SARRAZIN Maurice

Par Marie-Ange Rauch

Né le 18 mars 1925 ; comédien ; metteur en scène, directeur fondateur de la compagnie du Grenier de Toulouse (Haute-Garonne), directeur du Centre dramatique national de Toulouse de 1949 à 1985.

Le 18 mars 1945, Maurice Sarrazin, étudiant en droit, fonda Le Grenier de Toulouse, une compagnie de théâtre privée avec deux camarades comédiens : Pierre Nègre, et Jacques Duby, issus du conservatoire municipal. La petite troupe (Maurice Germain, Pierre Mirat, André Thorent, Jacques Charby, Simone Turck...) obtint le 1er prix du concours des jeunes compagnies en 1946 pour sa mise en scène du Carthaginois de Plaute. Jeanne Laurent*, alors sous directrice des spectacles et de la musique à la Direction générale des arts et lettres du ministère de l’éducation nationale, les remarqua et consciente de leurs difficultés à maintenir leurs activités, envisagea de leur attribuer le statut de Centre dramatique national (CDN). Le danger était grand de remettre en cause une mission d’intérêt public en la confiant à une troupe d’artistes débutants dirigée par un jeune homme de 23 ans. Cependant, dans une France guidée par l’esprit de la reconstruction, Maurice Sarrazin bénéficia du soutien des membres du Cartel, notamment de Charles Dullin (auteur d’un rapport sur un théâtre décentralisé et populaire en 1937) qui accepta d’être le mentor de la troupe. Il reçut aussi l’approbation du gouvernement, du maire de Toulouse (Raymond Badiou) et du département de la Haute Garonne (SFIO). En janvier 1949, le Grenier de Toulouse devint le troisième CDN, et s’engagea dans le projet de la décentralisation dramatique : apporter un théâtre de qualité à des populations qui en étaient géographiquement dépourvues et constituer un public populaire, au sens défendu par Jean Vilar : rassembler toutes les composantes de la société dans les travées des salles de spectacles.

Il faut garder en mémoire que la subvention des CDN ne dépassait pas alors 50 % de leur budget. Par ailleurs, l’équipe toulousaine ne bénéficiait d’aucun équipement pour remplir sa mission jusqu’à son installation au Théâtre Sorano en 1964. Dans l’attente, Maurice Sarrazin et ses « tireurs de chariots », se produisirent partout où cela était possible : dans les salles de patronages, des cinémas sans scènes, des salles des fêtes sans chauffages, sans coulisses, sans loges...

Maurice Sarrazin s’efforça de rassembler un vaste public populaire, autour d’un répertoire comique et poétique, conjuguant le burlesque et la farce (Molière, Plaute, Shakespeare, ), et proposant des auteurs contemporains (Anouilh, Giraudoux, Cocteau, Brecht, Gatti*...). Après des débuts difficiles, le style du Grenier de Toulouse parvint à affirmer son style artistique et à convaincre la presse locale et nationale. En 1951, les représentations de La Mégère apprivoisée furent une occasion de souligner le talent de Daniel Sorano, qui rejoindra ensuite le TNP et devint une figure importante du théâtre français. En mars 1952, un rapport administratif salua une action culturelle et artistique exemplaire, soulignant que le Grenier de Toulouse avait donné 910 représentations de 35 pièces, dans 157 villes de la région, des tournées dans le Nord, en Alsace, en Belgique, Allemagne, Suisse, et aussi en Algérie, en Tunisie et au Maroc.

En 1967, le Grenier de Toulouse prit en charge les représentations d’un texte commandé à Armand Gatti* par Collectif intersyndical d’action pour la paix au Vietnam : La Nuit des rois de Shakespeare par les comédiens du Grenier de Toulouse face aux événements du Sud-Est asiatique : V comme Vietnam, mis en scène par l’auteur en avril, au théâtre Daniel-Sorano. Le spectacle effectua une tournée militante de 45 dates dans les CDN, les maisons de la culture, les universités, les maisons et les auberges de jeunes.

En 1970, suite à son éviction du Théâtre Sorano par la municipalité, la troupe s’installa au Théâtre de la Digue qu’elle avait contribué à construire et monta La vie de Galilée de Brecht qui partit en tournée internationale. En 1985, Le Grenier fut mis en sommeil. Maurice Sarrazin monta une école de théâtre à Paris qu’il dirigea jusqu’en 1991. En 2000, Maurice Sarrazin obtint de Dominique Baudis, maire de Toulouse (CDS), de relancer le Théâtre Sorano avec sa compagnie, mais en dépit du succès de la première saison, Maurice Sarrazin et Pierre Matras, qui le secondait, durent installer leur troupe ailleurs, d’abord à Roques sur Garonne (2005), puis à Tournefeuille en 2012. Le Grenier comptait parmi les plus anciennes troupes en France, et continuait de faire vivre un théâtre populaire au service du plus grand nombre dans sa région.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170595, notice SARRAZIN Maurice par Marie-Ange Rauch, version mise en ligne le 12 février 2015, dernière modification le 7 septembre 2015.

Par Marie-Ange Rauch

OEUVRE : Comédien dans une troupe, Toulouse, Grenier de Toulouse , 1970.
Le Grenier de Toulouse : la troupe, 1954-1985, l’école en 8 journées, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1994. Ma vie peut-être, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 2005.

SOURCES : Denis Gontard, La Décentralisation théâtrale en France 1895-1952, SEDES, 1972 ; - Maurice Sarrazin, « Le Grenier de Toulouse », in Robert Abirached (dir.), La Décentralisation théâtrale, Tome 1, Le Premier Âge 1945-1958, Actes Sud-Papiers, 1992, pp. 79-89.

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