ROLLIN Jean, Albert

Par Emmanuel Bellanger, Marc Giovaninetti

Né le 31 mars 1922 à Fontenay-sous-Bois (Seine, Val-de-Marne), mort le 16 mars 2008 à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ; journaliste, conservateur en chef du musée d’art et d’histoire de Saint-Denis, critique d’art à l’Humanité et aux Lettres françaises  ; résistant communiste ; secrétaire des Jeunesses communistes en Haute-Saône ; membre du Parti communiste ; conseiller municipal de La Courneuve (1959-1977).

Jean Rollin à Paris en 1997.

Né à Fontenay-sous-Bois (Seine), où son père, Alphonse Rollin, était instituteur, Jean Rollin vécut sa jeunesse en banlieue parisienne. En 1926, la famille s’installa à La Courneuve où le père avait été promu directeur d’une école de garçons. Jean Rollin y suivit ses études qui furent interrompues par la guerre, mais il alla les poursuivre au lycée de Vesoul en Haute-Saône, le département natal de son père. C’est là qu’il fit la connaissance de Jeannie Beeli, dite Jeannie. Le jeune couple n’allait plus se quitter sa vie durant, légitimant leur union dans leur département en mai 1946. Ils eurent deux enfants, Gilles, mort avant ses parents, et Isabelle.

Pendant la guerre, Jean Rollin, réfractaire du STO, s’engagea dans la Résistance avec sa compagne, elle comme agent de liaison, lui comme combattant FFI. À la Libération, il devint secrétaire départemental des Jeunesses communistes de la Haute-Saône.

En 1946, Jean Rollin retourna avec son épouse en région parisienne où son père, engagé à la SFIO, était devenu à la Courneuve une importante personnalité impliquée dans des organisations d’ancien combattant et mutualistes. Il fut recruté comme journaliste professionnel au journal Ce soir et à l’agence de presse du Front national, l’Union française d’information.

Comme militant du PCF, Jean Rollin fut affecté en 1953 à la section de politique extérieure animée par Marius Magnien. Quand ce dernier fut chargé, en août 1956, de réorganiser la section dont la direction était attribuée depuis l’année précédente à Raymond Guyot, il traça un portait exécrable de son adjoint : « Il est nécessaire de savoir si Jean Rollin veut continuer son travail à la Section et s’y donner entièrement : il ne s’est pas formé en 3 ans, [il] rechigne sur tout, [il] ne se plait pas ici. [Il suscite] l’antipathie de tous. » Magnien lui reprochait de négliger son travail à la section au profit de ses critiques d’art et de la « municipalité », ce qui laisse entendre qu’il avait déjà une activité municipale à la Courneuve, dont il ne devint conseiller qu’en 1959. Pourtant, dans le projet définitif présenté par Magnien en mars 1957, Jean Rollin restait « responsable-adjoint » dans une première version, chargé des pays de langues allemande et nordiques et des relations avec les ambassades de deux pays de l’Est. Un projet ultérieur, la même année, le faisait membre d’un « collectif de direction à quatre », avec outre Magnien, Louis Odru et Jacqueline Rigault ; il était en plus chargé des « annotations de la presse pour Thorez ». Cependant, dès le mois d’octobre, le secrétariat du parti proposait de nommer Rollin comme l’un des deux adjoints de Jean Kanapa à la rédaction de la Nouvelle Critique. Finalement, en janvier 1958, le poste ne fut attribué qu’au seul Jacques Arnault, mais Jean Rollin entra au comité de rédaction comme secrétaire. Il semble alors avoir abandonné la politique extérieure, le poste d’adjoint étant attribué à Odru.

Dès 1949, Jean Rollin s’était spécialisé dans la critique d’art, et à ce titre il collabora régulièrement au journal l’Humanité, de 1952 à 1999, ainsi qu’aux Lettres françaises. Il avait commencé en 1956 à publier des articles très régulièrement dans la Nouvelle critique. En 1969, il en était toujours le secrétaire de rédaction.

Jean Rollin fut élu conseiller municipal de La Courneuve le 8 mars 1959. Il succédait ainsi à son père Alphonse, élu maire de cette commune de 1953 à 1959 sous l’étiquette PSU (le premier PSU, Parti socialiste unitaire) avec le soutien des communistes. Réélu en 1965 et 1971, Jean Rollin siégea au conseil municipal jusqu’en 1977. Chargé des beaux-arts par le maire communiste Jean Houdremont, un ami, il fit l’acquisition de nombreuses œuvres pour la ville : notamment La Conquête du bonheur de Blasco Mentor, une peinture murale de 400 m2 exécutée pour la grande salle de la « maison du peuple Guy Môquet » inaugurée en 1967, un escalier de Raymond Subes pour le même bâtiment, des tapisseries de Jean Picart Le Doux et Marc Saint-Saëns et des sculptures monumentales de Joseph Constant, René Collamarini, Françoise Salmon et Jean Cardot pour la Cité des 4000.

