Par Rolf Dupuy
Né à Livourne (Italie) le 8 octobre 1886, mort le 27 octobre 1960. Cheminot. Militant anarchiste italien en France et volontaire en Espagne.
Après des études dans une école technique, Enzo Fantozzi entra aux chemins de fer et adhéra au syndicat des cheminots. Il participa à de nombreuses grèves. Muté à Florence en 1906, il était signalé par la police comme « socaliste antimilitariste » et « actif propagandiste ». Il participa et intervint dans de nombreux congrès de cheminots dont celui d’Ancône (10 décembre 1909), au congrès national de Florence (1er-3 octobre 1911).
Le 12 juillet 1914 il prit la parole sur la tombe de Placido Calderai, un des ouvriers tués lors de la Semaine rouge. Fiché par la police, il était décrit comme étant doté d’un « caractère impétueux » et lors des derniers mouvements d’agitation d’avoir « toujours prononcé des discours violents, incitant à la grève et à la révolution ». Le 4 décembre 1914, avec Mario Garuglieri, Gregorio Benvenutti et quelques 200 autres anarchistes et socialistes, il participa à la fondation d’un Comité International contre la guerre. En cas de mobilisation, il proposa, en février 1915, un plan pour isoler la ville (sabotage des lignes téléphoniques, blocage des voies ferrées et des ponts, saisie des armes, etc…). Il fut ensuite l’un des promoteurs, avec d’autres membres du comité, du journal antipatriotique Civiltà (Florence, n°1, 25 mars 1915). Le 22 mai il fut arrêté à Livourne, accusé d’avoir organisé la résistance à la mobilisation et d’avoir proposé le sabotage de voies ferrées. Relâché le 5 juin, il fut envoyé sous les drapeaux en novembre et incorporé dans un régiment d’infanterie à Gênes. En 1916, exempté, il fut réquisitionné pour travailler dans une usine de munitions à Livourne. L’année suivante, son exemption fut annulée et il fut renvoyé à l’armée. Le 5 mars 1918, lors d’un congrès de cheminots à Rome, il tint un violent discours soutenant la révolution russe.
De retour à Florence il participa les 1er-3 juillet 1920 au IIe congrès de l’Union Anarchiste Italienne (UAI). En février 1923 il fut arrêté à La Spezia et en juillet renvoyé des chemins de fer suite à sa participation à la grève générale antifasciste d’août 1922. Renvoyé de force à Livourne, où les nervis fascistes attaquèrent sa maison et l’obligeèrent à boire de l’huile de riçin, Enzo Fantozzi émigra alors clandestinement en France et s’installa en région parisienne. Membre de la section des cheminots italiens en exil, il participa à Paris, avec entre autres A. Borghi, Alberto Meschi et Erasmo Abate, à la fondation du groupe P. Gori.
Le 11 septembre 1925 il fut l’objet d’un arrêté d’expulsion, mais parvint à obtenir un sursis renouvelable lui permettant de rester en France. Il habitait alors à Sartrouville, 21 avenue de la République. Début 1926 il participa à une tournée de propagande à Lyon et à Marseille où il se déclara en faveur d’un « front unique prolétarien dans la lutte contre la dictature fasciste » et critiqua les « anarchistes intransigents » qui refusaient toute collaboration avec les autres forces antifascistes.
Membre du Comité international de propagande anarchiste, Enzo Fantozzi fut suspecté en 1928 par les autorités fascistes italiennes d’avoir projeté de rentrer en Italie pour « tuer le Roi ou Mussolini » avec l’aide des compagnons Quisnello Nozzoli et Angelo Diotallevi qui habitaient avec lui à Garges-les-Gonesses. Il habita ensuite à Alençon (Orne) où il était membre du groupe libertaire italien Caserio. Revenu à Paris en 1932, il fut une nouvelle fois suspecté par les autorités fascistes de préparer un attentat contre le Duce.
En avril 1934, il prit la parole avec Alberto Tarchiani, Ernesto Bonomini* et Maria Luisa Berneri* lors de l’enterrement d’Emidio Recchioni au cimetière du Père-Lachaise. Il fut ensuite nommé avec Carlo Roselli et Angelo Monti au comité exécutif de la Ligue Italienne des Droits de l’Homme (LIDU) lors du congrès de la fédération d’Ile-de-France. Lors du congrès national de la LIDU en octobre à Grenoble, il invita les congressistes à « protester contre l’arrestation en URSS de l’anarchiste Petrini ». Lors du congrès antifasciste tenu à Bruxelles les 12-13 octobre, il souleva une nouvelle fois le cas de Petrini, ce qui entraîna les protestations des communistes. Les 1-2 novembre 1935 il participa, avec entre autres Umberto Tommasini, Rodolfo Gunscher, Angelo Bruschi, Antonio Cieri et Giulio Bacconi*, au congrès italien de Sartrouville où fut fondé le Comite Anarchico d’Azione Rivoluzionaria.
En juillet 1936 il fit partie du premier groupe de compagnons italiens (Berneri*, Bifolchi*, Centrone, Girotti, Perrone, Bonomini*...) à gagner Perpignan chez Pasotti pour aller combattre en Espagne dans la section italienne de la Colonne Ascaso. Il participa le 28 août 1936 aux combats du Monte Pelato. Il fut ensuite membre du Comité d’investigation de la Fédération Anarchiste Ibérique (FAI) chargé de l’accueil à la frontière de Port Bou des volontaires italiens et étrangers ; il était aidé dans cette tâche par Bonomini, Francesco Barbieri, Ludovico Rossi, Renato Castagnoli et Domenico Ludovici*. Revenu à Barcelone en avril 1937, il habitait alors 2 plaza del Angel, à l’angle de la Via Layetana, avec Berneri, Barbieri, Mastrodicasa*, Fosca Corsinovi et Tosca Tantini. Arrêté par les staliniens lors des évènements de mai 1937, il échappa deux fois à l’exécution et fut relâché au bout de quinze jours de détention. En juillet il rentra en France où il démissionna de la LIDU pour protester contre l’influence des communistes.
En 1937 il figurait sur une liste émise par la direction de la Sûreté générale intitulée Menées terroristes, ce qui lui valut, le 18 juillet 1938, d’être arrêté à Paris lors de la visite des souverains britaniques, puis d’être à nouveau menacé d’expulsion. Au printemps 1939 il participa à l’aide aux compagnons et en particulier au départ pour les USA de Bonomini après son évasion du camp de concentration de Rieucros. En 1940 il était à Fontenay s/Bois et figurait sur une liste de militants transmise par les autorités italiennes aux forces d’occupation allemande en vue de leur arrestation. Pendant l’Occupation, il aurait participé à la résistance et à un maquis en France avant de regagner l’Italie.
A la Libération, Enzo Fantozzi était à Livourne où il continua à militer jusqu’à son décés survenu le 27 octobre 1960.
Par Rolf Dupuy
SOURCES : Mémoires de U.Marzocchi in Rivista A, Milan, n°140, octobre 1986 — Dizionario biografico degli anarchici…, op. cit. (Notice de F. Bucci, R. Bugiani & A. Tozzi) — AD Gard 1 M757 (Menées terroristes, 16 avril 1937, 97 p.) — Controcorrente, Boston, décembre 1960 (dit qu’il est décédé le 6 novembre).