SAILLANT Louis, André [version nouvelle]

Par Éric Nadaud

Né le 27 novembre 1910 à Valence (Drôme) ; mort le 28 octobre 1974 à Paris (XVIIIe arr.) ; ouvrier sculpteur sur bois ; secrétaire de l’UD-CGT de la Drôme-Ardèche (1931-1939) ; secrétaire de la Fédération nationale CGT des travailleurs de l’industrie du Bois (1937-1939), puis des industries du Bâtiment et du Bois (1940-1944) ; membre de la CA (1938-1940) et du Bureau confédéral de la CGT (1940-1948 ; 1969-1974) ; président du Conseil national de la Résistance ; secrétaire général de la Fédération syndicale mondiale (1945-1968) ; président d’honneur du Conseil mondial de la Paix.

Louis Saillant, fils d’André (1883-1935) et de Marie Francillon, se forma et vécut dans un milieu de militants ouvriers et révolutionnaires qui le marqua profondément. Son père, ouvrier cordonnier, membre de la section SFIO de Valence, avait été premier secrétaire de l’Union des syndicats ouvriers de Drôme-Ardèche jusqu’à la scission de la CGT, en 1921, puis avait pris la tête de l’UD ralliée à la CGTU, avant de revenir en 1924 à l’UD-CGT, pour en être le secrétaire adjoint, comme lui-même devait l’être quelques années plus tard. Louis Saillant en hérita clairement la passion du syndicalisme, la foi socialiste et l’aptitude à composer avec les communistes. Il reconnut plus tard avoir subi aussi l’influence de Pierre Semard, sous-chef de gare à Valence, et l’un des leaders de la CGTU et du Parti communiste. Ce fut d’ailleurs en compagnie des enfants Semard qu’il fit l’apprentissage de l’action militante alors qu’il n’avait pas encore dix ans, lors des grèves de 1920, en prenant part avec eux à la chorale enfantine constituée par un groupe artistique ouvrier, le « Lys rouge valentinois ». Il choisit également la seconde de ses trois femmes, Jeanne (ou Jeanine), qu’il épousa en 1938 et dont il divorça en 1948, dans un milieu ouvrier très militant. Elle était la fille d’Henri Fritsch, un menuisier du Perreux (Seine) sympathisant puis adhérent du PCF, et militait à l’Union des Jeunes filles de France en 1937 et 1938, avant de siéger au bureau directeur de l’Union des femmes françaises, à partir de 1945.
Apprenti sculpteur sur bois, il se tourna très tôt vers l’action syndicale dans la CGT. Il adhéra en août 1926 au syndicat de l’Ameublement de Valence, qui le désigna en 1929 comme son secrétaire. À ce titre, il devint membre de la commission exécutive, la même année, puis secrétaire adjoint, en 1931, et enfin secrétaire permanent, en juillet 1933, de l’Union CGT des syndicats Drôme-Ardèche. Son rôle à la direction de l’UD explique qu’il ait conduit toutes les démonstrations unitaires des années 1933-1939 dans la région aux côtés des autres leaders locaux de la gauche, en particulier la manifestation de l’ensemble des groupements antifascistes qui eut lieu à Valence, le 22 septembre 1933, pour la défense de Georges Dimitrov, et le grand rassemblement du 14 juillet 1935, qui lança le Front populaire dans la Drôme.

Il prit en même temps des responsabilités dans la Fédération nationale CGT des travailleurs de l’industrie du Bois, devenue en juin 1935 la Fédération CGT du Bâtiment et du Bois. Il en fut l’un des délégués régionaux, pour le Sud-Est, en 1930, puis le délégué à l’Union internationale des industries du Bois, en 1931. Il participa activement à ses congrès, devant lesquels il présenta des rapports à plusieurs reprises. Membre fin 1935 du Comité national mixte qui réalisa l’unité des Fédérations confédérée et unitaire du Bâtiment, il représenta en 1936 la Fédération unifiée au Conseil national économique, au titre des sections professionnelles (9e section, 2e sous-section).

