TILLET Jacques

Né en 1866 ; mort à Limoges (Haute-Vienne) le 22 octobre 1936 ; ouvrier mouleur en porcelaine ; militant syndicaliste et socialiste de la Haute-Vienne.

Jacques Tillet groupa en syndicat les ouvriers de sa corporation, les réunissant dans un débit tenu par un autre militant, Édouard Treich, ancien « tourneur anglais ». En avril 1892, il fut nommé secrétaire du syndicat des porcelainiers de Limoges. Le 1er mai de cette même année, il réussit à faire abandonner le travail par quelques camarades. Six ans plus tard, il pourra tenir une réunion dans une salle de la ville.

En décembre 1895, Tillet devint trésorier de la Bourse du Travail de Limoges. Son action inquiétait les patrons qui le mirent à l’index. À la suite d’une grève dans l’industrie porcelainière, en juin 1896, il fut renvoyé de la fabrique où il travaillait. Ne pouvant être embauché nulle part, il obtint de la municipalité radicale et socialiste de Limoges une place de surveillant des travaux de voirie. Il fut dès lors plus libre pour militer. Sans interruption, il appartint à la commission exécutive de son syndicat.

Jacques Tillet fut l’artisan de la création de la Fédération de la céramique (groupant fabriques de porcelaine et faïenceries). Les premières bases en furent jetées au congrès de Digoin en 1901 ; l’année suivante, la fédération fut créée au congrès de Limoges, et Tillet en fut désigné comme le secrétaire. À ce congrès, il fit la critique des grèves partielles et préconisa la grève générale, seul moyen capable de transformer l’état social, de préparer la société future et de réaliser la suppression du salariat.

Comme secrétaire de la Fédération de la céramique, Tillet eut un rôle particulièrement actif dans la période de conflits qui affecta cette industrie à Limoges, de mars à mai 1905. Elle eut pour cause principale le refus de la direction de l’usine Haviland de renvoyer un contremaître accusé par les ouvriers de favoritisme et d’efforts en vue de rétablir le travail aux pièces, puis le lock-out proclamé par les patrons porcelainiers en réponse à l’affirmation de solidarité des ouvriers porcelainiers avec leurs camarades de chez Haviland. Elle fut marquée par la fusillade sanglante du 17 avril, avec la mort de Camille Vardelle* — voir ce nom — peintre sur porcelaine.

Tillet fut délégué des syndicats de la porcelaine à de nombreux congrès nationaux, la première fois au VIIe congrès national corporatif, constitutif de la CGT, tenu à Limoges en septembre 1895, puis au XIe congrès — 5e de la CGT — tenu à Paris en 1900 ; au XIIIe (Montpellier, 1902) ; au XIVe (Bourges, 1904) ; au XVe (Amiens, 1906) ; au XVIe (Marseille, 1908) ; au XVIIe (Toulouse, 1910) ; au XVIIIe (Le Havre, 1912). Au congrès d’Amiens, en octobre 1906, il vota pour la proposition V. Renard. Au nom de la Fédération de la Céramique, il estima que si un rapprochement avec le Parti socialiste était souhaitable, la réglementation des rapports entre les deux organisations par la création d’un organisme quelconque pouvait être jugée prématurée. Ce qu’il convenait de faire, c’était, dans l’immédiat, de « mettre fin à des polémiques qui, en divisant les forces ouvrières [...] servent seulement les intérêts du patronat et du capitalisme » (cf. c. rendu, p. 141). À la conférence confédérale du 15 août 1915, Tillet vota l’ordre du jour présenté par Bourderon-Merrheim. Il aura par la suite la même évolution.

Par-delà l’organisation nationale des ouvriers de la céramique, Tillet envisagea l’organisation internationale. En 1905, il participa, à Charlottenbourg, près Berlin, à une conférence préparatoire en vue de la création d’une Fédération internationale ouvrière de la céramique. En 1906, il accueillit à Limoges le congrès constitutif de cette fédération dont le siège fut fixé à Berlin. Depuis, il participa à tous les congrès internationaux de la céramique, sauf à celui de Carlsbad en 1926, où il fut empêché par la maladie. Avec l’âge, son état de santé s’étant aggravé, Tillet abandonna, en 1931, le secrétariat de la Fédération ouvrière française de la céramique. Au congrès international de la céramique tenu à Limoges cette même année, le secrétaire international Wollmann, un Allemand, lui donna l’accolade.

Sur le terrain politique, Tillet fit partie de « l’Avant-Garde socialiste révolutionnaire », groupement allemaniste fondé en 1883. Il entra au conseil municipal de Limoges en 1895, à la faveur d’une élection partielle, mais n’y siégea que peu de temps. Aux élections générales de 1896, les candidats allemanistes qui s’étaient présentés sur une liste autonome — voir LéonardBoudaud* — opposée à la liste radicale et socialiste de Labussière, se désistèrent en sa faveur au second tour. En 1905, les Allemanistes rejoignirent l’unité socialiste. Jacques Tillet siégea à la commission administrative permanente de la fédération de la Haute-Vienne. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, il était encore membre du Parti socialiste SFIO et appartenait à la commission administrative de la fédération de la Haute-Vienne. En 1903, Tillet fut un des fondateurs de la « Céramique », fabrique coopérative de porcelaine. Mais la société fondatrice fut liquidée en 1905, sans que la fabrique ait pu fonctionner.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article132679, notice TILLET Jacques , version mise en ligne le 30 novembre 2010, dernière modification le 30 novembre 2010.

SOURCES : Comptes rendus des congrès nationaux et internationaux de la Céramique, de 1900 à 1931. — Comptes rendus des congrès nationaux de la CGT. En ce qui concerne celui de 1895, le nom de Tillet ne figure pas dans le compte rendu imprimé, mais dans le rapport du commissaire de police de Limoges, 2 octobre 1895, cf. Arch. Nat. F7/ 12 491. — G. Lefranc, « À l’occasion d’un cinquantenaire : la Charte d’Amiens », Information historique, novembre-décembre 1956, p. 178. — L’Ouvrier céramiste, organe de la Fédération ouvrière de la Céramique, publié à Limoges : numéros de septembre 1931 et de janvier 1937.

ICONOGRAPHIE : La CGT, op. cit., p. 340.

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