CRU Jacques [CRU Pierre, Jacques]

Par Bruno Duriez

Né le 30 janvier 1920 à Gensac (Gironde), mort le 10 juin 2019 à La Palud-sur-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence) ; aide-chimiste, rectifieur, journaliste ; militant de la JOC puis de la LOC à Grasse (Alpes-Maritimes), résistant de l’ORA (1942-1944), responsable du MPF (1945-1950), du MLP (1950-1957) et de l’UGS (1957-1960) ; syndicaliste CGT ; conseiller municipal de La Palud-sur-Verdon.

Petit-fils d’un meunier, Jacques Cru vint à Grasse à l’âge de cinq ans, quand son père, à la fermeture du moulin paternel, entra comme employé de bureau dans l’industrie de la parfumerie. Aîné de six garçons et filles dont les parents étaient catholiques pratiquants, la mère restant au foyer, Jacques Cru demeura dans cette ville jusqu’en 1944. Il fit ses études au collège Fénelon, puis au petit séminaire de Cannes jusqu’en classe de troisième. Il commença alors à travailler, en octobre 1936, comme aide-chimiste en parfumerie.

Lié à Paul Rodi*, président de la fédération JOC des Alpes-Maritimes, Jacques Cru créa une section jociste à Grasse en 1937. Il se maria en 1941 avec Marcelle Crotta, elle-même militante de la JOCF, ouvrière dans la parfumerie. Le couple allait avoir deux enfants. Avec le concours d’Honoré Maria*, secrétaire de la fédération de la LOC des Alpes-Maritimes, Jacques Cru lança ensuite la section LOC de Grasse, qui devint rapidement MPF.

Dès lors, il fut étroitement mêlé aux actions mises en œuvre par ce mouvement dans les Alpes-Maritimes pour venir en aide aux familles ouvrières, notamment en faisant venir des wagons de pommes de terre. Une pétition fut remise au préfet afin de protester contre la collecte officielle du cuivre au bénéfice de l’industrie allemande, collecte qui incitait certains à voler le métal. Les syndicalistes des différentes centrales, devenues clandestines, trouvaient alors refuge au MPF. La section de Grasse obtint du syndicat patronal de la parfumerie une prime de vie chère pour toutes les familles. Les militants pensaient maintenir après guerre une section syndicale unique face au syndicat patronal ; chacun aurait alors pris la carte confédérale de son choix.

Diffusant Témoignage chrétien, Combat et Franc-Tireur, Jacques Cru entra fin 1942 dans l’Organisation de la résistance armée (ORA), sous les ordres du lieutenant Hanne, second du capitaine Oberto-Durival. Arrêté en avril 1944 par la police allemande, il s’évada le lendemain lors d’un transfert, et vécut caché au sanatorium du docteur Colomban, futur maire de Grasse, puis chez Honoré Maria, à Nice, et enfin à Sainte-Foy-les-Lyon, chez Lucie Alvergant et Louis Alvergnat, dirigeant national du MPF. Son épouse Marcelle Crotta, qu’il avait épousé à Grasse en mars 1941, décéda le 29 mars 1944, à l’âge de vingt-quatre ans, des suites de son second accouchement.

À la Libération, en septembre 1944, Jacques Cru rejoignit Saint-Étienne où il collabora au lancement de La Dépêche démocratique, journal créé par des résistants chrétiens. Il se reamria en décembre 1944 avec Onéglia Gavarini Nelly Gavarini, alors gestionnaire de la résidence secondaire de gros commerçants stéphanois, qui adopta ses enfants et avec qui il en eut trois autres. Militante de la JACF, Nelly Cru milita alors au MPF.

À la demande de Louis Alvergnat, Jacques Cru vint à Paris le 1er juillet 1945 pour renforcer la rédaction de Monde ouvrier, journal du MPF. En 1949, Paul Rodi prit la suite de François Picard comme rédacteur en chef du journal. Désormais, les rédacteurs eux-mêmes, dont Jacques Cru, signèrent les articles politiques, et non plus l’abbé Maxime Hua (alias Henri Maxime, Guy Leroux), aumônier général du mouvement.

