SOSSO Jean [SOSSO Giovanni, Battista, Costantino, dit SOSSO Jean-Baptiste ou]. Pseudonymes : AUBER Jean ou GUILLEMOT Jean ou Capitaine Jean

Par Daniel Grason

Né 13 août 1906 à Turin (Italie), mort le 11 mai 1957 à Paris (XIIe arr.) ; peintre en bâtiment ; militant communiste ; résistant.

Fils de Giovanni et de Clotilde, né Pasero, il résida en France avec sa famille à la fin des années 1920. Giovanni Battista Costantino Sosso dit Jean Sosso acquit une formation de joaillier mais, devant la crise, il travailla à Lille (Nord) comme peintre en bâtiment. Il quitta Paris le 2 août 1929 à destination de la Belgique. Il vécut à Bruxelles en compagnie de Marie Gervais. Celle-ci étant atteinte de la tuberculose le couple revint en avril 1930 et habita chez la mère de Marie Gervais au 12 avenue de Meaux à Gagny (Seine-et-Oise, Seine-Saint-Denis). Elle fut emportée par la maladie.
Le 6 mars 1926, il fut embauché comme receveur à la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne (STCRP) en tant que receveur. Il fut licencié pour faits de grève en juin 1928, et réintégré, et réintégré en mai 1931.
Il habitait depuis 1927 au 19 rue du Plateau à Montreuil-sous-Bois (Seine, Seine-Saint-Denis). La police notait qu’il était un lecteur assidu de l’Humanité », et qu’il se livrait « à une active propagande en faveur des organisations révolutionnaires, notamment parmi ses camarades de travail ». Il rendit visite aux détenus politiques à la prison de la Santé, notamment à Pierre Ruff en décembre 1930 et à Louis Petit en mars 1931.
Dans une note du ministère de l’Intérieur du 17 janvier 1933, le directeur de la Sûreté générale rappelait qu’une circulaire en date du 12 octobre 1929 lui avait signifié son expulsion. Il emprunta le nom de François Isaac, employé à la STCRP. Il vécut un certain temps en Belgique puis son frère lui procura de faux papiers qui lui permirent de rentrer en France sous le nom de Jean Auber.
Sympathisant communiste, militant des Amis de l’Union soviétique, Jean Sosso dirigea une délégation en URSS pour les fêtes du 1er Mai 1933 et se lia à Suzanne Cagé qui participait au même voyage. Ce n’est qu’au retour qu’il adhéra au Parti communiste et devint permanent à mi-temps des AUS (400 francs par mois). Il codirigea la Fédération du Nord des AUS avec Suzanne Cagé jusqu’en 1939.
Le 2 septembre 1939, il s’engagea dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre, mais fut réformé le 2 octobre pour « faiblesse de la vue »
Au début de la guerre, il se rendit chez son frère Dominique à Suresnes, puis avec Suzanne Cagé, ils allèrent à Saintes, Clermont-Ferrand puis à Lyon où ils obtinrent le contact avec Félix Cadras en juillet 1940. Le Parti communiste chargea Sosso de missions dans la région de Toulouse mais il revenait régulièrement à Lyon.
De sa vie commune avec Suzanne Cagé, un enfant prénommé Jean Camille naquit le 22 novembre 1941 dans le VIIe arrondissement de Lyon (Rhône). Il a été déclaré sous le nom d’Auber. Giovanni Sosso le reconnut le 15 juin 1945. D’août 1943 à juin 1945 Suzanne Cagé et Giovanni Sosso échangèrent par courrier.
Giovanni Sosso a été arrêté le 26 mai 1943 au 8 rue de la Harpe à Saint-Étienne (Loire). Il a été condamné à cinq ans de prison et six mille francs d’amende le 26 mai 1943 pour « reconstitution du Parti communiste ». Incarcéré à la Maison d’Arrêt de Saint-Etienne (Loire), il s’évada le 26 septembre 1943 en compagnie d’une trentaine de détenus politiques.
Il fut selon Suzanne Cagé le capitaine Jean, la source policière indique qu’il a été nommé colonel, il a été blessé le 10 octobre 1943 lors d’une action à Portes-lès-Valence dans la Drôme. Le Tribunal Correctionnel de Lyon le condamna le 26 octobre 1943 pour « utilisation de faux sceaux, activité communiste, fausse carte d’identité ».
Il participa à plusieurs actions, le 10 décembre 1943 à l’attaque d’un train à Portes-lès-Valence. Le même mois, il dirigea le groupe de résistants qui fit dérailler un train à Vercheny. Il organisa et participa à des manifestations contre le premier départ des requis du Service du travail obligatoire (STO). Il fut également l’un des organisateurs des maquis.
Il fut probablement partie prenante dans la décision des assassinats des quatre militants trotskystes du maquis de Queyrière en Haute-Loire : Pietro Tresso dit Blasco, Abram Sadek, Maurice Ségal et Jean Reboul.
Giovanni Sosso a été cité à l’ordre de l’armée le 10 octobre 1944, il quitta les Forces françaises de l’intérieur en novembre. Il résida au 37 quai Pierre Serzé à Lyon (Rhône). En novembre 1944 il vivait au 47 rue d l’Église à Paris (XVe arr.) Il fut employé par France Libération, puis en janvier 1946 par l’Humanité.
