confié à Théo Braun.

Le 10 juillet 1940, Henri Meck vota la délégation des pouvoirs constituants au maréchal Pétain. Il reprit son activité syndicale en Alsace. Il refusa de signer la reconnaissance de fidélité au Führer et fut expulsé. Il se réfugia en zone libre. Depuis longtemps il avait dénoncé la menace du national-socialisme.
Il fut un temps à Avignon, Périgueux, Toulouse.
J’ai des écrits concernant la période entre 1940 et 1945 il fut expulsé avec Mon Grand Pére et se retrouvèrent à Avignon.


En 1946, choisi comme président de la commission du Travail et des assurances sociales de l’Assemblée constituante, il la présida de 1951 à 1953. Il appartint à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée élue en 1962 dont il était le doyen. La même année, Henri Meck devint président de la Fédération et de l’Union régionale des syndicats chrétiens d’Alsace. Le secrétariat général échut à Théo Braun. En 1957, Henri Meck en fut le président d’honneur. Son action parlementaire porta notamment sur l’octroi de rentes pour les accidents de trajets (1946), les lois de réajustement des rentes d’accidents de travail (six lois entre 1946 et 1954), l’octroi de l’allocation dite de tierce personne aux pensionnés d’invalidité (1947) étendue en 1948 aux bénéficiaires de prestations d’aide sociale. D’autres propositions de lois furent déposées et acceptées, telle la loi qui reconnut la silicose comme maladie professionnelle. Deux lois portèrent son nom : celles instituant l’échelle mobile des pensions et des rentes (lois du 23 août 1948 et du 2 septembre 1954).

Orateur et polémiste de talent, Meck devint le tacticien politique du MRP en Alsace après 1945. Il fut l’un de ceux qui réalisèrent l’intégration de l’ancien Parti populaire alsacien au MRP Il fut porté en 1960 à la présidence de la Fédération départementale et la garda jusqu’à sa mort. Fervent défenseur de l’idée européenne incarnée par son ami Robert Schuman, il participa aux congrès de la CDU. Il voyait dans le dessein européen la possibilité de clore pour l’Alsace l’ère des déchirements.

Élu au conseil municipal de Molsheim en 1933, il était devenu maire de de la ville et le resta jusqu’à sa mort. Il s’efforça de développer le rôle économique et culturel et de la cité. Il représenta le canton de Benfeld au conseil général de 1935 à 1955 (sauf pendant l’Occupation), celui de Schirmeck de 1955 à 1958 et enfin celui de Molsheim après 1958. Il accéda à la présidence du conseil général le 11 janvier 1960 et succéda à Pierre Pflimlin.

Militant de l’Action catholique, il avait fondé avec le docteur Thielé l’Institut Léon XIII destiné à la formation des responsables. Il intervint dans les congrès de l’Action catholique, convaincu du rôle des mouvements d’inspiration chrétienne dans l’avènement d’une Europe politique. Il obtint la croix de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand en 1952.

Henri Meck s’occupait aussi de la presse. Il est resté membre du conseil d’administration de l’Alsacienne dès la restructuration du nouveau conseil le 28 mai 1946 jusqu’à sa mort. Il rédigeait des articles et dans les dernières années de sa vie intervint par la plume dans les batailles électorales. Il transmit également des textes au Nouveau Rhin français publié à Mulhouse et au Courrier de Metz.

En 1964, Henri Meck se prononça pour le maintien du sigle CFTC. Il craignait une collusion entre le syndicat et les partis de gauche ou leur emprise sur le syndicalisme. Il avait espéré la cohabitation des deux tendances au sein même d’un syndicalisme original en Alsace. Le débat provoqua la scission du syndicalisme chrétien et le départ des minoritaires avec Albert Schmitt.

Il préparait une nouvelle campagne électorale avec l’investiture du comité d’action pour la Ve République alors que la Fédération MRP du Bas-Rhin avait invité ses adhérents à rejoindre le Centre démocrate, lorsque la mort le frappa.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article121451, notice MECK Henri (Heinrich), Rudolf par Jean-Pierre Kintz, version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 27 juin 2020.

Par Jean-Pierre Kintz

SOURCES : Union régionale des syndicats chrétiens de France, 50 années de syndicalisme chrétien en Alsace et en Lorraine, Colmar, Alsatia, 1952, 54 p. — 70 Jahre Sécurité sociale in Elsass und Lothringen, brochure éditée par les équipes ouvrières d’Alsace, Strasbourg, 1955, 80 p. — François G. Dreyfus, La vie politique en Alsace. 1919-1936, Cahier de la Fondation nationale des sciences politiques, n° 173, Paris, Armand Colin, 328 p. — Arch. Com. Strasbourg, fonds Hoffman. — Dictionnaire des parlementaires français, t. VII, Paris, PUF, 1972, p. 2420-2421. — J. Acker, L’organisation et l’action syndicale ouvrières en Alsace, Thèse de doctorat, Université de Paris. — Le Syndicaliste indépendant, 30 juin 1922 et suiv. — Le Syndicaliste chrétien, n° 10, octobre 1939 et n° 11-12 de novembre-décembre 1939, exemplaires conservés par la BNU et la CFDT à Strasbourg. — Procès-verbaux manuscrits du syndicat indépendant des cheminots d’Alsace et de Lorraine, section Strasbourg. — Der unabhängige Gewerkschaftsbund im Dienste der elsass-lothringischen Arbeiterschaft, brochure éditée à l’occasion du congrès des syndicats indépendants les 7 et 8 octobre 1933 à Strasbourg. — 1919-1929. Festschrift herausgegeben vom Unabhängigen Eisenbahnerverband von Elsass-Lothringen, 36 p. — Le Nouvel Alsacien, 27 avril 1958, 28 décembre 1966, 25 décembre 1970 (page locale Molsheim). — Dernières nouvelles d’Alsace, 11 décembre 1966, 28 décembre 1966. — Honneur et patrie, 26 mars 1954. — Le Nouveau Rhin français, 29 avril 1958, 31 juillet 1962. — Le Monde, 27 décembre 1966. — Notes de M. Launay et J.-L. Panné. — Notes de François Orsat.

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