BAZIN Gustave. [Belgique]

Par Jean Puissant

Né à Passy (ancienne commune de la Seine, aujourd’hui 16e arrondissement de Paris, France) le 2 novembre 1842. Ouvrier bijoutier-joaillier, militant de l’Association internationale des travailleurs, militant socialiste syndical, fondateur de la Chambre du travail à Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale).

Gustave Bazin est membre de l’Association parisienne des bijoutiers qui adhère à l’Association internationale des travailleurs (AIT). Durant le siège de Paris, il milite à l’Union républicaine de Boulogne-sur-Seine (département des Hautes Seines, France) où il vit. Il sert au 39ème bataillon de la Garde nationale.

Après le 18 mars 1871, Gustave Bazin est nommé conservateur du bois de Boulogne et essaie d’entraîner Boulogne dans la Commune. Il porte le grade de capitaine et est attaché à la commission des barricades. Condamné à la déportation par contumace, il s’enfuit à Genève (Suisse), où il est membre de l’Association des bijoutiers, affiliée à l’AIT. Il y est actif, en particulier lors de la grève de novembre 1872 à mars 1873 qui permet d’obtenir la journée de neuf heures.
Gustave Bazin devient secrétaire du Comité fédéral régional Suisse et participe, à ce titre, au Congrès de Genève de l’AIT - tendance Conseil général - dont il est l’un des deux secrétaires de langue française.

Gustave Bazin joue un rôle dans l’éphémère Ligue universelle des corporations ouvrières et collabore à son organe, L’Union des travailleurs. D’après un rapport de police, c’est pour trouver des adhérents à cette dernière qu’il vient à Bruxelles en octobre 1873 où il travaille comme bijoutier. Il reste correspondant bruxellois de l’Union des travailleurs en 1873-1874.
Gustave Bazin assiste à la Noël 1873 au Congrès belge de l’AIT. Laurent Verrycken veut l’en faire exclure en raison de son action hostile à l’AIT à Genève. Bazin s’en défend. Il prétend que la ligue a été créée pour faire « plus de propagande fructueuse » à côté de l’AIT et que ses opinions sont autonomes et non autoritaires. Il affirme également qu’il quitte cette ligue et qu’il s’associe aux principes de l’AIT.
Convoqué à la Sûreté de l’État, Gustave Bazin promet de ne pas s’occuper de politique en Belgique. De fait, il est membre de la Société du prêt mutuel qui réunit les communards à Bruxelles et où il réussit d’ailleurs à faire admettre les femmes. Mais surtout il milite à l’Association syndicale des ouvriers bijoutiers et défend inlassablement l’idée de la fédération des sociétés ouvrières de Bruxelles.

Gustave Bazin semble bien être le véritable fondateur de la Chambre du travail à l’idée de laquelle il rallie César de Paepe*. Il rédige son règlement d’ordre intérieur avec quatre autres compagnons et impulse diverses idées de base de la nouvelle société. Opposé à l’adhésion de personnes extérieures au monde ouvrier, il est partisan d’une véritable fédération syndicale régionale, préoccupée uniquement d’action sociale en dehors de l’AIT, dont la réputation n’est pas bonne dans de nombreuses sociétés ouvrières. Laurent Verrycken le considère comme le principal responsable du mouvement extérieur, voire opposé à l’AIT à Bruxelles.

Avec Sellier*, Gustave Bazin est le principal mentor de Louis Bertrand, jeune ouvrier marbrier, qui prend peu à peu la place la plus en vue à la Chambre du travail. Il est également partisan du paiement de cotisations régulières et élevées. En septembre 1875, il propose la création d’une section mixte, au sein de la Chambre du travail, pouvant accueillir les affiliés dont les associations professionnelles refusent de devenir membres de la Chambre. La rivalité avec l’AIT s’affirme donc nettement.

En décembre 1876, Gustave Bazin plaide en faveur d’une union ouvrière belge. Réticent à propos des coopératives de production que la Chambre du travail ne soutient pas directement, il est partisan de la campagne de pétitionnement en faveur de la réglementation du travail des femmes et des enfants. Mais cette fois, il en a fait trop et trop ouvertement. La police l’a signalé à des réunions de l’AIT et, en janvier 1877, il est recherché « ... à cause de la trop grande part qu’il prend à l’organisation des associations ouvrières ». Avant d’être expulsé, il se réfugie à Londres où il poursuit ses activités militantes comme membre de la Société internationale des joailliers, bijoutiers. Il revient régulièrement à Bruxelles où il a laissé des amis et des parents, puisqu’il a épousé la sœur de César de Paepe le 19 novembre 1878.