En 1969, Jean Rollin fut nommé conservateur en chef du musée municipal d’histoire et d’art de Saint-Denis par le maire communiste de la ville Auguste Gillot. Il occupa ce poste jusqu’en 1987, année de son départ à la retraite. Il fut pendant ces années le promoteur du projet de réhabilitation du monastère des Carmélites, fondé en 1625, sauvé de la destruction par la ville qui en fit l’acquisition en 1972.

En 1981, l’inauguration sous la direction de Jean Rollin du nouveau musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis couronnait la volonté de la municipalité et de son conservateur : celle de concilier ce que certains jugeaient inconciliable, l’exposition dans un haut lieu d’architecture religieuse d’un fonds considérable et unique sur l’histoire de la Commune de Paris. Mais l’ambition de Jean Rollin ne s’arrêtait pas là. Il présenta pendant sa vingtaine d’années de direction une quarantaine d’expositions, notamment ponctuées, en 1971, par la plus importante rétrospective sur la Commune de Paris à l’occasion de son centenaire. François Desnoyer, Steinlen, Jean Effel, Picasso, Francis Jourdain, Daumier, Picart Le Doux, Saint-Saëns auront également les honneurs du musée de Saint-Denis. Jean Rollin se distingua en sa qualité de collectionneur qui enrichit les fonds du musée : 4 800 lithographies et bois gravés de Daumier, des dessins de Jean Effel, 97 oeuvres de maîtres impressionnistes et modernes (Jongkind, Renoir, Seurat, Marquet, Signac, Matisse…), 6 dessins de Picasso et 122 estampes de Toulouse-Lautrec, Rouault, Vlaminck, Bourdelle, Maillol, Van Dongen, Dufy.

Sous l’égide de l’Unesco et du Conseil de l’Europe, le prix européen du musée de l’année lui fut décerné, parmi 42 candidats, le 7 avril 1983 par un jury d’experts internationaux à Milan, sous la forme d’un trophée dû au sculpteur Henry Moore.

Jean Rollin publia aussi de nombreux articles visant à la promotion de l’art de la médaille en tant que membre de la Commission consultative de la médaille. En 1982, il devint encore membre du comité d’honneur du Salon d’automne, après avoir déjà participé depuis 1960 à de nombreux jurys artistiques, français ou internationaux.

Également investi dans le monde professionnel des critiques d’art et des conservateurs, Jean Rollin fut membre du Syndicat de la presse artistique française, de l’Association internationale des critiques d’art, de l’Association des conservateurs des musées d’Ile-de-France, qu’il présida de 1982 à 1985, et de l’Association générale des conservateurs des collections publiques de France. Son implication dans le domaine artistique lui valut la distinction de chevalier de l’Ordre national du Mérite et de chevalier de l’Ordre des Arts et Lettres.
En 1990, consécration ultime, Jean Rollin fut élu correspondant de l’Institut de France au titre de l’Académie des Beaux-Arts.

Dans la nuit du 16 mars 2008 Jean et Jeannie Rollin décédèrent à quelques minutes d’intervalle : Jeannie dans son lit et Jean à l’hôpital où il avait été hospitalisé pour une pneumopathie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172800, notice ROLLIN Jean, Albert par Emmanuel Bellanger, Marc Giovaninetti, version mise en ligne le 2 juin 2015, dernière modification le 6 avril 2021.

Par Emmanuel Bellanger, Marc Giovaninetti

Jean Rollin à Paris en 1997.
Jean Rollin en 1988 à Saint-Denis.

ŒUVRE : Catalogues d’expositions du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis. ― Texte de Mentor, « La Conquête du bonheur », illustré de dessins de Blasco Mentor et d’un poème de Jean Marcenac, Ed. Cercle d’art, 1969.

SOURCES : Arch. personnelles de Jean Rollin. — Arch. du PCF (Arch. Dép. de Seine-Saint-Denis), fonds Magnien, 273 J 3 ; réunion du secrétariat du 31 octobre 1957. ― Arch. mun. de La Courneuve (délibérations du conseil municipal conservées au cabinet du maire) et de Saint-Denis (Fonds musée d’art et d’histoire de Saint-Denis). — Émile Breton, Rencontres à La Courneuve, Paris, Messidor/Temps Actuels, 1983. — Entretien avec Emmanuel Bellanger. — Notes de sa fille Isabelle Rollin-Royer. — État civil.

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