LOUBIER Pierre, Antoine

Par Romain Vila

Né le 24 avril 1910 à Fontanes (Lozère), mort le 14 juin 1985 à Saint-Privat-des-Vieux (Gard) ; secrétaire général de la mairie de Colombes (Seine) ; secrétaire général de la Fédération des syndicats chrétiens des personnels communaux (1945-1946), de la Fédération nationale des syndicats de personnels communaux CFTC (1946-1951), membre du bureau fédéral (1951-1955), puis président (1955-1969) et président d’honneur (1969) ; membre du Conseil supérieur de la protection civile (1947), du Conseil national des services publics (1948), de la Commission supérieure du Fonds national de compensation des allocations familiales (1957), de la Commission nationale paritaire du personnel communal (1957-1961), du conseil d’administration provisoire (1947-1948) puis du collège des agents en activité de la caisse nationale de retraites (1948-1949), secrétaire (1949-1954) puis vice-président (1954-1959) du conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Pierre Loubier, <em>La Voix des Communaux</em>, juin 1965
Pierre Loubier, La Voix des Communaux, juin 1965

Fils d’Auguste Loubier, cultivateur, et de Marie Chambefort, Pierre Loubier fut placé comme garçon de ferme en Lozère mais eut la volonté de faire des études. Il obtint en 1937 un diplôme de l’école nationale d’administration municipale qu’il avait préparé à la faculté de droit et lettres de l’université de Paris. Depuis 1935, il habitait Bois-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine) où il eut plusieurs domiciles. Son installation dans cette commune coïncidait avec le début de son activité professionnelle (juillet 1935) en tant que commis à la mairie. Après avoir été mobilisé de septembre 1939 à août 1940, il reprit son travail et devint successivement sous-chef de bureau (1942), chef de bureau (1945) et enfin chef de bureau chargé de l’aide sociale (1954). Après un passage à la mairie de Vanves (Seine) comme secrétaire général adjoint (1956-1959), il devint à partir du 1er mai 1959 secrétaire général de la mairie de Colombes, fonction qu’il exerça aux côtés du maire communiste Dominique Frélaut jusqu’à son départ à la retraite en mars 1973.

Parallèlement, Pierre Loubier s’investit dès la création du syndicat professionnel des personnels communaux de la région parisienne et en devint le secrétaire général (1946) puis le vice-président (1947) tout en assurant le secrétariat administratif. Membre du conseil syndical, il demanda lors du congrès du 6 mai 1948 à être dégagé de ses responsabilités pour se consacrer à l’activité de la Fédération. En effet, dès le 15 septembre 1945, date de la tenue du premier congrès de la Fédération des syndicats chrétiens des personnels communaux à Paris – qui prit le nom de Fédération nationale des syndicats de personnels communaux CFTC au congrès suivant le 9 octobre 1946 –, Pierre Loubier fut élu secrétaire général. Principale plume du journal fédéral La Voix des communaux de mai 1946 à 1948, il en était aussi le directeur-gérant jusqu’en mai 1952, souhaitant réaliser un « journal corporatif », recueillant une documentation professionnelle pour « un syndicalisme libre, uniquement préoccupé de la défense professionnelle ». La naissance de la Fédération fut étroitement liée à sa vie personnelle : un temps, l’adresse du siège fédéral et de La Voix des communaux était également celle de son lieu d’habitation. Toute la correspondance fédérale – même celles de la trésorerie, des comptes chèques postaux et de la gestion de la caisse de solidarité qu’il assumait en 1948 – lui était adressée à son domicile de Bois-Colombes jusqu’en octobre 1950, en dépit de l’emménagement du secrétariat fédéral au 26 rue de Montholon à Paris (IXe arr.) le 1er janvier 1949.

En 1948, les signes d’une santé fragile se manifestèrent. À sa demande, le bureau fédéral du 30 septembre 1951 le releva de ses fonctions. Désormais simple membre du bureau fédéral, il n’en resta pas moins actif, étant en charge des questions de statut, de caisse de retraites, de service contentieux – il gagna en 1961 deux affaires (« défense du droit de la femme égal à celui de l’homme » dans la fonction communale et reconnaissance de services de Résistance avec l’application des avantages) devant le Conseil d’État –, de coordination d’ensemble et de documentation générale. Sa grande maîtrise des dossiers techniques était reconnue de tous, certains le qualifiant de « théoricien ». Lors du Xe congrès fédéral de juin 1955 – durant lequel il fut fait chevalier du Mérite social –, Pierre Loubier devint président fédéral.