Reçu membre de l’Affranchissement en 1874, Gustave Bazin semble avoir adhéré aux Solidaires après la scission des Cosmopolitains en 1875. Il participe encore au Congrès socialiste international de Gand (Gent, pr. Flandre orientale, arr. Gand) en septembre 1877. Il représente des associations françaises de Londres, notamment les communards. Il vote, avec les Anglais, les Allemands, les Gantois et leurs alliés bruxellois, notamment César De Paepe, obligé de choisir définitivement son camp, contre les principes anarchistes. Un rapport à la préfecture de police de Paris signale que « Bazin est dévoué au socialisme, il consacre tous ses loisirs à l’étude des principes qu’il professe et qu’il explique dans les réunions du prêt mutuel... Il est cité comme un des bons orateurs des cercles de Bruxelles. » Il collabore à La Voix de l’ouvrier de Louis Bertrand ainsi qu’au Socialisme progressif de Benoit Malon* et à L’Égalité de Jules Guesde*.

Rentré à Paris à la suite des mesures d’amnistie envers les communards, Gustave Bazin est administrateur de L’Égalité deuxième série et est candidat guesdiste lors de diverses élections. Mais pas plus que La Voix de l’ouvrier, L’Égalité n’est une affaire prospère. Il écrit à son ami, Louis Bertrand : « Fais-tu le nécessaire pour vivre… Nous sommes peut-être bêtes de ne pas croire en un bonheur extra-terrestre. Puisque le bonheur n’est qu’une illusion sur cette terre, pourquoi ne pas nous monter le col qu’il y aura quelque chose ailleurs… je bêtifie ». En 1890, il participe au rapatriement de la dépouille mortelle de César De Paepe, décédé à Cannes, et prononce un discours au nom du Parti socialiste français, lors de ses funérailles le 25 décembre. En 1892, il vit dans le XVIIIe arrondissement où il dirige une petite fabrique prospère de jeux employant douze à quinze ouvriers. Il est à ce moment toujours guesdiste.

Gustave Bazin se révèle donc être un élément extrêmement important à Bruxelles du passage de l’AIT au socialisme démocratique par la Fédération des sociétés ouvrières plus que Louis Bertrand, très jeune encore, qui, dans ses souvenirs, sous-estime nettement son rôle afin de surévaluer le sien. Il est le véritable initiateur de la Chambre du travail, sa qualité d’étranger l’empêchant de jouer ce rôle publiquement. Par contre, dès qu’il propose de passer à un niveau supérieur d’organisation par la formation d’une Union ouvrière belge, la police s’inquiète et le force à quitter le pays.

Gustave Bazin est sans doute l’une des personnalités clés de la période 1874-1876 à Bruxelles et en Belgique, en raison de l’influence exercée sur Louis Bertrand, mais aussi sans doute sur César De Paepe qui, restant fidèle à l’AIT, n’encourage pas moins efficacement les efforts des modérés.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article138505, notice BAZIN Gustave. [Belgique] par Jean Puissant, version mise en ligne le 6 octobre 2011, dernière modification le 12 décembre 2023.

Par Jean Puissant

SOURCES : Archives générales du Royaume, fonds Police des Étrangers, n° 270, 427 − WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging ten tijde van de Ie internationale (1866-1880), delen I-II-III, 1970-1971 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 60) − BERTRAND L., Souvenirs d’un meneur socialiste, Bruxelles, vol. 1, Bruxelles, 1927, p. 125 − BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, t. 2, Bruxelles, 1907, p. 294 − MAITRON J. (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. IV, 2e partie : La Première Internationale et la Commune, Paris, 1967, p. 225-226 − VAN DEN DUNGEN P., La foi du marbrier, Louis Bertrand (1856-1943), acteur et témoin de la naissance du socialisme belge, Bruxelles, 2000 − GUILLAUME J., L’Internationale, documents et souvenirs, 2e partie : 1872-1878, Paris, rééd., 1985.

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