AUGRAS Edmond

Par Jean-Luc Labbé

Né le 6 mars 1854 à Saint-Août près de la Châtre (Indre), mort le 8 mai 1927 ; apprenti pâtissier à la Châtre puis artisan-industriel à Châteauroux ; conseiller municipal de Châteauroux de 1890 à 1894, de 1904 à 1912 et de 1919 à 1925 ; conseiller d’arrondissement de 1891 à 1900 ; secrétaire du groupe d’études sociales de Châteauroux affilié à l’Union Socialiste Révolutionnaire ; délégué de Châteauroux à plusieurs congrès socialistes dont celui de Paris en 1899 (salle Japy) ; vice-président du conseil des Prud’hommes (1895-1905), franc-maçon (La Gauloise) ; fondateur en 1888 et président de la société folklorique « Les Gâs du Berry » jusqu’à sa mort ; directeur du journal Le Progrès de l’Indre, journal socialiste de juillet 1895 à novembre 1897 ; co-fondateur de la revue Le Réveil de la Gaule ; co-fondateur à Châteauroux de la Libre Pensée et de la Ligue des droits de l’Homme.

Edmond Augras naquit en 1854 à Saint-Août, village proche de La Châtre et du Nohant de George Sand, où son père était épicier. Après un apprentissage de boulanger-pâtissier, il s’installa à son compte à La Châtre en 1875 en ouvrant une boutique de fabrication et de vente de biscuits. Ces années passées à La Châtre l’ont mis en contact avec des personnalités républicaines liées à « La dame de Nohant ». Ces républicains radicaux, bien dans l’esprit de l’époque, sont avant tout des anticléricaux et « chaque vendredi-saint une confrérie de saucissonneurs nargue les fidèles-croyants sur le parvis de l’église ». Quelques années plus tard il fonda à Châteauroux un atelier, « manufacture de biscuits et petits fours » ainsi qu’il qualifia son entreprise artisanale. Ses produits connurent un réel succès grâce à l’usage avant-gardiste de la publicité. Ses procédés de fabrication lui valurent de nombreuses distinctions dans les foires et la consécration vint avec une médaille à l’exposition internationale de Paris en 1889. Au fil des années, il ouvrit plusieurs points de vente, dont un à Paris, et au début du XXe siècle il fit construire une usine neuve à Châteauroux où travaillait une quarantaine de salariés à la veille de la guerre.
Parallèlement à ses activités professionnelles, et alors qu’il n’était encore qu’un artisan, il affirma des convictions très marquées à gauche. Ses contacts avec le socialisme se traduiront pour la première fois en septembre 1886 par l’insertion d’une publicité dans le journal Le Travail, créé à Châteauroux par le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR). Edmond Augras fut élu conseiller municipal lors d’une élection partielle en 1890 et conseiller d’arrondissement la même année. En 1892, il fut réélu sur la liste du maire républicain (radical ?) Louis Patureau. Pour marquer son désaccord avec ce maire qu’il qualifia d’opportuniste et de cumulard, il démissionna en mai 1894. Ce faisant, il se rendait disponible pour participer à l’affirmation autonome du mouvement socialiste et syndical castelroussin. Il fit venir entre 1894 et 1897 des orateurs du POSR et du Parti ouvrier français (POF) pour tenir meeting. En 1895 et pendant deux ans, il prit la direction d’un journal, Le Progrès de l’Indre, auquel il ajouta le qualificatif de journal socialiste. Il contribua à la création de plusieurs syndicats, dont celui des bûcherons de Niherne, village compris dans le canton de Châteauroux, canton dans lequel il fut candidat socialiste en 1895. Il ne rassembla que 17 % des suffrages exprimés et fut conduit à laisser le second tour se jouer entre le maire Patureau et l’industriel Hidien, candidat des conservateurs. Aux élections municipales de 1896, il constitua une liste rassemblant les courants socialistes et les principaux dirigeants des syndicats récemment constitués, en particulier ceux des métallurgistes, des ouvriers du bâtiment et d’une fédération départementale des travailleurs socialistes. En l’absence de la droite, la liste du maire républicain gouvernemental sera facilement réélue ; la liste socialiste réunissant en moyenne 38 % des suffrages exprimés.
