LAURENCE Julien, Arthur, Victor

Par Gilles Pichavant

Né le 6 juillet 1890 à Saint-Aubin-sur-Scie (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 5 juillet 1973 à Dieppe ; mécanicien ; licencié à la suite d’un mouvement de grève à Arques-la Bataille (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

Fils d’un ouvrier agricole et d’une blanchisseuse, Julien Laurence fut placé enfant comme apprenti chez un boulanger de Dieppe. Il fugua à l’âge de 15 ans, et disparu pendant plusieurs mois. Plus tard il devint devint mécanicien. En fin 1913, au sortir d’un service militaire de trois ans, il trouva du travail à La Viscose, grande entreprise de filature et de tissage de soie artificielle, à Arques-La Bataille (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

Mobilisé le 3 août 1914, Julien Laurence fut blessé d’un éclat d’obus au bras gauche, le 22 août, au Châtelet (Belgique). Évacué, il fut soigné à l’hôpital Villemin de Paris, puis à celui de Rouen, jusqu’au 1er novembre. De retour au régiment, il fut détaché aux établissements Schneider du Havre (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) du 23 août 1915 au 31 mai 1916. De retour au front, son régiment fut engagé dans la bataille du Chemin des Dames en avril 1917. il fut de nouveau blessé d’un éclat d’obus le 21 avril 1917 à la ferme Mauchamp, après avoir été cité à l’ordre de l’armée pour avoir, "lors de l’attaque. du 16 avril 1917, fait preuve d’une grande énergie en progressant sous un violent bombardement et en réussissant à prendre position comme soutien d’infanterie". Il y perdit l’index et le pouce de la main droite et fut hospitalisé jusqu’au 15 juillet 1917. Le 21 mars 1918 il fut affecté au 2e groupe d’aviation au Plessis-Belleville (Oise).

Démobilisé le 10 août 1919, Julien Laurence rentra à Dieppe, où sa femme habitait 6 rue Descelliers, et réintégra la La Viscose à Arques-La-Bataille, malgré son handicap. Il obtint bientôt un logement à proximité de l’usine dans un lotissement appartenant à l’entreprise.

En mars 1920, alors qu’il n’existait pas encore de syndicat dans l’usine qui employait 845 personnes, le personnel se mobilisait et travaillait à sa création pour la satisfaction de ses revendications. Selon un rapport de police, des "conciliabules fréquents ayant pour objet l’élaboration d’un cahier de revendications" se produisirent, entrainant "une certaine agitation dans les ateliers". Le 22 mars, vers 15h00, un accrochage eut lieu entre un ouvrier de la filature, Auguste Blondel*, et un contremaitre. Le directeur le congédia immédiatement, le considérant comme un "meneur violent". Celui-ci alla trouver Julien Laurence, qui débraya les courroies de transmission des machines de la filature pour les arrêter, et provoqua une réunion dans la salle du réfectoire. La grève fut décidée par 210 fileurs sur les 270 employés dans l’atelier. Le directeur licencia immédiatement Julien Laurence. La grève s’étendit le soir avec le débrayage de l’équipe de nuit, puis de celle du matin. La direction reçut une délégation qui lui déposa un cahier de revendication et demanda la réintégration des 2 ouvriers, ce qu’elle refusa. Le travail reprit dans la journée du 24, malgré le licenciement de 8 ouvriers.

Le 25 mars, soit le lendemain de la grève, deux peintres qui travaillaient dans le logement de Julien Laurence en son absence, furent tués dans dans l’explosion d’un engin de guerre. Celui-ci avait en effet rapporté du front, plusieurs grenades et un obus de 37. Cette affaire aggrava sa situation et rendit impossible sa réembauche dans toute autre usine locale. Peut-être trouva-t-il un emploi à Denestanville (Seine-Inférieure), car il y habita de fin 1920 au début de 1923. En mai 1923 il trouva un emploi de chauffeur à l’usine à gaz des mines de Blanzy à Montceau-les-mines (Saône-et-Loire), et la famille s’installa à Saint-Vallier.

Julien Laurence pourrait-être le père de Jean Laurence, né à Denestanville en 1921, qui adhéra à la jeunesse communiste à Montceau-les-Mines en 1938, s’engagea dans la Résistance. Il y fut arrêté le 23 juin 1941, et fut fusillé comme otage à Caen le 7 mars 1942.

Le 14 mars 1914 à Crosville-sur-scie (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) Julien Laurence s’était marié avec Hélène Lefebvre. Revenu dans la région dieppoise après la 2e guerre mondiale, Juiien Laurence mourut le 5 juillet 1973 à Dieppe.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article203962, notice LAURENCE Julien, Arthur, Victor par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 31 mai 2018, dernière modification le 26 juillet 2021.

Par Gilles Pichavant

SOURCES : Archives départementales de Seine-Maritime, cote 10M358, registre matricule 1910 1R3284. — La Vigie de Dieppe, 26 mars 1920Le Journal de Rouen 26 mars 1920

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