En spécialiste des questions statutaires, il promut l’adoption du statut général du personnel communal. Dès 1947, il exposa dans la presse fédérale les controverses opposant la CFTC en faveur d’un statut-loi à la CGT pour un statut-type. Il présenta un rapport sur « le statut » lors du VIe congrès fédéral d’avril 1951, anima une commission fédérale « statut », et n’eut de cesse de porter cette revendication d’octobre 1946 à mars 1957. Il rencontra les groupes parlementaires communiste et socialiste, gagna l’appui du Mouvement républicain populaire (MRP), convainquit la CGT et les Autonomes de rejoindre un temps la CFTC dans un « comité d’entente pour le statut », rallia la CGT-FO à cette revendication. Après un marathon législatif, plusieurs menaces de grèves d’avertissement et le positionnement de l’Association des maires de France (AMF) en sa faveur, la loi portant sur le statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux fut promulguée le 28 avril 1952. Cette loi fut étendue aux sapeurs-pompiers professionnels et aux personnels des offices publics d’HLM par des décrets du 7 mars 1953 et du 13 octobre 1954, mais face à une application tardive, Pierre Loubier appela les syndicalistes à « harceler […] (les parlementaires) avec le […] statut ». Il mena de nouvelles délégations fédérales à l’Assemblée nationale et au Sénat, et finalement une loi modificative fut adoptée le 22 mars 1957.

À la suite à cette conquête, la commission nationale paritaire (CNP) du personnel communal fut mise en place. Lors de la première élection des représentants du personnel le 18 juin 1957, Pierre Loubier fut élu sur la liste d’organisation et de défense de la fonction communale, occupant pour quatre ans le seul siège de titulaire élu obtenu par la CFTC. À ce titre, il fit partie de la commission chargée de la préparation d’avis sur les textes réglementaires pour l’application du statut.

Il s’investit également au sein de la caisse nationale de retraites, créée par un décret du 19 septembre 1947, qui devint la CNRACL. Il fit partie du conseil d’administration provisoire qui siégea pour la première fois en mai 1948 et, à l’issue des premières élections, occupa le seul siège obtenu par la CFTC dans le collège des agents en activité. L’année suivante, en tête de liste de l’union interfédérale des services publics CFTC, il fut élu secrétaire du bureau du conseil d’administration de la CNRACL jusqu’au 22 mars 1954, date à laquelle il devint l’un des deux vice-présidents du conseil d’administration jusqu’en octobre 1959.

Promu à de nouvelles responsabilités professionnelles, en pleine guerre d’Algérie, il sembla prendre ses distances avec les plus hautes fonctions syndicales, bien que participant aux différents congrès syndicaux, fédéraux et, en mai 1962, à celui de la Fédération internationale des syndicats chrétiens des services publics et des PTT. La même année, il fut nommé chevalier dans l’ordre du Mérite civil, et assura un temps l’intérim du poste de secrétaire général de la Fédération des communaux CFTC laissé vacant à la suite du décès de Renée Gohin en juin 1963.

Il faut attendre la tenue du XVe congrès fédéral extraordinaire les 30 et 31 janvier 1965 à Paris sur l’évolution de la CFTC en CFDT pour que son autorité morale soit à nouveau mise à contribution. Dans la presse fédérale, il déclara ne s’être « jamais passionné pour ce sujet » mais qualifia les débats de « magnifique courtoisie […] quelles que soient les thèses soutenues ». Toutefois, à l’issue d’un vote qui scinda la Fédération en deux au profit des partisans de l’évolution, plusieurs responsables fédéraux rejoignirent la « CFTC maintenue ». Désappointé par ces départs, Pierre Loubier se conforma au vote majoritaire en demeurant un président actif de la nouvelle Fédération nationale des syndicats de personnels communaux CFDT. En janvier 1968, il présida la commission fédérale d’étude du projet ministériel sur le fonctionnement des institutions communales et mena la délégation fédérale reçue par deux fois au ministère de l’Intérieur. À l’issue des événements de Mai-Juin 68, Pierre Loubier, qui jouissait d’une grande notoriété aux yeux des communaux CFTC, sembla marginalisé par les militants CFDT issus de la génération 68. On peut supposer qu’il ait été en désaccord avec l’orientation fédérale post-68 et qu’il ait vraisemblablement préféré quitter la CFDT sur la pointe des pieds. Quoi qu’il en fût, il devint président d’honneur lors du XVIIe congrès fédéral d’octobre 1969 mais ne se représenta pas comme candidat au bureau fédéral. Selon un militant, il aurait déclaré : « Je ne reconnais pas cette Fédération que j’ai portée sur les fonds baptismaux il y a vingt-cinq ans. »

Pierre Loubier s’était marié le 18 juillet 1936 et était père de deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article140279, notice LOUBIER Pierre, Antoine par Romain Vila, version mise en ligne le 9 avril 2012, dernière modification le 21 décembre 2017.

Par Romain Vila

Pierre Loubier, <em>La Voix des Communaux</em>, juin 1965
Pierre Loubier, La Voix des Communaux, juin 1965

SOURCES : Arch. interfédérales CFDT ; La Voix des communaux (1946-1974), cartons 1MP14, 2MP9 et 2MP10 ; La Voix des communaux-informations (1965 à 1969), carton 1MP15. — Arch. municipales de Bois-Colombes, de Colombes et de Vanves. — « M. Pierre Loubier, un de nos bons fonctionnaires municipaux nous quitte », journal paroissial L’Aubépine, 42, juin 1956, p. 6. — Romain Vila, Histoire de la Fédération Interco CFDT, Arbre bleu éditions, Nancy, 2014, . — Correspondance avec Jean-Mary et Tonia Scavennec (première secrétaire générale de la Fédération Interco CFDT). — Notes de Jeanne Siwek-Pouydesseau.

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