CHAUSSADE Joseph

Par Pierre-Henri Zaidman

Né le 12 septembre 1817 à Saint-Léonard (Haute-Vienne) ; tailleur d’habits ; révolutionnaire de 1848, puis communard, déporté en Nouvelle-Calédonie.

Fils de Jean-Baptiste Chaussade et Marie Denaud. Son père et son oncle exerçaient le métier de tanneur. Joseph Chaussade devint tailleur d’habits et fut exempté du service militaire par le conseil de révision de la classe 1837 « pour tumeur enkystée aux jambes ». Ses « jambes arquées » ne l’empêchent pas de monter à Paris avant 1843. Il fut condamné en 1843 et 1846, pour outrage public à la pudeur et pour abus de confiance. Il travailla pour divers patrons tailleurs en particulier chez Félix Alfrette, 7, rue de Londres dans le quartier des Batignolles. Il logea d’abord chez un de ses parents, Denaud, pharmacien, 37, rue de la Grande-Truanderie puis 89, rue Saint-Lazare, chez un dénommé Bras, partageant son logement avec un autre tailleur, collègue de travail et limousin comme lui, Jean-Baptiste Dulac.

Le 25 juin 1848, le général Cavaignac écrasa l’insurrection au faubourg Saint-Antoine. La répression commença avec le concours bénévole de dénonciateurs, « honnêtes citoyens ». Ce même jour vers midi, cinq gardes nationaux de l’ordre se présentèrent chez Félix Alfrette. Ils perquisitionnèrent et trouvèrent deux fusils. Alfrette se disant malade, les gardes arrêtèrent les trois ouvriers présents : Joseph Chaussade, Jean-Baptiste Dulac et Henri Keuck. Ils furent incarcérés à la Conciergerie. Près de mille six cents hommes « n’ont pu trouver place qu’assez difficilement dans cette vaste prison ; ils encombrent les préaux… Le costume, l’air la condition sociale des insurgés présentent les contrastes les plus variés : Auprès de la blouse de l’ouvrier on trouve l’uniforme du garde républicain. Auprès du frac de bourgeois, la tunique du gardien de Paris. »

Les prisonniers furent interrogés à partir du 1er juillet. :

« - Avez-vous travaillé aux Ateliers nationaux ?

- Non, répondent Chaussade et Dulac.

- Êtes-vous à la Garde nationale ?

- Non, répond Dulac » (la réponse de Chaussade n’est pas connue).

Interrogé comme témoin, Alfrette précisa ainsi l’emploi du temps de son ouvrier : « Le 23 juin, Chaussade arrive à 8 heures du matin et part presque immédiatement chez un autre patron ; il rentre vers 4 ou 5 heures pour dîner avec nous. Le samedi (24 juin), il est présent presque toute la journée. » Il ajoute : « C’est moi que la garde nationale venait chercher. »

Les « honnêtes gens », témoins à peu près unanimes, accablèrent Alfrette en l’accusant avec plus ou moins de précision, d’être « un agitateur communiste ». Aucun ne connaissait Chaussade et ses deux compagnons.

Joachim Navet, boucher au n°2 de la rue de Londres « Alfrette, communiste, est venu lire le journal de Cabet au poste de la Garde. »

Antoine Albaret demeurant au n°17 : « Le 25 juin vers 5 heures du matin, un suspect, qui avait un air extraordinaire (sic), examinait la caserne en face de chez moi ; il allait et venait puis il est rentré chez Alfrette, républicain et socialiste qui a été battu aux élections de lieutenant de la Garde nationale aux cris de "A bas les communistes !" ».

Jean Dehays, surveillant de voitures publiques au n°3 : « Alfrette n’était pas malade ; il guettait par la porte entrebâillée. Il s’est couché pour faire croire à sa maladie ».