Ces fonctions lui permirent de jouer de 1933 à 1935 un rôle croissant sur le plan confédéral, à travers sa participation en tant que délégué de la Drôme-Ardèche aux Comités confédéraux nationaux (CCN) et aux congrès nationaux, où il fut l’une des figures de la nouvelle génération de responsables qui soutenait la ligne incarnée par le secrétaire général Léon Jouhaux, avec la particularité, pour ce qui le concernait, de se situer plutôt sur le flanc gauche de ce dernier. Il défendit alors avec constance la cause de l’indépendance du syndicalisme vis-à-vis des groupements extérieurs, bien qu’il fût lui-même inscrit à la section SFIO de Valence, tout en prônant des actions communes avec ceux-ci, et en plaidant pour un syndicalisme de classe et une orientation « plus révolutionnaire » de la confédération, surtout après les événements de février 1934. Il prit aussi une part importante à la promotion par la CGT du planisme comme solution à la crise économique, entre autres en présentant le rapport sur l’aménagement du Rhône au congrès spécial des Unions départementales de la vallée du Rhône que la CGT réunit à Valence en décembre 1934, et en exposant les conclusions de la commission chargée d’étudier le Plan de rénovation et de réorganisation économique de la CGT devant le congrès confédéral de septembre 1935. Enfin, il joua un rôle notable dans le rapprochement entre la CGT et la CGTU. Après avoir présenté au CCN d’octobre 1934 une motion Drôme-Ardèche qui poussait dans ce sens, il fit partie de toutes les commissions constituées en 1935 par la confédération pour traiter de l’unité syndicale, ainsi que de la délégation constituée par le congrès national de septembre 1935 pour transmettre à la CGTU l’accord final de la CGT pour l’unité.

Une fois la CGT réunifiée, il continua d’y diriger l’UD Drôme-Ardèche. Il fut confirmé le 15 décembre 1935 à son secrétariat général par un congrès d’unification départemental unanime. Il déploya une telle activité lors des grèves de juin 1936 qu’une motion de la commission exécutive de l’UD le salua comme « l’âme du mouvement revendicatif ». En bons termes avec les ex-unitaires, il accepta au congrès de novembre 1936 la création d’un second poste de secrétaire général pour l’ancien responsable de l’UD CGTU, Charles Doucet, auquel il abandonna l’UD en 1937. Il revint au secrétariat général en novembre 1938, mais seulement à titre provisoire, du fait de la mort de ce dernier. De là sa participation le 26 novembre 1938 à la journée nationale de protestation contre les décrets-lois à Romans (Drôme), qui lui valut d’être blessé par un agent de police, puis condamné à deux mois de prison avec sursis et une amende, pour violences et rébellion. Son renoncement à l’UD en 1937 s’explique par le nouveau cours qu’il donna alors à sa vie. Il abandonna son métier d’origine et s’établit à Paris, non seulement pour fonder un nouveau foyer, mais aussi pour devenir secrétaire adjoint, puis secrétaire administratif appointé de la Fédération nationale des travailleurs du Bois. Il représenta celle-ci à partir de 1938 au comité administratif de l’Union internationale des travailleurs du Bâtiment et du Bois. En 1937 également, il entra au bureau du syndicat général des travailleurs du Bois de la région parisienne.

À la fin des années 1930, il prit rang parmi les grands acteurs du débat de tendances qui déchirait la CGT. Sur la question des rapports avec les partis politiques, que l’unification avait relancée, il s’imposa comme l’un des porte-parole de la « tendance centriste » regroupée autour de Jouhaux, en défendant l’indépendance de la CGT contre les ex-unitaires liés au PCF, mais aussi l’unité syndicale contre la tendance anticommuniste Syndicats. Toutefois, sur la question de l’attitude face aux dictatures fascistes, que la crise de Munich rendit brûlante, il se prononça pour une « politique de fermeté » et contre les thèses pacifistes de Syndicats avec plus de netteté que Jouhaux, puisqu’au CCN des 10 et 11 octobre 1938, il s’associa un moment aux ex-unitaires pour présenter un texte hostile aux accords de Munich, contre un texte de synthèse appuyé par ce dernier. Au congrès confédéral qui se tint à Nantes du 14 au 17 novembre 1938, il soutint les résolutions largement majoritaires pour l’indépendance syndicale et sur la paix approuvées par les ex-unitaires et les « centristes », contre les motions inspirées par Syndicats. Ce congrès fut déterminant pour sa carrière, puisqu’il entra à la Commission administrative confédérale (CA) à son issue.

À la suite du pacte germano-soviétique du 23 août 1939, il fit front avec les centristes contre les ex-unitaires. Il approuva la condamnation du pacte par la CA le 24 août 1939, et fut de ceux qui se prononcèrent à la réunion du 25 septembre pour l’approbation, quoique dans son cas « avec réserves », de la décision d’exclure ceux qui refusaient de le désavouer. Il appliqua la politique confédérale avec vigueur. Dans l’UD Drôme-Ardèche, il signa en septembre un ordre du jour dont le titre, « Le syndicalisme indépendant », traduisait bien le point de vue majoritaire. Surtout, il joua un grand rôle dans la reprise en mains de la Fédération du Bois, jusque-là sous contrôle ex-unitaire. En octobre 1939, il lança dans la presse de gauche un appel aux militants et aux syndicats du Bois, pour les mettre en garde contre « ceux qui continueront à se faire dans notre Fédération les défenseurs des procédés russes, à vouloir faire dépendre la position sociale de la Fédération de la politique du gouvernement soviétique », et pour les inviter à rejoindre un « Comité national de discipline confédéral et d’indépendance syndicale des industries du Bois » formé à l’initiative des dirigeants de la Fédération d’accord avec la CGT. Avec ce Comité, il opéra la reconstitution en novembre 1939 de la Fédération nationale des travailleurs des Industries du Bâtiment et du Bois, qui avait déjà regroupé en 1935 les deux industries. Tandis qu’Henri Cordier en prenait le secrétariat général, il en devint le secrétaire administratif. En même temps, il se fit élire secrétaire adjoint du Syndicat du Bois de la région parisienne. Il conserva ces deux fonctions durant toute la guerre.

Mobilisé à Lyon en 1939, il revint à Valence après l’armistice de juin 1940 pour entrer aussitôt en résistance. Le 24 août 1940, il prit part à la réunion de Sète, qui regroupa autour de Jouhaux les dirigeants confédérés décidés à maintenir un syndicalisme indépendant, et qui constitua une sorte de Bureau confédéral officieux, dont il fit partie, et qu’il reçut la mission de représenter en zone Nord. Les contacts qu’il noua à Paris avec des syndicalistes confédérés, mais aussi chrétiens, aboutirent à la rédaction le 15 novembre d’un « manifeste du syndicalisme français » qui affirma l’indépendance du syndicalisme vis-à-vis du régime de Vichy, en réplique à la Charte du Travail et à la dissolution des confédérations syndicales. Il en fut l’un des douze signataires. Il fut aussi l’un des fondateurs, puis l’un des principaux animateurs, du « Comité d’études économiques et syndicales » (CEES), qui fit office de vitrine légale de la CGT. Il en publia la Lettre syndicale bimensuelle, dans laquelle il écrivit régulièrement pour exposer la « ligne Jouhaux », qui consistait à contester la politique syndicale de Vichy, tout en acceptant la présence syndicale dans les organismes prévus par le nouveau régime. Il joua aussi un rôle déterminant dans le rapprochement entre anciens confédérés et unitaires. Dès la fin 1940, il se livra à un travail exploratoire. Il tenta de contacter Frachon, chef de file de l’ex-CGTU, discuta avec des émissaires supposés de ce dernier au siège de la Fédération du Bois, et permit à deux ex-unitaires de reprendre leurs fonctions d’avant-guerre au Conseil de la Fédération du Bois, ce qui l’aida à organiser une première réunion entre des représentants de ce courant et des dirigeants du CEES, le 17 mai 1941. Il put pousser plus avant à la faveur de l’entrée en guerre de l’URSS en juin 1941. Début 1942, il reçut de Jouhaux l’autorisation de poursuivre des pourparlers avec les ex-unitaires, un mandat que confirmèrent deux réunions autour de ce dernier, à Cahors, le 14 juillet puis le 22 septembre 1942. Les pourparlers débouchèrent le 17 avril 1943 sur l’accord dit « du Perreux », accord historique quoique verbal pour la réunification de la CGT, conclu au domicile de son beau-père, entre les représentants des ex-confédérés, lui-même et Robert Bothereau, et ceux des ex-unitaires. Il doubla cet activisme syndical d’une implication personnelle dans la Résistance clandestine. Il compta parmi les fondateurs et les principaux organisateurs du mouvement Libération-Nord, où il contribua à faire venir de nombreux syndicalistes.

Trait d’union entre les tendances syndicales, Saillant le fut aussi entre la CGT et la Résistance dans son ensemble. Il attacha son nom à celui du Conseil national de la Résistance (CNR). Il prit part à sa première réunion le 27 mai 1943, comme représentant de la CGT, devint l’un des cinq membres de son bureau permanent en septembre 1943, et fut élu à sa présidence, à l’unanimité, le 11 septembre 1944. À ce titre, il entra le 7 novembre suivant à l’Assemblée consultative provisoire, où il prit la présidence de la Commission de l’équipement national, de la production et des communications, et appartint à la Commission du Règlement, ainsi qu’à celle des Affaires étrangères. Il y présida également le groupe de la Résistance intérieure française. Il s’efforça ensuite de maintenir le rôle des organismes issus de la Résistance. Du 15 au 18 décembre 1944, il supervisa un grand rassemblement à Paris de tous les comités départementaux de libération (CDL), sous l’égide du CNR. Les 10-14 juillet 1945, il anima les États-généraux de la Renaissance française, vaste manifestation conçue pour relancer et élargir le CNR en renforçant son lien avec les CDL. Il renonça peu après à cette stratégie, que le retour à l’ordre républicain privait de sens, mais pas à la présidence du CNR, qui lui assurait la reconnaissance générale, ainsi que quelques fonctions secondaires, comme sa participation en 1947 à la Commission d’enquête parlementaire sur les événements ayant abouti au désastre de juin 1940.

Artisan de l’unité ouvrière en France, il le fut de même sur le plan international. Sur mandat de la CGT, il joua un rôle-clé dans les consultations d’après-guerre entre les syndicats français, britanniques et soviétiques pour la reconstitution d’une organisation syndicale internationale unifiée. Présent au congrès des syndicats britanniques en septembre 1944, il reconstitua avec eux en novembre le Comité syndical franco-britannique. Il s’entretint en janvier 1945 avec les Soviétiques en URSS, où il contribua à la création du Comité syndical franco-soviétique. Il représenta la CGT à la conférence mondiale des syndicats, à Londres, du 6 au 17 février 1945, où il fut nommé secrétaire du « Comité administratif des Treize » chargé de préparer le congrès constitutif et les statuts de la future Fédération syndicale mondiale (FSM). Il se rendit avec lui aux États-Unis, en avril-mai, pour des contacts avec les syndicats américains. La FSM fut constituée à Paris en octobre 1945. Il en présenta les statuts, et en fut élu secrétaire général à l’unanimité.

Il n’en continua pas moins de jouer un rôle important à la CGT jusqu’en 1948, d’autant que le siège de la FSM était alors à Paris. Confirmé dans son mandat au BC par le CCN de mars 1945, comme suppléant de Jouhaux encore captif, puis par le congrès d’avril 1946, il fut un acteur-clé dans la confrontation entre les ex-confédérés regroupés dans la tendance « Force ouvrière » (FO) et les ex-unitaires désormais majoritaires, qui devait mener à la scission de 1947. Contrairement à certaines attentes, il ne prit pas la tête des premiers. Il se signala dès 1945 par l’ambiguïté de ses positions dans les débats de tendance, en se rangeant tantôt de leur côté, tantôt de celui des ex-unitaires. Au CCN décisif des 12 et 13 novembre 1947, il ne se départit pas de cette attitude. Il rejoignit les autres ex-confédérés pour voter avec eux contre le programme d’action présenté par les ex-unitaires, et signer la « déclaration Jouhaux », mais il s’en sépara pour imposer avec les seconds la condamnation du plan Marshall. Cependant, il dut trancher à partir des grèves de la fin novembre. Il fut le seul membre non communiste du Comité national de grève constitué par Frachon en dehors des organes statutaires de la CGT, puis le seul signataire non-communiste du communiqué du 9 décembre 1947 par lequel le Comité appela à la reprise du travail. Le jour de la scission de FO, le 19 décembre, il fut le seul des six secrétaires ex-confédérés élus en 1946 qui ne remît pas sa démission. Ensuite, il traita ses anciens amis en ennemis. Il signa la résolution des membres non communistes de la CA dénonçant « l’aboutissement d’une action fractionnelle, politique et scissionniste », et ne cessa plus de jeter l’opprobre sur les « scissionnistes ». Son attitude provoqua son exclusion de la SFIO dès 1948, mais rendit un service inestimable aux dirigeants communistes de la CGT.

Son parcours se confondit ensuite largement avec celui de la FSM. Constamment réélu à son secrétariat général, il l’administra, en dirigea la revue, Le Mouvement syndical mondial, et la représenta dans de nombreuses conférences et manifestations sur tous les continents jusqu’en 1968. S’il démissionna du BC de la CGT en décembre 1948, ce fut selon la version officielle pour pouvoir se consacrer entièrement à cette tâche, mais surtout pour donner un gage de neutralité aux centrales syndicales non communistes encore présentes. Cependant la FSM se transforma avec la Guerre froide en un organisme soumis aux directives soviétiques, une évolution que ne fit que renforcer la scission qui l’affecta en 1949. Saillant, depuis Paris jusqu’en 1951, puis Vienne et enfin Prague, fut l’instrument de cet assujettissement. Il ne cessa de pousser à la confrontation avec l’État et le patronat dans les pays capitalistes, au combat pour la libération des peuples colonisés, et à la défense de la paix confondue avec la défense de l’URSS, et se rangea aux côtés des syndicats soviétiques dans tous les moments difficiles, contre le plan Marshall, pour le « coup de Prague » en 1948, contre la politique française en Indochine, pour l’interdiction en 1950 de la bombe atomique, contre Tito et les syndicats yougoslaves en 1950, contre le soulèvement de Budapest en 1956, et contre la dissidence chinoise dans les années 1960. Son orthodoxie lui attira au sein même de la FSM les critiques de moins en moins mesurées de certains contestataires, au premier rang desquels la CGIL italienne, et le plaça même en décalage par rapport à la CGT.

Il s’impliqua aussi dans de multiples autres groupements liés au Parti communiste (PCF). Membre du noyau fondateur des Combattants de la Liberté, puis des Combattants de la liberté et de la paix, au Conseil national desquels il appartint, et dont il signa les appels en 1948, il fut porté par le Congrès mondial qui se réunit à Paris en avril 1949 à la vice-présidence du Comité mondial des Partisans de la paix. Il resta par la suite une grande figure du Mouvement de la paix. Il appartint au bureau de son Conseil mondial, dont il finit par être le président d’honneur, et jusqu’à sa mort à son Conseil national. Il siégea aussi dans les comités directeurs de plusieurs associations d’amitié entre la France et les pays de l’Est : France-URSS de 1945 jusqu’au début des années 1950, dont il fut l’un des vice-présidents, France-Tchécoslovaquie, de sa fondation en 1948 à 1952, France-Vietnam dès 1946, France-Yougoslavie et, après la rupture de Moscou avec Tito, le Comité de défense des démocrates emprisonnés et persécutés en Yougoslavie. Il entra aussi dans les organes centraux de multiples groupements de caractère plus national ouverts aux « compagnons de route » : le Comité de défense des libertés syndicales et démocratiques, le Comité national du souvenir des héros de Châteaubriant, dont il fut vice-président, l’Association nationale des anciens combattants de la Résistance, et l’Institut Maurice Thorez.

Cet alignement ne rendit que plus spectaculaire son attitude dans la crise tchécoslovaque. Le 21 août 1968, il protesta contre l’entrée des forces du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Il fit de même le 24 dans une lettre cosignée par le président de la FSM, Renato Bitossi, puis le 28, dans un communiqué où il exprima la « réprobation » du secrétariat de la FSM. Le lendemain, son hospitalisation à Prague pour une défaillance cardiaque fut annoncée. Dès lors, il n’assura plus l’intégralité de ses fonctions de secrétaire général. La FSM les lui retira officiellement lors du congrès qu’elle tint à Budapest en octobre 1969. C’était un désaveu, que son élection à la présidence d’honneur ne compensait pas. Mais le mois suivant, le congrès réuni par la CGT à Vitry lui permit de faire son retour au BC. Il y siégea jusqu’à sa mort, tout en représentant la confédération à l’OIT et à l’UNESCO. Pour les communistes, il restait une personnalité utile, surtout après la crise de 1968. Le PCF l’avait fait entrer au printemps 1969 dans le Comité national de soutien à la candidature de Jacques Duclos à la présidence de la République. Et la CGT pensait pouvoir afficher à travers lui à la fois la continuité de sa propre histoire et sa volonté d’ouverture.

Après sa mort suite à un infarctus, sa dépouille fut exposée le 30 octobre 1974 à la Bourse du travail de Paris, où Georges Séguy lui rendit un hommage solennel. Ses obsèques eurent lieu à Roman, en présence d’émissaires de la CGT, de la FSM, du Conseil mondial de la paix, du PCF et du CNR.

Chevalier de la Légion d’honneur, décoré de la Croix de guerre 1939-1945 avec palme, et de la Médaille de la Résistance, il avait aussi été honoré en 1958 par le prix Lénine international.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article174830, notice SAILLANT Louis, André [version nouvelle] par Éric Nadaud, version mise en ligne le 28 juillet 2015, dernière modification le 28 mars 2020.

Par Éric Nadaud

SOURCES : - Arch PPo., série GA, dossier 42653. – Fonds Louis Saillant, Arch. IHS CGT, 424 CFD. – R. Pierre, DBMOF (1914-1939). – L’Action syndicaliste, 1934-1939. – La Volonté socialiste, 1933-1939. – La Voix du peuple, 1933-1940. - Le Peuple, 1933-1940. – Lettre syndicale bimensuelle, 1940-1944. – Le Peuple, 1938-1940, 1944-1948, et n° 954, 15 au 30 novembre 1974. – Le Monde, 1944-1950 ; 1968-1974. - Le Mouvement syndical mondial, n° 1, janvier 1961, p. 21-24. - Études sociales et syndicales, n° 169-170, novembre-décembre 1969, p.5-7, et n° 199, juin 1972, p18-19. – Les Cahiers de l’Institut CGT d’histoire sociale, n° 51, septembre 1994. – Robert Bothereau, Le Syndicalisme dans la tourmente, 1940-1945. Récit rapide de temps qui nous furent longs, Éd. Force ouvrière, 1973 (Force ouvrière, n° 173, août 1973). - Bernard Georges, Denise Tintant, Marie-Anne Renauld, Léon Jouhaux dans le mouvement syndical français, PUF, 1979. – Annie Lacroix-Riz, La CGT de la Libération à la scission de 1944-1947, Éd. Sociales, 1983. - Jean-Marie Pernot, Dedans, dehors, la dimension internationale dans le syndicalisme français, thèse de sciences politiques, Paris X, 2001. – Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, Histoire des syndicats, 1906-2010, Éd. Du Seuil, 2011.

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