Précédemment, Edmond Augras s’était lancé dans une aventure au long cours. En 1888, il avait créé avec des amis républicains-socialistes La Société des Gas du Berry, une des premières sociétés folkloriques de musiques et de danses traditionnelles créées à cette époque en France. La filiation avec George Sand et les Maîtres sonneurs, roman paru en 1853, fut clairement revendiquée. Cette filiation culturelle conduisit Maurice Sand (le fils) à accepter la proposition d’Edmond Augras de prendre la présidence d’honneur de l’association. Aurore Sand (la petite-fille) acceptera la même responsabilité honorifique de 1904 jusqu’à sa mort en 1961. Vielleux et cornemuseux firent forte impression lors des deux expositions internationales de Paris en 1889 et 1900. En 1889, Edmond Augras créa avec le sculpteur Jean Baffier une revue, Le Réveil de la Gaule, aux accents xénophobes et antisémites, en lien idéologique avec le nationalisme boulangiste de la même époque. Edmond Augras fut admis au sein de la loge maçonnique castelroussine L’Étoile du Centre le 18 décembre 1892 puis élevé au rang de maître en décembre 1896. Cette loge d’une quarantaine de membres le mit au contact direct avec les chefs républicains et républicains-socialistes. Élu Second surveillant de L’Étoile du Centre en 1899 il démissionna de cette responsabilité l’année suivante.
Ses échecs aux élections cantonale de 1895 et municipale de 1896 le conduisirent à ne pas se présenter aux élections législatives de 1898 dans la 1ère circonscription de Châteauroux. Mettant en avant la notoriété acquise grâce à ses biscuits et à la présidence de la Société des Gas du Berry, il décida d’aller aider son ami Jacques Dufour, maire d’Issoudun depuis 1892, à devenir député socialiste. Dufour fut élu député au premier tour et, dans la foulée, les deux hommes décidèrent d’adhérer au Parti Ouvrier Français. C’est Edmond Augras qui ira porter un message de félicitations des socialistes de l’Indre lors de la fête qui suivit l’élection de Breton au 2e tour à Vierzon et en 1899, il fut le délégué du département de l’Indre, toujours pour le POF au congrès socialiste unitaire à Paris (salle Japy).
Pour les élections municipales de 1900 à Châteauroux, il tenta sa chance une nouvelle fois en compagnie du secrétaire du syndicat du bâtiment et de l’ancien président de la société vigneronne. Ce fut un nouvel échec et Châteauroux resta durablement dans la sphère d’influence du radicalisme. A partir de 1901, il se trouva confronté à un autre problème : celui de la création d’une fédération socialiste autonome, adhérente au P.S.F. En 1902, alors qu’il organisait un meeting avec Gustave Delory, député guesdiste du Nord, il fut mis en minorité pour la présidence de cette réunion par les socialistes autonomes. À la suite de cet épisode, on ne retrouvera plus Edmond Augras au premier rang des socialistes, y compris après la réunification politique de 1905, qui se fit dans l’Indre avec beaucoup de difficultés. Élu vice-président du conseil des prud’hommes pour le collège patronal, il conserva de bonnes relations avec la Bourse du travail et son secrétaire, militant de l’Union Socialiste Révolutionnaire, dont il prononça l’éloge funèbre en 1905. Au cours de ces années il participa à la création de groupes locaux de La Libre Pensée et de La Ligue des droits de l’Homme.
Mais son éloignement du socialisme se confirma. En 1908, il se présenta sur la liste du maire radical de Châteauroux. Ce ralliement lui ouvre la porte de l’exécutif municipal et Edmond Augras devint adjoint au maire. Il ne fut pas réélu en 1912, malgré une majorité radicale et quelques conseillers municipaux du PSU. Il retrouva le chemin du conseil municipal en 1919 en tant que radical sur une liste d’union qui comprenait un tiers de socialistes. En avril 1920, il vota avec les socialistes contre une délibération du maire radical et, dans les jours qui suivront, il inséra une publicité pour son entreprise dans Le Progrès Social, hebdomadaire socialiste et syndicaliste de l’Indre.
Edmond Augras a beaucoup écrit, dans Le Progrès de l’Indre dont il était le gérant de 1895 à 1897, mais aussi dans Le Prolétaire du Centre. Ses articles, souvent écrits en patois berrichon, étaient signés de son nom mais aussi des pseudonymes Marquis de Labrande et Coco-touche-à-tout. Edmond Augas décéda à Châteauroux le 8 mai 1927, à 73 ans, d’un accident de bicyclette.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article180415, notice AUGRAS Edmond par Jean-Luc Labbé, version mise en ligne le 6 mai 2016, dernière modification le 10 octobre 2022.

Par Jean-Luc Labbé

SOURCES : Arch. Dép. Indre (élections à Châteauroux, Le Progrès de l’Indre, Le Prolétaire du Centre, Le Réveil de la Gaule). — Site Internet des Gas du Berry. — R. Durandeau, Histoire des Francs-maçons en Berry, Éditions Soury, 1990.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable