BAUDOUIN Jean-Louis

Par André Balent

Né le 9 janvier 1923 à Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), mort à Nîmes (Gard) le 2 mars 1944 exécuté par pendaison par les SS de la division blindée Hohenstaufen ; mécanicien à Saint-Hippolyte-du-Fort ; réfractaire du Service du travail obligatoire (STO)

Jean-Louis Baudouin était le fils de Louis, Auguste, sans profession en 1944 domicilié à Saint-Hippolyte-du-Fort et de Alicia, Louise Béssède, célibataire. Mécanicien dans sa ville natale, un bourg du piémont des Cévennes, il fut réfractaire au STO. Il quitta donc Saint-Hippolyte et se réfugia à Driolle, hameau de la commune cévenole de Saint-Roman-de-Codières (Gard) à la maison de la famille Ordines, agriculteurs et bûcherons d’origine espagnole (Voir Ordines Miguel).

Au début de 1944, Driolle abritait deux autres familles en plus des Ordines : les Soulier et les Perrier. Les Ordines, père et fils (Voir Jean Ordines) étaient des bûcherons de métier. Ils pratiquaient aussi l’abattage clandestin qui leur procurait des revenus complémentaires. Ils n’étaient pas affiliés, semble-t-il, à un mouvement ou à un réseau de résistance. Ils étaient cependant réputés être membres (sympathisants ?) des FTPF. Ils aidaient des réfractaires et des maquisards nombreux dans les Cévennes. Lorsque la colonne de la division Hohenstaufen arriva à Driolle au petit matin du 28 février 1944, la maison des Ordines abritait deux réfractaires du STO : Fernand Broussous et Jean-Louis Baudouin. Jean Ordines, le fils cadet de la famille, était, lui aussi, un réfractaire du STO.

La division blindée SS Hohenstaufen arrivée des Balkans à Nîmes le 20 février 1944 fut aussitôt engagée dans des actions de « nettoyage » des maquis du sud-est du Massif Central. Celles-ci commencèrent au soir du 27 février lorsqu’un détachement de cette unité quitta le chef-lieu du Gard afin d’éradiquer les maquis cévenols du Gard et de la Lozère. L’opération était menée de façon conjointe avec des éléments de l’armée allemande qui firent également mouvement depuis Mende et Florac (Lozère). Les soldats de la division Hohenstaufen partis de Nîmes avaient déterminé des objectifs qui avaient été signalés par des informateurs locaux, affiliés à la Milice ou, du moins, favorables à Vichy et hostiles à la Résistance. Driolle était l’un d’entre eux.
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La colonne arriva à Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard) dans la nuit. Un groupe s’en détacha et reçut l’ordre de faire mouvement vers Driolle susceptible d’abriter des maquisards. Des habitants du hameau avaient été signalés par des informateurs. Ils arrivèrent à Driolle, une heure après leur départ. Un des fils Un des fils Ordines, Henri (également réfractaire au STO), eut le temps de s’enfuir et eut ainsi la vie sauve. Les autres habitants ou résidents temporaires de Driolle furent arrêtés. La maison des Ordines fut la première à être investie par les Allemands. Les époux Miguel et Isabelle Ordines furent arrêtés ainsi que leur fils cadet, Jean, et les deux réfractaires au STO qu’ils hébergeaient, Fernand Broussous et Jean-Louis Baudouin. Chez les Soulier, ils arrêtèrent la mère, le fils, Fernand, et un visiteur qui ignorait qu’il avait été entre temps convoqué au STO et qu’il était considéré comme réfractaire. Par contre, ils laissèrent libres M. Perrier et sa fille. Les habitants de Driolle arrêtés furent conduits au château de Planque à Saint-Hippolyte-de-Fort. Ils les « interrogèrent » et décidèrent que Fernand Broussous serait pendu au pont de la voie ferrée qui traverse la route de Saint-Hippolyte-du-Fort à Lasalle, ce qui fut rapidement fait.

Les otages de Driolle et de Lassalle furent amenés à Nîmes. Les femmes, dont Isabelle Ordines, femme de Miguel furent incarcérées à la prison de la ville d’où elles furent extraites sans explications trois mois plus tard. Les hommes capturés à Driolle, sauf Broussous déjà pendu à Saint-Hippolyte-du-Fort, furent regroupés avec les otages capturés à Ardaillers (commune de Valleraugue, Gard) (Voir par exemple Louis Carle) et à Lasalle. Plus tard, ils furent rejoints par les deux maquisards de Bir Hakeim blessés dans un affrontement avec les Allemands à Saint-Hippolyte-du-Fort et capturés à l’hôpital de Nîmes. Le 2 mars 1944, certains otages furent séparés des quinze hommes destinés à la pendaison alors que tous avaient été regroupés à l’école de la Croix de Fer, rue Bonfa, réquisitionnée par les Allemands. Le même jour, ils furent pendus à Nîmes, en trois lieux différents de la ville..Un témoin, le pâtissier Faucher, dont la maison faisait face à la cour de l’école put observer la scène. Le lieutenant SS Ernst Güttmann, Feldgendarme, chef du détachement cantonné à l’école de la Croix-de-Fer — et qui avait participé, les jours précédents, à l’expédition dans les Cévennes —, assista au départ des hommes destinés à la pendaison dirigea, le lendemain, le peloton d’exécution de SS qui massacra quinze villageois du hameau des Crottes (Ardèche). Les quinze hommes furent pendus dans trois endroits différents de Nîmes, aux principales sorties de la ville (routes d’Uzès, 3 ; de Montpellier : avenue Jean-Jaurès à son intersection avec la route de Montpellier, 6 ; de Beaucaire, 6). Les pendus furent hissés sur le toit des camions. Les cordes étaient attachées à des arbres (avenue Jean-Jaurès, alors avenue de la Camargue) ou sous un pont de chemin de fer, les camions reculaient afin de provoquer la mort des suppliciés qui portaient tous une pancarte avec l’inscription : « Ainsi sont traités les terroristes français ».