En octobre 1950, l’orientation politique plus marquée du MPF se traduisit dans le changement de son nom en Mouvement de libération du peuple. Il s’ensuivit une crise dans le mouvement et la mise à l’écart de Laurence Bontron, d’Yvette Vaissière* et de Jacques Cru du secrétariat général, puis, en 1951, la scission de la minorité qui donna naissance au Mouvement de libération ouvrière. Jacques Cru fut alors élu secrétaire général de la fédération MLP de Paris qu’il réorganisa. Il le resta jusqu’à la fusion avec la Nouvelle Gauche et à la naissance de l’Union pour la gauche socialiste(UGS). Il demeura membre de l’équipe fédérale de la nouvelle organisation mais refusa de participer à la création du PSU en 1960. Membre du comité de rédaction de La Quinzaine de 1951 à 1953, il y avait souvent signé des articles.

Au début de 1951, grâce à des amis, il avait été embauché comme OS rectifieur à la Précision mécanique, entreprise métallurgique de 2 000 salariés à Paris (XIIIe arr.). Adhérent à la CGT, il y mena une grève victorieuse, fin 1951, avec les trois syndicats de l’entreprise (autonome, CFTC, CGT). Renvoyé pour avoir introduit des journaux syndicaux dans l’usine, il entra ensuite, toujours comme rectifieur, chez Escofier, entreprise dirigée par le président des patrons du moule, au Kremlin-Bicêtre (Seine, Val-de-Marne). Bien que toute pratique syndicale y était interdite, il réussit à regrouper quelques jeunes ouvriers mais il fut licencié le 20 mai 1952.

Pendant la préparation de la manifestation du 28 mai 1952 contre la venue du général Ridgway, Jacques Cru intervint, dans le cadre de l’intersyndicale d’Ivry-sur-Seine, à une réunion tenue au sein de l’entreprise Bennes Genève, au cours de laquelle des anciens d’Indochine suscitèrent une bagarre. Après les incidents de rue, il protesta contre les violences physiques qui s’y étaient déployées et fut alors violemment critiqué par les représentants du Parti communiste.

À la suite de son licenciement, il décida de reprendre le métier de journaliste. Il choisit la presse spécialisée : La Journée vinicole, de septembre 1952 à décembre 1959, puis à partir de janvier 1960, L’Hôtellerie dont il fut le rédacteur en chef de 1964 à son départ en retraite en 1982.

Séparé de Nelly Cru depuis 1959, divorcé en 1961, Jacques Cru se retira ensuite à La Palud-sur-Verdon et fut élu conseiller municipal sur la liste du maire communiste. Quand celui-ci mourut, un désaccord l’opposa à certains de ses collègues appartenant au PCF et il remit sa démission. Il se consacra dès lors à l’étude de l’histoire des hommes qui ont fait vivre les villages situés aux confins de la Basse et de la Haute-Provence.Il se maria à nouveau à paris IXe arrondissement avec Micheline Dohollou dont il divorça en 1978.

Sa dernière compagne, Marie-Christine Van den Eede, aide-comptable puis chef comptable, épousée en juin 1979, décéda en décembre 2004. Son fils aîné, Alain (1942-2006), fut membre actif des Restos du cœur de Brive (Corrèze).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21164, notice CRU Jacques [CRU Pierre, Jacques] par Bruno Duriez, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 13 juin 2019.

Par Bruno Duriez

ŒUVRE : Les gorges du Verdon dans l’histoire de la Provence, ED. BPI, 1974 (avec Micheline Dohollou) — Histoire des gorges du Verdon jusqu’à la Révolution, Édisud, 2001.

SOURCES : Les Cahiers du GRMF, 4, 7, 9, 10 et 14. — Informations fournies par l’intéressé.— Etat civil.

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