Depuis 1945, Jean-Baptiste Sosso était en possession d’une carte d’identité au titre de « travailleur » valable jusqu’au 14 septembre 1948. Il épousa le 7 septembre 1946, Marie Raphaële Soto, ouvrière câbleuse en mairie du XVe arrondissement de Paris. Ils eurent comme témoins Dominique Sosso, tourneur sur métaux et Amédée Canu, chef de sécurité.
Il fut journaliste dans la presse communiste, notamment à l’Humanité dont il a été correspondant en Pologne à partir de 1952, pendant de longues années. Il avait aussi travaillé à France d’Abord. L’’Humanité rappela, au moment de son décès, qu’il avait été pendant l’Occupation colonel FTP sous le nom de Jean Guillemot puis, pendant de longues années, correspondant à Varsovie. Il était décoré de la Croix de guerre avec palmes et médaillé de la Résistance. Il avait dû arrêter son activité professionnelle à cause de son état de santé. Il fit l’objet d’un arrêté d’expulsion le 5 juin 1952, il séjourna dans un sanatorium en Pologne entre 1952 et 1955.
Jean-Baptiste Sosso a été homologué au titre des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et du Front national.
Il mourut le 11 mai 1957 à l’âge de 51 ans à l’hôpital Rothschild à Paris (XIIe arr.). Il aurait été inhumé au cimetière de Thiais (Val-de-Marne).
Du 19 aout 1943 au 24 mai 1945 Suzanne Cagé et Jean-Baptiste Sosso s’écrivirent.
Lettre de Suzanne Cagé
Lyon, 4 mars 1944
Bien chers Oncle et Tante,
… Vous avez de la veine d’avoir du beau temps à Périgueux. Ici, le temps continue à être mauvais, aujourd’hui il a même neigé. Il fait très froid et malgré notre désir de ne pas vieillir trop vite, nous aimerions voir arriver le printemps rapidement. Que nous apportera ce printemps 1944 ? Nous aimerions aller cueillir les violettes, ne penser qu’au renouveau de la nature… L’an dernier nous étions dehors, et malgré notre vie mouvementée, il y avait quand même de la place pour penser à tout cela. Je vois encore Jean, rentrant triomphant le jour du 1er Mai avec des muguets dans ses mains, et disant : « Mesdames je vous souhaite un 1er Mai de lutte et d’action ! » 25 jours plus tard nous étions à l’ombre !!
En pensant au 1er Mai, je revois celui de 1933, année du grand voyage. C’est là-bas que j’ai connu mon ami André Oursel dont tu as entendu parler. J’ai de bien mauvaises nouvelles, il a été tué dans la forêt de Fontainebleau. Encore un qui a payé de sa vie. Il laisse une femme avec deux petites fillettes. C’est bien triste et j’en ressens un très gros chagrin. Nous l’avions revu depuis la guerre ; pendant plus d’un an c’est lui qui venait de Paris, tous les deux mois environ, nous apporter des nouvelles de Fernand (Fernand Grenier).
Merci mon vieux Jean pour toutes tes bonnes nouvelles. Je suis impatiente de lire le bouquin de P. Hamp. Pierre me l’a promis, j’espère qu’il me l’enverra bientôt.
J’en arrive à la visite de mon Jeannot. J’avais obtenu l’autorisation de le voir au greffe, accompagné de sa nounou et j’ai pu embrasser cette chère madame Cancade. Le petit n’a pas été plus affectueux. Il a quand même daigné m’embrasser et n’a pas pleuré. C’est extraordinaire ce que peut ressentir ce gosse ; il doit détester cette maison, dès qu’il a aperçu la grande porte, m’a dit la nounou, il a commencé à pleurer et il ne voulait pas rentrer. Il est vrai qu’elle n’est pas accueillante. Je suis heureuse quand même. Notre amie était toute ennuyée des réticences du petit à mon égard, elle ne cessait de me dire : « Il est si charmant dehors et pas sauvage du tout . Enfin, j’ai quand même passé une heure bien agréable. Je ne sais si chez vous c’est la même chose, dans la région on vient de supprimer ¼ de lait pour les enfants. Les enfants de l’âge du petit n’auront plus qu’un demi-litre de lait par jour. C’est scandaleux. La nounou se demande ce qu’elle va faire.
Je parlerais de Thiers la prochaine fois. Mes amies me prient de vous envoyer leurs amitiés. De nous toutes, grosses bises pour Annette. Bons baisers affectueux de votre petite nièce ».
Suzon

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article131464, notice SOSSO Jean [SOSSO Giovanni, Battista, Costantino, dit SOSSO Jean-Baptiste ou]. Pseudonymes : AUBER Jean ou GUILLEMOT Jean ou Capitaine Jean par Daniel Grason, version mise en ligne le 23 septembre 2022, dernière modification le 23 septembre 2022.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo 1 W 132-288846. – Service historique de la Défense Vincennes GR 16 P 553297. – État civil acte de mariage numérisé XVe arr. n° 2347, acte de décès numérisé Paris XIIe arr. 12D 463 acte n° 1374. – Rens. de Suzanne Cagé recueillis par Rachel Mazuy. – France d’Abord, juin 1957. – L’Humanité, 14 mai 1957. – Notes de Rodolphe Prager. – Lettres de prison Août 1943 - Juin 1945, Suzanne Cagé – Jean Sosso à Jean Vergnon, Imprimerie moderne Périgueux, 1996. – Pierre Broué Raymond Vacheron Meurtres au maquis, Ed. Grasset 1997.

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