Les actes de l’état civil de Nîmes n’indiquent pas les lieux exacts des décès. Ils se contentent de signaler simplement l’heure approximative (« vers dix-huit heures »). Les corps auraient dû être exposés pendant 24 heures. Toutefois, l’indignation de la grande majorité de la population nîmoise, incita les forces d’occupation à écourter la durée de l’exposition. Le général Wilhelm Bittrich, commandant de la division Hohenstaufen aurait peu apprécié le principe d’exécutions publiques de « terroristes » par pendaisons. Il fit détacher les cadavres des pendus et les fit enterrer peu après en un lieu inconnu. Le préfet du Gard, le très pro-allemand Chiappe, conscient de l’émoi des Nîmois, fit aussi pression afin de détacher les pendus au plus tôt. Un agriculteur de Jonquières-Saint-Vincent (Gard), dans la vallée du Rhône, Joseph Quiot, surprit des soldats allemands en train d’enterrer des cadavres dans un champ de luzerne. Deux jours plus tard, le propriétaire du champ, Louis Dany vérifia la présence de cadavres. Il prévint la préfecture du Gard. Les cadavres furent exhumés après la Libération.

L’acte de décès de Jean-Louis Baudouin fut inscrit sur le registre de l’état civil de Nîmes le 16 septembre 1944, sur déclaration de Jean Flandin, secrétaire de police à Nîmes. Sur ce document, est stipulé qu’il s’agissait d’un « Inconnu présumé Jean Louis BAUDOUIN célibataire ». Son identité fut confirmée ultérieurement. Sur son acte de décès n’est pas portée la mention « mort pour la France »

Il n’y a pas de dossier établi à son nom au Service historique de la défense à Vincennes. Son nom a été donné à une rue de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), mais il ne figure pas sur le monument aux morts de cette ville. En revanche, il figure sur une des plaques apposées sur le viaduc ferroviaire où fut pendu Fernand Broussous. Elles commémorent les morts de Saint-Hippolyte-du-Fort tués par les soldats de la division Hohenstaufen dans cette ville le 28 février 1944. C’est cette inscription qui a sans doute induit en erreur les rédacteurs de l’entrée « Saint-Hippolyte-du-Fort » du site MemorialGenWeb » à indiquer cette date comme celle de son décès. Ils ont aussi établi une autre fiche à son nom dans l’entrée « Nîmes » qui l’indiquent comme faisant partie des pendus de Nîmes le 2 mars 1944 ayant été inhumé au carré mixte du cimetière Pont de Justice.

Jean-Louis Baudouin fut, en effet, inhumé à Nîmes, au cimetière Pont de Justice, dans le carré 10D, dans la rangée C2, tombe n° 10.

Voir : Nîmes (Gard), Pendaisons publiques, 2 mars 1944

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article220510, notice BAUDOUIN Jean-Louis par André Balent, version mise en ligne le 17 novembre 2019, dernière modification le 4 janvier 2020.

Par André Balent

SOURCES : Arch. com. Nîmes, état civil, acte de décès de Jean-Louis Baudouin et mentions marginales. —Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [En particulier, pp. 149-150, p. 320]. — Claude Émerique, « Les pendus de Nîmes », in La Résistance dans le Gard, Paris, AERI, CDROM et livret d’accompagnement, 36 p. Paris, 2009. — Aimé Vielzeuf, Bloc-notes 44 (Dans le Gard, en attendant la liberté), Nîmes, Lacour, 1994, 150 + XXXII p. [voir plus particulièrement les pp. 27-29 et 31-33]. — Aimé Vielzeuf, En Cévennes et Languedoc. Au temps des longues nuits, Nîmes, Lacour, 2002, 276 p, le chapitre III, « De l’affaire de Saint-Hippolyte-du-Fort aux pendaisons de Nîmes (28 février-2 mars 1944) », pp. 104-195, plus particulièrement les pp. 112-127, 152. — Site MemorialGenWeb consulté le 17 novembre 2019. — Site MemorialGenWeb consulté le 17 novembre 2019. — Site Mémoire des hommes, consulté le 17 novembre 2019.

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