LOUP Elyette [Dictionnaire Algérie]

Par René Gallissot

Née en 1934 à Birtouta ; étudiante communiste au service du PCA clandestin en 1955 ; arrêtée en 1957, torturée à la Villa Sésini à Alger, transférée en prisons métropolitaines ; revenue à Alger au service de la direction clandestine du PCA, travaillant aux côtés de Sadek Hadjerès, dirigeant du PCA qu’elle épouse à l’indépendance ; demeurée à Alger après le coup d’État du 19 juin 1965, séparée de son mari devenu dirigeant du PAGS et qui vit en exil.

Elyette Loup vit le jour à Birtouta sur la ferme coloniale de sa mère Jeanne Loup. Si celle-ci était une progressiste proche du PCA, elle tenait rigueur à Elyette d’être sa troisième fille sans avoir de garçon. Laissée à elle-même à la ferme, Elyette Loup s’éloigne du domaine en venant faire ses études secondaires au Lycée de filles d’Alger. C’est sa sœur aînée qui reprend l’exploitation agricole en 1948, la faisant produire sur le mode colonial. Au souvenir de la guerre d’Espagne et marquée par l’esprit antifasciste qui l’emporte dans ces années, Elyette Loup, qui va chercher ses lectures à « la librairie du parti » (PCA) au centre d’Alger, devenant après le baccalauréat étudiante en économie à la Faculté, adhère au PCA à dix-neuf ans en 1953.

Revenant sur elle-même en 1992-1993 dans son témoignage confié à Andrée Dore-Audibert, elle va jusqu’à dire : « C’est le parti qui m’a fait comprendre la vie, qui m’a donné l’amour national pour l’Algérie ou plutôt qui me l’a révélé, qui lui a donné pour moi sa signification… J’avais également besoin de retrouver le père qui m’avait manqué et de me démarquer par rapport à mes sœurs ».

En septembre 1955, le PCA est interdit ; elle devient agent de liaison. « J’avais le privilège d’avoir une voiture. Je m’occupais du courrier, des tracts, de l’imprimerie, travaillant auprès d’André Moine, secrétaire français du PCA, et d’Ahmed Akkache, secrétaire du PCA chargé du journal Liberté. « Qui aurait pu soupçonner dans cette élégante jeune européenne, écrit Henri Alleg, une militante communiste, « complice des fellaghas ».

Elle échappe, certes, à l’arrestation, mais sa photo est diffusée ; elle est reconnue à un barrage le 2 avril 1957. Les parachutistes la conduisent à la Villa Sésini où sévit le capitaine Faulques, pour quatre jours et quatre nuits de torture, faisant alterner les supplices de l’eau et de l’électricité, le chantage et les simulacres d’exécution. Elle ne parle pas comme le confirme Aussaresses à Jean-Charles Deniau en 2012 : « C’était une militante coco. C’est Faulques qui l’a interrogée mais j’ai suivi. Elle a parlé ? Non, elle n’a rien dit. » (p. 97). Elle est incarcérée le 12 avril au quartier des femmes de la prison Barberousse (Serkadji) ; elle y reste deux ans au milieu des combattantes du FLN et du PCA. Au procès du PCA, pour avoir imprimé le journal La Voix du soldat (voir André Moine) en novembre 1958, elle est condamnée à trois ans de prison. Emprisonnée à Maison-Carrée (El Harrach), elle est transférée ensuite à la prison des Baumettes à Marseille. La remise de peine décidée par le général de Gaulle la conduit en résidence surveillée à Rennes.

Avec de faux papiers, le PCA la fait embarquer sur un bateau pour le retour en Algérie. Elle reprend le travail clandestin de secrétariat des textes de la direction du PCA qui a ses caches, et des tracts et de journaux recto-verso, à Alger puis à Oran. C’est à Oran qu’elle fait la connaissance de Sadek Hadjerès qui, avec Bachir Hadj-Ali, dirige le PCA interdit. « On ne se marie pas car le PCA ne donne pas la permission. On doit se consacrer entièrement au Parti ». Ils se marient après l’indépendance en 1962 ; Elyette Loup a pris la nationalité algérienne. Sadek Hadjerès est à la direction du parti de l’Avant-garde socialiste (PAGS) qui est toléré sous Ben Bella.

Dans son retour en arrière trente ans après, Elyette Loup dit encore : « Lorsque mon mari militait, il était toujours absent, nous avons vécu trois ans ensemble… J’ai couru après lui pour faire mes enfants ». Après Ali et Samia nés en ces années, le couple adopte une orpheline de cinq ans, Touria, juste avant le coup d’État militaire de juin 1965. Sadek Hadjerès est arrêté, torturé, puis quitte l’Algérie. Il ne revient à Alger que lorsque le PAGS est autorisé en 1989, accompagné de sa nouvelle compagne, une communiste grecque. Le divorce suit. Elyette Loup demeure à Alger. « Pour moi, mon pays est l’Algérie ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article158576, notice LOUP Elyette [Dictionnaire Algérie] par René Gallissot, version mise en ligne le 2 mai 2014, dernière modification le 25 octobre 2022.

Par René Gallissot

SOURCES : Andrée Dore-Audibert, Des Françaises d’Algérie dans la guerre de libération, Karthala, Paris, 1995. — Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN. 1954-1962, Fayard, Paris, 2002. — Henri Alleg, Mémoire algérienne, Stock, Paris, 2005. — Jean-Charles Deniau, La vérité sur la mort de Maurice Audin, Équateurs, 2014.

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