Boiteux, un voisin du dessus : « Alfrette a passé toute la nuit du samedi au dimanche (24 au 25) à fondre des balles. »

Après deux mois de prison préventive, Joseph Chaussade et Jean-Baptiste Dulac furent traduits devant un tribunal militaire. Ils furent relaxés et remis en liberté le 1er septembre 1848, « les dépositions ne chargeant que le nommé Alfrette, non inculpé. »

Joseph Chaussade n’était pas un militant aux idées arrêtées mais « une sorte d’engrenage s’est enclenché, et peut-être est-ce ainsi qu’on devient révolutionnaire. » Quelques temps après on le retrouva tailleur à son compte, 13, rue de l’Écluse aux Batignolles, il était adhèrent à la Société des Droits de l’Homme.
Le 4 décembre 1851 au surlendemain du Coup d’État, il fut arrêté puis relâché quelques heures plus tard, car on ne retint contre lui que de « mauvais antécédents »

À la suite de l’attentat de Felice Orsini contre Napoléon III et le cortège impérial, le 14 janvier 1858, la loi de Sûreté générale du 19 février, déboucha sur de nombreuses arrestations et déportations d’opposants. Joseph Chaussade fut arrêté dans la nuit du 23 au 24 février et incarcéré à Mazas. Il fut alors assigné à résidence à Dellys, petite ville côtière située à 100 km à l’est d’Alger. Une décision impériale du 17 juillet 1859 autorisa son retour en France. Il épousa Eugénie Dastot, le couple n’eut pas d’enfants.

Il était peut-être membre de l’Internationale et pendant le Siège de Paris, il rentra dans la 6e compagnie du 91e bataillon de la Garde nationale. Il continua son métier de tailleur et fut domicilié 85, rue de Clichy aux Batignolles. Il prit parti pour la Commune, et, à partir du 26 avril 1871, fut employé à la mairie du XVIIe arrondissement au bureau de l’armement, ce qui le conduisit à procéder à des perquisitions pour rechercher des armes cachées et signer des affiches de réquisition. On le voit « portant un large ceinturant rouge avec un revolver. » Il fréquenta « journellement » le club de l’église Saint-Michel face à son domicile et assista régulièrement aux séances du club du théâtre des Batignolles. Échappant à la répression versaillaise, il réussit à se cacher chez son beau-frère, 112, rue des Boulets.

En juillet 1871, sa femme emménagea à Montmartre, 33 rue des Acacias puis en février 1872, le couple s’installa 20, passage de l’Elysée-des Beaux-Arts près de la place Pigalle. Chaussade réussit à trouver un emploi chez un tailleur militaire, rue de Richelieu. Il craignait pour sa liberté et, averti d’une arrestation imminente, dans les premiers jours de juin 1872, il gagna la Suisse sous l’identité de Bernaudon, fleuriste, 17, passage de la Santé. Il arriva à Genève le 17 juin. Il devint membre de deux groupes d’aides aux proscrits « La Solidarité » et la « Marmite sociale ». Pour des raisons inconnues, il regagna la France et fut arrêté le 17 décembre 1872 à la gare de Lyon puis déféré au dépôt de la Préfecture de police.
Il comparut le 8 mars 1873 devant le 5e Conseil de guerre qui le condamna à la déportation en enceinte fortifiée, jugement confirmé en révision le 24 mars suivant. Il fut incarcéré à Saint-Martin-de-Ré en août 1873 et embarqué sur La Sibylle le 1er février 1874. Après 112 jours de traversée, il arriva à Nouméa le 9 août 1874. Installé à la presqu’île Ducos, il fut noté comme « bon ouvrier tailleur, tranquille et soumis, compris dans la catégorie des bons travailleurs. Il fut tailleur d’habits pour le chef-lieu et il avait presque constamment de l’ouvrage. Bonne moralité ». Sa peine fut commuée en déportation simple, le 11 août 1877, il passa lors sur l’Ile des Pins et obtint le 19 novembre 1878 sa grâce sous condition de résidence. Il fut entièrement gracié par décret du 17 mai 1879. Il fut rapatrié par La Loire, puis demanda son certificat d’amnistie le 10 mai 1880.

Il s’installa 7, rue du Cambodge dans le XXe. Il obtint au titre de la loi de réparation nationale du 30 juillet 1881 sur l’indemnisation des victimes du coup d’État de 1851, 800 francs. Il revint à Saint-Léonard en 1884 et décéda à une date inconnue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article169629, notice CHAUSSADE Joseph par Pierre-Henri Zaidman, version mise en ligne le 9 janvier 2015, dernière modification le 3 février 2019.

Par Pierre-Henri Zaidman

SOURCES : CARAN F/7*/2589, registre des décisions de la Commission spéciale. — SHD 8 J 5e Conseil 919. — CARAN BB 24/794. — CARAN F15 4085, dossier 2.

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